Tribune libre de Gérard Françoise

Violences intrafamiliales – Dispositifs en déroute, femmes en détresse !

  • Publié le 19 juin 2025 à 19:15
  • Actualisé le 19 juin 2025 à 19:20
gérard françoise

Lors de la séance plénière du Conseil Départemental du 18 juin 2025, le Compte administratif 2024 et le Budget supplémentaire 2025 ont été adoptés. J’ai choisi de m’abstenir : Je ne pouvais pas valider un budget qui, malgré les chiffres, reste sourd aux appels de détresse de milliers de femmes et d’enfants victimes de violences intrafamiliales." (Photo d'illustration Sly/www.imazpress.com)

En ouverture de séance, une motion portée par notre groupe « Une Ambition pour le Département » a été adoptée à l’unanimité, consacrant une priorité politique claire à cette cause. "Ce vote nous engage moralement ; il doit maintenant s’incarner dans les crédits."

Derrière les chiffres, des vies brisées

Je ne suis pas ici pour accuser, mais pour alerter !

À La Réunion, plus de 5 600 personnes ont été victimes de violences intrafamiliales en 2022. Un chiffre saisissant, en hausse constante. Et pourtant, cette réalité-là, celle qui se vit derrière des portes closes, n’apparaît nulle part dans nos budgets.

Derrière ces chiffres, ce sont des femmes, des mères, des enfants, des urgences, et trop souvent : des silences. Nous avons des dispositifs ? Oui ! Sur le papier. Oui !

Je pense à l’ISCG, présenté comme un levier-clé. L’intervenant social en commissariat et gendarmerie : censé recevoir, écouter, orienter.

Dans les faits, il est souvent introuvable, indisponible, ou débordé. Et les femmes qu’il devrait protéger sont renvoyées de service en service, jusqu’à l’épuisement.

Des exemples ?

• Une mère de sept enfants, dont trois à sa charge. Violences, menaces, urgences. Elle cherche de l’aide. Elle se rend à l’ISCG du Chaudron. Puis au centre de Malartic. À chaque étape, la porte est close. Résultat ? Elle dort sur un balcon, avec ses enfants. Voilà, concrètement, où en est notre système.

• Une autre femme, étudiante infirmière, mère de deux enfants. Elle squatte un logement vide de la SIDR à Sainte-Clotilde. Pourquoi ? Parce que malgré des années de démarches, aucune solution ne lui a été proposée. Pire : elle a été reçue avec mépris et rejet. Ses enfants ne bénéficient d’aucune aide. C’est une double peine.

• Et que dire de cette mère qui m’a interpellé lors d’une visite associative ? Elle dort dans sa voiture, pendant que sa fille est hébergée ailleurs.

Quelle humanité reste-t-il à un système qui laisse des mères dans de telles situations ? 

Je repose donc la question : Nos dispositifs, comment fonctionnent-ils réellement et avec quels moyens ?

Un budget qui masque des réalités

→ Le compte administratif 2024 affiche :
• 897 614 € pour les ISCG (dont 448 807 € pour le Département),
• 200 000 € pour les nuitées d’urgence,
• 1 300 000 € de subventions aux associations,
• 30 000 € de budget taxis pour les mises à l’abri d’urgence (2023),
• 4 501 302 € pour les relais familiaux,
• 13 postes d’ISCG sur le territoire (pour plus de 20 communes),
• 825 personnes hébergées via nuitées en pension, gîtes ou hôtels,
• 5 SAUT (60 places),
• 4 CHAU (159 places).

→ Mais dans la réalité ?

• L’association KASSOUL a dû refuser 180 femmes en 2024.
• Femmes Solid’Air accompagne plus de 200 femmes avec moins de 150 000 €, dont seulement 30 % financés par le Département.
• Le Planning Familial de l’Est ne tient que deux permanences pour 80 000 habitants.
• Et le délai moyen de traitement d’une procédure est de plus de 9 mois : qu’il s’agisse de signalements à l’Aide sociale à l’enfance, de parcours d’hébergement ou de mesures de protection de ces femmes. Ce temps reflète l’enlisement institutionnel des situations critique.

"Neuf mois : le temps de donner la vie. Ici, c’est le temps qu’on laisse passer pour laisser mourir l’espoir." Et ce constat n’est pas que le mien : associations, syndicats, collectifs, tous alertent. Une lettre ouverte a été adressée au Ministre de l’Outre-Mer. On y dénonce l’absence d’un 3919 local, en créole. On y parle d’un système qui ne comprend pas, ne répond pas, ne protège pas.

Et pendant ce temps, les faits se répètent.

Le 2 juin dernier, à Saint-Denis, une femme de 27 ans a été poignardée par son ex-conjoint, sous les yeux de leur bébé de 18 mois.

Des actions concrètes, portées et adoptées

Parce que les constats ne suffisent plus, nous avons défendu des mesures immédiates, ambitieuses et cohérentes avec les besoins du terrain. Elles dessinent une perspective d’action dès 2025 : 

- Doubler les subventions aux associations spécialisées ; 

- Renforcer et garantir la présence effective des ISCG ;

- Créer un fonds d’hébergement d’urgence ; 

- Lancer un 3919 local en créole, disponible 24h/24 ;

- Réduire à trois mois les délais de procédure et de traitement des cas critiques ; 

- Commander un audit externe des dispositifs existants ; Instaurer un guichet unique pour simplifier les parcours ; 

- Mieux former les professionnels et bénévoles de terrain ; 

- Mettre en place un pilotage départemental coordonné avec les associations.

"On ne sauve pas des vies à coups de vœux pieux. Il est temps que nos budgets deviennent des leviers de protection."

Une bataille humaine, pas qu’une ambition ! 

Je poursuivrai mon action. Le groupe « Une Ambition pour le Département » poursuivra son engagement, séance après séance, pour que chaque ligne budgétaire se traduise par des actes concrets.

"Ce que vivent ces femmes ne se résume pas à une ligne budgétaire. Quand une mère dort dans sa voiture ou sur un balcon, ce n’est pas un accident administratif. C’est l’effondrement de notre contrat social !"

Aussi, ne travestissons pas nos bilans financiers pour se donner bonne conscience : les chiffres ne sont pas têtus, ils reflètent la triste réalité de l’action départementale. Et allons met' ensemb pou redonne la force à celles qui n’en ont plus !

Gérard FRANÇOISE
Conseiller Départemental de La Réunion

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