La comédienne belge Émilie Dequenne, qui était atteinte d’un cancer rare de la glande surrénale, est morte à l’âge de 43 ans. "Quelle lutte acharnée ! Et qu’on ne choisit pas...", avait posté l’actrice sur Instagram le 4 février, à l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer.
Son cancer était un corticosurrénalome, tumeur maligne de la glande surrénale, pour lequel le pronostic est d’autant plus sombre que cette tumeur est grande. Diagnostiquée en octobre 2023, elle avait révélé que ce cancer, extrêmement rare, ne touche qu’entre 1 et 2 personnes par million chaque année.
Éloignée des plateaux depuis le début de sa lutte contre la maladie, elle avait tout de même réussi à tourner un dernier film, Survivre, sorti en juin 2024, durant une brève période de rémission.
La comédienne était apparue sur le tapis rouge au Festival de Cannes quelques mois plus tôt, souriante, les cheveux courts et fins à cause de son traitement, pour les 25 ans de Rosetta des frères Dardenne et pour présenter son dernier film au titre si symbolique compte tenu de son état de santé. «En plus, je combats des crabes. Et j’ai tourné ça en octobre-novembre 2022!», un an avant de tomber malade, avait-elle plaisanté à propos de ce film catastrophe.
"Il se trouve que, malheureusement, ça n’avance pas bien. (...) Me revoilà partie pour la chimio que j’ai connue il y a un peu plus d’un an", avait-elle ensuite déclaré en décembre lors d’un entretien dans l’émission "7 à 8" sur TF1. "Au fond de moi, je sais pertinemment que je ne vivrai pas aussi longtemps que prévu. (...) Je n’ai que 43 ans. Moi, j’ai toujours rêvé de vivre jusqu’à au moins 80 ans et m’endormir définitivement dans mon sommeil. Ça, c’est ce que je demande", avait-t-elle confié à Audrey Crespo-Mara. "Je fais confiance à la médecine. (...) J’espère que la recherche pour mon cancer va continuer d’avancer", avait expliqué fin 2024 la comédienne.
-Un talent inné et une notoriété précoce -
Émilie Dequenne n’était qu’une adolescente lorsqu’elle a décroché un prix à Cannes pour Rosetta (1999), son premier rôle, avant de devenir une actrice prolifique au jeu subtil qui avait dû mettre sa carrière en pause à cause d’un cancer rare. Elle a remporté le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour son interprétation dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait en 2021.
Elle est également connue pour ses rôles dans Pas son genre et La Fille du RER A. Dequenne est apparue dernièrement dans le film de Gilles Legardinier Complètement cramé, sorti en salles le 1er novembre 2023.
Dire que les choses sont allées vite pour Émilie Dequenne est un euphémisme. "À 2 ans, je parlais comme une adulte. À 8 ans, maman me mettait dans un cours de théâtre parce que je chantais sur les tables", racontait celle qui a passé ses premières années dans la province belge du Hainaut, où "il fallait faire 25 kilomètres pour aller voir un film".
Première audition, premier rôle, premier prix d’interprétation à Cannes pour Rosetta, qui reçoit la Palme d’or. Le tout à 18 ans. Deux ans plus tard, elle donnait naissance à sa fille Milla. Pas étonnant pour qui connaissait cette jeune femme aux joues rondes, "fonceuse ", "déterminée", née le 29 août 1981. "Comme disait ma mère quand j’étais petite : ’’Tu ferais mourir les autres pour arriver à tes fins’’", racontait l’intéressée.
- "Je ne veux pas être cataloguée dans un genre" -
L’actrice, qui a grandi dans un milieu modeste, savait d’où elle venait et aimait le rappeler. "J’ai reçu une éducation ouvrière, dans le respect du travail bien fait", assurait-elle. Celle qui était la compagne de l’acteur Michel Ferracci disait aussi ne pas aimer "les différences sociales ou culturelles".
"J’ai été élevée dans une famille où on mettait tout le monde au même niveau, tous des rois !", expliquait-elle à la sortie de Pas son genre (2014), où elle campait une coiffeuse provinciale amoureuse d’un prof de philo parisien. Une histoire d’amour mise en scène par son compatriote Lucas Belvaux, qui louait son "empathie" et sa "proximité avec le personnage".
Encore fallait-il éviter l’écueil de rester abonnée à des rôles sociaux, comme celui de Rosetta, jeune fille rebelle qui perd son travail à l’usine. Émilie Dequenne s’y est employée. Et ce dès son deuxième film, Le Pacte des loups (2001), un thriller d’époque à gros budget où elle est comtesse aux côtés de Vincent Cassel et Monica Bellucci.
Pour André Téchiné, en 2009, elle devient Jeanne dans La fille du RER, jeune femme se disant victime d’une agression antisémite dans un train de banlieue mais qui a tout inventé.
Trois ans plus tard, son interprétation est saluée pour le rôle d’une mère infanticide dans À perdre la raison, aux côtés de Tahar Rahim et Niels Arestrup. Réalisé par son compatriote Joachim Lafosse, le film est là encore inspiré d’un fait divers et lui vaut son deuxième prix à Cannes dans la section Un certain regard.
"Je ne veux pas être cataloguée dans un genre, je change de tête à chaque fois", expliquait l’actrice qui a campé une grande bourgeoise malheureuse en amour dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020) d’Emmanuel Mouret.
AFP