Élevage - Filière laitière

La guerre du lait n'aura pas lieu

  • Publié le 14 août 2010 à 08:00
Camion citerne de la Sicalait

Depuis plusieurs jours, les producteurs de lait de métropole sont en colère. Les cours du produit sont à la hausse sur le marché mondial et le prix d'achat au producteur est resté le même. Un accord signé en juin 2009 entre les producteurs et les fabricants de produits laitiers (Lactalis, Bongrain etc.) prévoyait pourtant la renégociation de ce prix si les cours du lait augmentaient. Alors que les producteurs ont mené depuis 2 semaines des actions coup de poing, c'est le calme plat à La Réunion. Et pour cause, les producteurs de lait locaux et ceux de métropole ne sont pas logés à la même enseigne. Le système de fixation des prix à La Réunion, basé sur le dialogue au sein d'un organisme interprofessionnel, garantit en effet, un prix "stable et équitable".

En métropole, ce prix est fixé sur la base de 5 indicateurs : la valorisation des produits laitiers, les prix des produits de grande consommation (yaourt, lait à boire et tout produit distribué dans les réseaux de distribution) à l'export en en France, les coûts de production du lait et l'écart de prix avec l'Allemagne. Aujourd'hui, le prix d'achat au producteur est de 30 centimes d'euro par litre. Selon Gilles Psalmon, directeur de la fédération nationale des producteurs de lait, "avec une marge bénéficiaire de 3 centimes par litre de lait pour une production moyenne de 300 000 litres par an, un exploitant gagne 750 euros par mois".

Un accord signé entre producteurs et laitiers en juin 2009 prévoyait une revalorisation de ce prix si le cours mondial du lait augmentait. Ce qui est le cas à l'heure actuelle. Les éleveurs demandent donc une revalorisation de 10% du prix d'achat. Le litre leur serait alors payé 33 centimes d'euro. Certains laitiers, notamment Lactalis, premier groupe laitier français, n'abondent pas en ce sens. Ils craignent qu'une telle hausse soit néfaste en termes de compétitivité avec l'Allemagne. qui produit du lait moins cher qu'en France. Ils ont donc proposé un prix d'achat de 31 centimes par litre de lait. Proposition refusée par les producteurs.

Ils ont entamé un mouvement de protestation depuis plusieurs jours. Mouvement qui a payé puisque la ferme de Bel a signé un accord avec les syndicats des producteurs pour accorder une hausse de 10%. Les sociétés Lactalis et Laïta se disent également prêtes à faire des concessions "sous certaines conditions". De nouvelles négociations devraient s'ouvrir le 20 août prochain.

À La Réunion, la situation n'est pas la même. Ce prix est fixé par l'Aribev (Association réunionnaise interprofessionnelle de l'élevage bovin). C'est 1983 qu'a été créée la branche laitière de cette interprofession. Elle regroupe les éleveurs, les transformateurs, les coopératives, les importateurs ainsi que les vendeurs. Tous ces acteurs sont consultés lors de la fixation des nouveaux prix.

"Ici, les prix sont mieux protégés par rapport à la métropole. Ainsi le prix du lait est déterminé pour assurer un bon revenu à l'éleveur. Il est donc plus équitable", souligne Sarah Chadefaux, chargée de mission à la chambre d'agriculture. En effet, ce prix comprend le coût des différents postes de production (matière première, exploitation etc.) mais aussi un "revenu théorique nécessaire pour l'agriculteur". Un revenu financé par l'Aribev à l'aide de fonds locauxn nationaux mais surtout européens.

En 2010, le litre de lait est payé en moyenne 56 centimes au producteur (il varie de 52 à 59 centimes selon la taille de l'exploitation). Les variations (augmentation ou baisse) sont minimes et sont essentiellement dues à l'évolution du marché des matières premières. "La Réunion est un exemple sur le fonctionnement de l'interprofession et le maintien du prix pour les agriculteurs", constate Sarah Chadefaux.

Pour rappel, La Réunion compte 90 producteurs de lait. Ils ont produit 21 millions de litres de lait en 2009, soit environ 30% de la demande locale. Parallèlement, environ 40 000 tonnes de poudre de lait (matière première) ont été importés de métropole.

Mounice Najafaly pour
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