Tribune libre de Georges Donald Potola

Nou lé misèr, nou lé pa volèr

  • Publié le 18 août 2025 à 07:26
  • Actualisé le 18 août 2025 à 07:34
populations

La pauvreté, c’est un mot qu’on entend trop souvent, surtout en période d’élection. Les élus le prononcent comme une promesse, mais très peu réussissent à inverser la tendance, à freiner cette misère qui progresse (Photo d'illustration www.imazpress.ocm)

On ne peut pas combattre la misère sans la comprendre. On ne peut pas la comprendre sans l’avoir vécue, ou du moins côtoyée de près. Seuls quelques élus expérimentés, qui ont réellement passé leur vie de militants sur le terrain, savent ce que vivent ceux qui sont dans la pauvreté. Ils connaissent leurs douleurs et les conséquences de cette misère.

Ceux qui sont nés dans les années 40, 50 ou 60, ne me contrediront pas, être pauvre, à cette époque, n’était pas une exception dans notre département, une société réunionnaise divisée.
Les colons et leurs descendants, les plus riches. Les bourgeois, ou plutôt les néo-bourgeois, et les pauvres. Ces derniers, on pouvait les classer en 3 groupes : les travailleurs pauvres, les chômeurs qui survivaient et ceux qui vivaient dans la rue.

Ma mère et nous (11 enfants, dont le père avait abandonnés), faisions partie de la catégorie des travailleurs pauvres. Pour survivre, ma mère, qui travaillait pour un salaire de misère, nous emmenait parfois avec elle, chacun son tour, mendier de case en case, un peu de nourriture, ou de l’argent pour acheter du riz. Souvent, les gens nous chassaient, ou ne répondaient même pas.

Beaucoup de Réunionnais ont connu la même situation à cette époque, où il y avait très peu d’aides sociales, pas de RSA ni autres aides, la vie était dure. Il existait une forte discrimination entre Réunionnais, car les “zoreils” vivaient à part et ne se mélangeaient pas. Les pauvres étaient rejetés, à l’école, parfois par les institutions, et souvent même par leur propre famille. On n’osait pas nous fréquenter “parce qu’on était simplement pauvres”, d’où le terme, “la famille y fé lo blanc”.

Seule l’Église nous accueillait… et là aussi, cela dépendait du curé, il y avait deux classes.

Heureusement, ma mère, une femme courageuse et instruite, malgré ses onze enfants, nous a donné une éducation solide, avec des règles claires.

D’abord, la foi en Dieu et en soi-même. Ensuite, la politesse et le respect des autres. Et surtout l’instruction, même s’il fallait parfois l’accompagner de coups de ceinture, quand ça n’allait pas.

Ma mère nous répétait tout le temps : “Marmail, nou lé misèr, nou lé pa volèr.” ; “La politesse lé né avant zot.” ; “Attention à zot orgueil mal placé”.

Plus tard, j’ai quitté l’école, et j’ai compris là encore cette fable de La Fontaine : “Aide-toi, et le ciel t’aidera.”, quand ma mère m’a dit : “Maintenant que tu n’es plus scolarisé, je peux encore t’assurer un lit, un peu de riz, le reste, c’est à toi de le trouver.”.

Grâce à cette éducation, les onze enfants ont pu s’en sortir.

Donc, pour briser et faire reculer la pauvreté : l’instruction, la foi, le respect et l’humilité.
Seulement après, on peut frapper à la porte des autres, pour éventuellement saisir des opportunités.

Mais aujourd’hui, où est passée la foi ? Où est passée l’éducation parentale ? Où sont l’humilité et le respect ?

Bien entendu, c’est aussi le rôle de l’État de subvenir en aides aux plus démunis. Mais cela suppose aussi que ceux qui détiennent le pouvoir soient honnêtes, capables d’écouter les plus fragiles, sans les juger ni les manipuler pour des raisons électoralistes. Malheureusement, nous voyons trop d’élus condamnés pour : détournement de fonds, corruption, mise en faillite de services publics. Ils deviennent orgueilleux, oublient leurs promesses. Quand on sait que là où il y a corruption, la pauvreté s’installe.

Autre déception : ces jeunes élus issus de familles modestes, qui font campagne sur la pauvreté, mais une fois au pouvoir, roulent en voiture de fonction, s’entourent de maîtresses, tombent dans la luxure et l’argent facile, passent leur temps à voyager en 1ère classe.

N’est-ce pas une trahison ? Une manipulation ? Voire même un péché mortel ?
Sinon, pourquoi la Réunion compterait-elle encore autant de pauvres ? Pourquoi certaines villes s’enfoncent-elles dans la misère ?

Mais, tant que les familles réunionnaises n’assumeront pas leur part de responsabilité. Tant que nos élus ne respecteront pas la parole donnée. Tant que nous ne ferons pas preuve d’humilité, nous ne pourrons ni avancer, ni effacer la pauvreté.

Georges Donald Potola

 

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2 Commentaires
Jacqueline
Jacqueline
1 mois

Vous faites allusion sûrement aux élus du conseil régional dont Mme Bello est aussi grande maître en la matière, n'est-ce M. Potola ?

Missouk
Missouk
1 mois

La lecture sélective a encore de beaux jours devant elle !