Jane Goodall, l'ambassadrice des chimpanzés, est décédée

  • Publié le 1 octobre 2025 à 23:47
  • Actualisé le 2 octobre 2025 à 06:46
Jane Goodall avec un chimpanzé le 9 juin 2018 à Entebbe, en Ouganda

Ambassadrice des chimpanzés, la primatologue britannique Jane Goodall, décédée mercredi à l'âge de 91 ans, a changé le regard de l'homme sur sa place dans la nature et a inlassablement défendu la cause environnementale.

Infatigable, Jane Goodall parcourait encore la planète pour défendre la cause des chimpanzés, ces grands singes qu'elle était venue étudier en Tanzanie, il y a plus de 60 ans dans ce qui était encore le protectorat britannique du Tanganyika.

A chaque conférence, le visage dégagé, ses longs cheveux argentés attachés, elle accueillait son public avec une imitation très juste du cri du chimpanzé.

Messagère de la paix des Nations Unies depuis 2002, elle ne passait plus que quelques semaines par an dans le parc national tanzanien de Gombe, là où avait débuté sa longue carrière scientifique.

Jane Goodall est née à Londres le 3 avril 1934, deux ans après l'Américaine Dian Fossey, qui avait consacré, elle, sa vie aux gorilles des massifs congolais et rwandais.

Secrétaire de formation et naturaliste autodidacte, la jeune femme se rend pour la première fois en Afrique invitée par des amis propriétaires d'une ferme au Kenya.

En 1957, elle y rencontre le conservateur du Musée national kényan, le célèbre paléoanthropologue Louis Leakey. Il lui fait une incroyable proposition: aller observer des chimpanzés au bord du lac Tanganyika, un environnement proche de celui de nos lointains ancêtres.

Grâce à sa persévérance, Jane Goodall réussit à se faire accepter par ses discrets habitants, devenant quasiment l'une des leurs.

Les scientifiques de la vieille école sont choqués à la lecture de ses premiers rapports où elle parle de David Barbe-Grise, Flo, Mike, Mac Gregor et d'autres, au lieu d'individus identifiés par des sigles et des numéros.

Elle décrit dans le détail leur société aux rapports complexes et découvre qu'ils ne sont pas végétariens, mais omnivores.

- Lien mère-enfant -

En observant un chimpanzé utiliser une tige pour attraper des termites, elle est la première à révéler que ces grands singes savent fabriquer des outils, une capacité jusque-là considérée comme l'apanage de l'Homme.

"Il faut désormais redéfinir l'Homme, redéfinir l'outil, ou accepter le chimpanzé comme humain", lui écrit Louis Leakey, qui l'envoie à l'université de Cambridge où elle obtient un doctorat en éthologie (1965).

Jane Goodall n'a pourtant aucun diplôme universitaire en poche. Avant elle, seules sept personnes ont, de la sorte, sauté les étapes dans le prestigieux établissement.

En 1964, elle épouse le photographe néerlandais Hugo van Lawick, qui immortalise son travail pour les magazines américains Life et National Geographic. La couple a un fils, Hugo, qu'elle surnomme "Grub" ("asticot").

"Chez les chimpanzés, il y a un lien extrêmement étroit entre la mère et l'enfant", explique-t-elle. "La mère est constamment avec l'enfant, et j'ai élevé +Grub+ de cette façon. Jusqu'à ses trois ans, je ne l'ai jamais laissé seul une journée entière."

Son deuxième mari, Derek Bryceson, directeur des parcs nationaux tanzaniens, entre dans sa vie en 1973. Il meurt sept ans plus tard d'un cancer.

- "Pensée à court terme" -

Grande figure de la science du XXe siècle, maintes fois distinguée, Jane Goodall devient dès les années 1970 une activiste de la nature.

Dès 1977, elle crée son institut pour gérer en Afrique des centres d'accueil de chimpanzés issus du braconnage, puis le "ChimpanZoo", programme destiné à améliorer les conditions de vie des primates captifs ou encore le "Roots and Shoots" ("Racines et pousses") en 1991, un programme de sensibilisation des jeunes à l'environnement.

En 2022, Mattel sort une Barbie à son effigie: "Je suggère depuis longtemps que les filles ne veulent pas seulement être des stars de cinéma. Beaucoup d'entre elles, comme moi, veulent être dans la nature à étudier les animaux."

Dans une tribune du Monde pendant le Covid-19, elle établit un lien entre la pandémie et "notre manque de respect pour le monde naturel".

Végétarienne convaincue, elle dénonce sans relâche les atteintes à la biodiversité.

"Nous savons ce que nous devons faire. Nous avons les outils nécessaires. Mais nous nous heurtons à la pensée à court terme du gain économique, contraire à la protection à long terme de l'environnement."

"Je ne prétends pas être capable de résoudre les problèmes", déclarait-elle à l'AFP en 2024. "Mais si nous regardons l'alternative, qui est de continuer à détruire l'environnement, nous sommes condamnés."

AFP

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1 Commentaires
Luc-Laurent Salvador
Luc-Laurent Salvador
2 jours

Jane Goodall est assurément une belle personne dont j'ai longtemps été fan lorsque je me suis intéressé à l'émergence de pratiques proto-sacrificielles chez les primates. C'est dans son équipe qu'ont été faites les premières observations de tels quasi-rituels au cours desquels un des singes colobe frayant habituellement avec la troupe de chimpanzés se trouvait tout soudain mis en pièce, partagé puis consommé au sein du groupe dans un moment marqué par une absence de conflits et donc une forme de paix quasi religieuse (cf. Teleki 1974).
Donc oui, Jane Goodall était une femme courageuse, passionnée, obstinée dans la défense de nos cousins primates mais, il y a un mais.
A force d'être dans la compassion pour l'animal, pour la nature aussi, et Dieu sait que c'est légitime vu les violences que la "civilisation" des hommes leur inflige, Jane Goodall en était venu à exprimer publiquement l'idée glaçante selon laquelle les effets désastreux des activités humaines sur la nature "ne poseraient pas autant problème si la population d’aujourd’hui était celle d’il y a 500 ans", soit grosso modo 500 millions d'individus.
Il y a donc là une claire prise de position en faveur d'une dépopulation, de sorte que l'antispécisme compassionnel, peut-être sans s'en rendre compte, ouvre quand même un peu la porte à une forme d'écolofascisme bien-pensant qui ne dit pas son nom mais ne laisse pas d'être inquiétant si l'on songe que cette pensée est très répandue parmi l'élite anglosaxone qui fait une bonne part de la gouvernance mondiale.
De fait, c'est le chiffre qui était recommandé sur les fameuses Georgia GuideStones avant qu'elles ne soient détruites.
Bref cela ne minimise aucunement le formidable travail qu'elle a accompli au service de la gent primate, néanmoins cela doit nous alerter sur la facilité avec laquelle la pensée écologique peut traiter l'Homme comme une quantité de matière à inscrire dans les cycles de dame Nature et, donc, d'une manière complètement déshumanisante.