Affaire Extravagance

Quand un mouvement religieux prend le contrôle des vies

  • Publié le 24 juin 2025 à 17:13
  • Actualisé le 24 juin 2025 à 17:30
eglise extravagance

Installée à Saint-Pierre, à La Réunion, l’église Extravagance se présente comme une communauté religieuse dynamique et accueillante. Mais derrière les célébrations enthousiastes et les prêches inspirants, plusieurs anciens membres évoquent une réalité plus sombre : pression morale, contrôle des fidèles et dons systématiques. Selon eux, Bruno Picard aurait progressivement instauré une emprise totale sur la vie de certains de ses adeptes (Photo : sly/www.imazpress.com)

À première vue, l’église Extravagance, installée à Saint-Pierre, ressemble à une communauté religieuse comme une autre. Mais derrière les célébrations dynamiques et les messages d’espoir, d’anciens membres décrivent un univers beaucoup plus intrusif. Emprise psychologique, obéissance aux pasteurs, dons systématiques : le mouvement dirigé par Bruno Picard aurait, selon plusieurs témoignages, pris un contrôle total sur la vie de certains de ses fidèles.

Tout commence souvent par une quête de sens. Pour Dominique*, chef d’entreprise, c’est un moment de crise personnelle qui le pousse à rejoindre le groupe : "Nous avons cherché Dieu ensemble avec mon épouse." L’accueil est chaleureux, la musique entraînante, les messages inspirants. Dominique s’implique dans le groupe de louange. Puis, progressivement, sa vie entière se réorganise autour de l’église : "Petit à petit, tout s'est mis à tourner autour du mouvement. Ça envahissait notre vie".

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- Une spiritualité qui devient envahissante -

D’autres racontent la même pente glissante. Au départ, chacun est libre. Puis vient la pression douce mais constante : la dîme (10 % de ses revenus selon les dires de certains) devient incontournable. L’autorité du pasteur devient centrale, les choix de vie  déménagement, mariage, carrière - peuvent passer par son aval.

L’un des ressorts principaux, selon les anciens membres que nous avons interrogés, serait la culpabilisation spirituelle. Ne pas donner, c’est "désobéir à Dieu". Ne pas s’impliquer, c’est "refuser de marcher dans sa destinée". Pour Sabine*, investie pendant quatre ans, les limites sont vite franchies : "Nos choix avaient besoin d'être validés par Bruno Picard. Si on commettait des fautes, il fallait travailler pour l’église pour se dédouaner."

Ce contrôle s’exercerait aussi par des "groupes de maison" ou "groupes Respire" : de petites cellules d’animation supervisant les membres, notant leurs progrès, repérant leurs talents ou leurs faiblesses. Des anciens fidèles décrivent une "surveillance déguisée" favorisant la dépendance au collectif et à ses leaders.

 - Une stratégie d’adhésion bien rodée -

Extravagance sait aussi comment recruter. La communication est omniprésente : pages Facebook, vidéos de prêches, boutique en ligne, collecte de dons pour des écoles ou des projets sociaux. Le message reste le même : "Donne, et tu recevras." Des sermons diffusés en ligne exhortent les fidèles à "donner trop", à "mettre leurs finances sur l’autel" selon des vidéos de prêche que nous avons consultées, en échange de bénédictions ou de prophéties personnalisées.

La théologie prêchée ? Celle de la prospérité : plus tu donnes, plus Dieu t’élèvera. Pour certains, cela s’apparente à une forme moderne de troc spirituel.

Sortir du mouvement n’est pas simple. Honte, isolement, peur du jugement spirituel : plusieurs témoins disent avoir eu besoin de temps pour se reconstruire. "J'ai eu besoin d'un an pour me questionner et sortir du mouvement", confie Carole*. 

- Une question plus large -

Rudy Thazard, ex-membre actif, est l’un des rares à avoir pris publiquement position. Il a porté plainte pour abus de faiblesse et alerte sur les mécanismes de sujétion mentale : "Bruno Picard est charismatique. Il sait convaincre. Mais derrière le vernis, c’est une machine à vider les gens de leur autonomie."

Ce que révèle l’affaire Extravagance, au-delà de la personne de Bruno Picard, c’est la fragilité des individus face aux mouvements qui mêlent foi, promesse de transformation, pression affective et discipline financière. Une combinaison puissante, surtout dans des moments de vulnérabilité.

Une enquête judiciaire est en cours. Mais sur le terrain social, le débat est déjà là : à quel moment une église cesse-t-elle d’être un lieu de foi pour devenir un lieu d’emprise ?. En ce qui concerne Extravagance, c'est ce qu'elle devra déterminer.

* Prénom d'emprunt

is/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com 

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5 Commentaires
GHERARDI
GHERARDI
3 mois

CODE PENA Article 223-15-2

Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Lorsque l'infraction est commise par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende.

Lorsque l'infraction est commise en bande organisée, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende.

Missouk
Missouk
3 mois

Tant que des pauvres gens crédules continueront à faire confiance à ce type de guignols, il continuera d'en exister!

Mardépoullé
Mardépoullé
3 mois

A quand un suicide collectif, type " Guyana" ou " Ordre du Temple Solaire "...???
Ce gourou " la po tomate dann' koin pilon " ne doit il pas rendre des comptes à la justice, depuis que cette affaire est sur la place publique ???

Ou bien continue t-il de toujours sévir dans l'ombre, avec impunité ???

Ded
Ded
3 mois

Une secte de plus avec un gourou qui pique le fric des "croyants crédules " et qui profite de la bêtise humaine pour devenir millionnaire. Bref , dans la lignée des "pasteur" qui bouffent la laine sur le dos de leurs moutons chez les évangélistes de tous poils!

jako
jako
3 mois

Ce n'est pas la première fois, ni le premier exemple de ce genre à La Réunion! Et malheureusement il se trouve encore des "gogos" pour se faire piéger!Les églises "officielles" ne leur apportant plus de " réconfort" on se tourne vers des sectes au risque de se faire plumer par des beaux parleurs doublés d'escrocs!