Jean-Bernard Caroupaye réagit suite aux émeutes

"Le préfet a un costume trop grand pour lui"

  • Publié le 23 février 2012 à 15:00

Des émeutes ont éclaté au Chaudron à Saint-Denis, au Port et à Saint-Benoît cette nuit du mercredi 22 au jeudi 23 février 2012. Plusieurs commerçants, qui ont subi les frais de la colère des émeutiers, déplorent les événements et pour nombre d'entre eux, ces soulèvements relèvent de la responsabilité de l'Etat, mais aussi de celle des transporteurs, qui ont appelé la population à se mobiliser. Pour Jean-Bernard Caroupaye, président de la FNTR (fédération nationale des transports routiers), "les transporteurs ne sont responsables de rien, la responsabilité des événements relève de l'Etat, du préfet et des élus qui n'écoutent pas les souffrances de la population". Interview.

- Jean-Bernard Caroupaye, certains accusent les transporteurs d'être à l'origine des émeutes qui secouent La Réunion. Quelle est votre opinion ?

"Je regrette les violences et je lance un appel au calme. Les transporteurs n'ont rien à voir avec ces émeutes. Nous ne sommes pas responsables, on nous a donné le rôle du bouc émissaire. Les vrais coupables, ce sont ceux qui ont le pouvoir".

- Pourtant, c'est bien vous qui avez appelé la population à vous rejoindre dans votre combat contre le prix des carburants, qui avait appelé au black-out général.

"J'ai lancé un appel de soutien à destination des manifestants pacifiques qui ont commencé à se réunir la semaine dernière à plusieurs endroits de l'île, et qui s'indignent contre la cherté de la vie. La population est en souffrance depuis longtemps, elle a commencé à exprimer son mal-être la semaine dernière, et les émeutes sont les conséquences de ce malaise. Un malaise qui est dû au représentant de l'Etat et aux élus qui ne prennent pas le temps d'écouter les problèmes du peuple".

- Pour vous, si la situation a dégénéré mardi soir, c'est de la faute du préfet ?

"Oui, parce qu'il a choisi de faire appel à la violence. Mardi matin, alors qu'on avait fait preuve de bonne volonté en disant qu'on laisserait passer quelques camions de la SRPP tout en maintenant nos barrages en attendant la reprise du dialogue sur le prix des carburants, le préfet nous a grugés. Il a envoyé le sous-préfet Thomas Campeaux pour nous déloger. Face à la conciliation, le sous-préfet s'est montré comme un robot prêt à détruire La Réunion, c'est ça qui a soulevé la colère des gens. Personne ne fait plus confiance au préfet. La situation n'a pas échappé aux transporteurs, elle a échappé au préfet qui porte un costume trop grand pour lui".

- Qu'est-ce qui vous fait dire que personne ne fait plus confiance au préfet ?

"C'est un homme qui ne tient pas ses engagements, il a un double discours. Rappelez-vous, la semaine dernière, quand l'intersyndicale a levé les barrages, on pensait qu'une réunion sur la baisse du prix des carburants allait reprendre. Or, on apprend par médias interposés que cette baisse est inenvisageable. Mardi, on avait un marché pour laisser passer les camions de la SRPP, il a envoyé le sous-préfet nous déloger alors qu'on ne troublait pas la circulation du Port. Et il y a les antécédents mal gérés, comme l'incendie du Maïdo ou les attaques de requins".

- Malgré tout, vous avez signé un protocole d'accord avec lui pour une réunion ce vendredi.

"Il nous a fait une proposition. On a accepté de lever les barrages pour reprendre le dialogue sur la baisse du carburant, et on a ouvert une brèche pour lancer des débats sur la vie chère. On a accepté pour lui donner une dernière chance parce que nous sommes des gens de bonne volonté et nous voulons retrouver la paix sociale".

- Mais encore une fois, vous acceptez la réunion qu'il vous propose vendredi, tout en disant que le préfet ne tient pas ses engagements. Vous n'avez pas peur que cette réunion ne débouche sur rien ?

"J'espère que cette réunion trouvera une issue favorable pour apaiser les esprits. Si baisser le carburant à la pompe de 25 centimes n'est pas possible, qu'on nous propose une autre baisse, de 15 centimes par exemple. Il faut qu'on obtienne au moins quelque chose pour désamorcer la bombe. Après on pourra construire des dialogues sur la baisse des prix de première nécessité. Mais ce sont aux représentants de la population de se manifester à ce moment-là, parce que nous, transporteurs de la FNTR, nous sommes prêts à accompagner, à épauler ce combat, mais nous n'avons pas la prétention de mener une lutte sociale contre la vie chère".

- Et si cette réunion ne débouche sur rien ?

"Alors le malaise ne fera que s'accentuer et la situation va empirer".

Propos recueillis par Samia Omarjee pour
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