Le chef de l'opposition kényane Raila Odinga est décédé mercredi matin à 80 ans dans le sud de l'Inde, a-t-on appris de la police indienne, dans un séisme politique alors que se profile l'élection présidentielle en 2027 dans le pays d'Afrique de l'Est.
Longtemps député, cinq fois candidat malheureux à la présidentielle, M. Odinga a été Premier ministre de 2008 à 2013
La disparition de "Baba" ("papa" en swahili, son surnom), figure incontournable de la communauté Luo, la deuxième plus importante du pays, laisse un grand vide dans l'opposition kényane.
La police indienne a déclaré à l'AFP qu'il marchait avec sa sœur, sa fille et son médecin lors d'une promenade matinale "lorsqu'il s'est soudainement effondré", et été conduit dans un hôpital où il a été déclaré mort.
Un porte-parole du Sreedhareeyam Ayurvedic Eye Hospital dans le Kerala (sud) a confirmé son décès.
"Il a soudain été victime de difficultés respiratoires et s'est effondré", a rapporté ce porte-parole sous couvert d'anonymat à l'AFP. "Malgré les efforts répétés des médecins, son état s'est aggravé et il n'a pas pu être sauvé", a-t-il ajouté.
Raila Odinga était issu d'une dynastie politique. Son père Jaramogi Oginga Odinga, fut le grand perdant de la lutte pour le pouvoir après l'indépendance du Kenya en 1963, au profit du premier président Jomo Kenyatta.
- Rapprochement avec Ruto -
Le président William Ruto est arrivé au domicile familial de M. Odinga à Nairobi, où une annonce devait être faite prochainement et où ses partisans étaient en larmes.
"Comment allons-nous survivre sans lui ? Nous tremblons", a déclaré à l'AFP, émue, Anima Ferrari, sa responsable de protocole.
Des journalistes de l'AFP ont signalé des troubles dans le bidonville de Kibera à Nairobi, un bastion de M. Odinga, tandis que des personnes en deuil bloquaient les routes du Kisumu (Ouest), son État d'origine.
Né le 7 janvier 1945, Raila Odinga était une des figures de l'opposition kényane, plusieurs fois emprisonné pour avoir combattu le régime à parti unique ou contraint à l'exil sous la présidence autocratique de Daniel Arap Moi (1978-2002).
Durant la dernière élection présidentielle en 2022, il avait été battu de peu par William Ruto, avant de dénoncer des fraudes.
Opposant au chef de l'Etat, à l'origine de rassemblements contre la politique économique du gouvernement, il s'était depuis plusieurs mois rapproché de M. Ruto, qui l'avait d'ailleurs soutenu en février pour le poste de président de la Commission de l'Union africaine, élection également perdue.
Puisque que M. Odinga a mené presque seul cette alliance politique avec M. Ruto, celle-ci est désormais "morte et enterrée", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Barrack Muluka, laissant le pays sur une voie incertaine.
Sa disparition laisse un vide au sein de l'opposition, et il est loin d'être certain que quelqu'un puisse égaler sa capacité de mobilisation alors que le pays s'engage dans une campagne potentiellement explosive avant les élections de 2027.
"Le pays perd l'un de ses acteurs politiques les plus influents. Un grand homme qui a accompli de grandes choses", a déclaré M. Muluka. "Il jouissait d'une large audience nationale. On ne peut en dire autant de personne d'autre."
- "Panafricaniste" -
Réputé pour ses talents d'orateur, M. Odinga avait cependant vu son charisme s'éteindre quelque peu avec l'âge.
Lors de la campagne pour le poste de président de la commission de l'UA, ce grand-père de cinq petits-enfants est apparu vieillissant, bredouillant, l'élocution parfois confuse et se déplaçant avec difficulté.
L'ancien président de la Cour suprême du Kenya et actuel candidat à la présidentielle, David Maraga, s'est dit "choqué" par l'annonce de son décès. Odinga était "un patriote, un panafricaniste, un démocrate et un leader qui a apporté une contribution significative à la démocratie au Kenya et en Afrique", a -t-il affirmé sur X.
"Au nom du gouvernement éthiopien, je présente mes sincères condoléances pour le décès de l'ancien Premier ministre kenyan Raila Odinga. Qu'il repose en paix", a déclaré sur X le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, quand le président djiboutien Ismail Omar Guelleh a rendu hommage à un "leader visionnaire".
AFP