Ils ont parfois à peine 10 ans

Ils sont enfants et déjà très violents, la faute à qui...

  • Publié le 3 octobre 2023 à 14:06

Jets de galets sur des voies de circulation, assassinats, violences urbaines, cambriolages… Les faits divers font régulièrement la Une des médias à La Réunion. Comme ailleurs direz-vous ? Certes, à ceci près que ces violences sont de plus en plus "décomplexées" et qu'elles sont parfois commises par des mineurs d'à peine 15 ans et même plus jeunes encore. La responsabilité de cette faillite est sans doute collective. (Photo d'illustration : rb/www.imazpress.com)

"La délinquance de mineurs sur le ressort du tribunal judiciaire de Saint-Denis est contenue. Elle présente dans un département jeune des chiffres inférieurs à ceux de la métropole en part de mineurs impliqués dans la délinquance générale", indique à Imaz Press la procureure de Saint-Denis.

En revanche, dit-elle, "sans que nous disposions d'éléments statistiques précis, les professionnels jugent que l'âge des mineurs impliqués baisse et que nous sommes confrontés souvent à des mis en cause plus jeunes qu'auparavant".

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- Des auteurs de violences de plus en plus jeunes -

Pour Mickaël Hoarau d'Unité SGP Police, "il n'y a pas plus de violence, mais elle est fortement présente même chez les jeunes". "Il est assez récurrent de voir des jeunes s'amuser à jeter des projectiles", confirme-t-il.

Outre le jeune âge, ce sont les actes qui se sont aggravés. "Il y a une gradation de la violence. Avant, c'était souvent des petites confrontations entre individus ou bandes rivales, mais les actes sont plus durs, les auteurs sont plus virulents" remarque Aude Robert, secrétaire départementale de l'Unité SGP Police.

Selon la représentante syndicale, la raison de ces violences "est sociétale". "On en revient toujours à la même chose, les jeunes ont accès aux multimédias. De plus, il y a une sorte d'émulation de celui qui fera pire que l'autre. Quand il y a eu les violences urbaines ici les jeunes se sont filmés et ont diffusé pour montrer qu'eux aussi peuvent le faire."

Dans ce cas précis et cette tragédie qui est arrivée ce samedi 30 septembre au niveau du pont de la Rivière des Galets, "était-ce un jeu bête d'enfant, quelque chose de voulu, l'enquête le déterminera". "Peut-être ont-ils préparé leur coup de manière à créer un dysfonctionnement, est-ce une intention de nuire ?", se questionne-t-elle. Mais après, "on ne prend pas un caillou et on l'envoie de manière délibérée sur un véhicule en pensant juste créer un embouteillage".

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- "On ne peut pas faire de point fixe 24 heures sur 24" -

Face à cette violence qui change de visage et commise par des mineurs plus jeunes, les syndicats et les forces de l'ordre "ont sensibilisé la hiérarchie pour avoir de la police sur site pour faire de la prévention car, voir les "Bleus" dehors, c'est bien avant d'arriver à la sanction".

"La direction territoriale de la police nationale est sensibilisée là-dessus et va envoyer des équipes départementales sur ce secteur faire des rondes, des patrouilles, communiquer avec les gens", indique Mickaël Hoarau d'Unsa Police.

Au Port, des policiers patrouillent quotidiennement dans le secteur. Dans cette commune, avec le retour de policiers au péi, 16 fonctionnaires supplémentaires ont été affectés au commissariat. Toutefois, comme le souligne Mickaël Hoarau, "on ne peut pas faire de point fixe 24 heures sur 24".

Le syndicaliste d'Unsa Police le dit, face à l'insécurité – et alors que les habitants sont en émoi après ce drame – "les résidents sont contents de la présence de la police et ils sont confiants, les auteurs, on arrivera à les trouver".

Côté judiciaire, "les professionnels sont mobilisés sur la prise en charge des mineurs auteurs (services enquêteurs, parquet des mineurs, juges des enfants, protection judiciaire de la jeunesse, secteur associatif et instances de prévention)", indique la procureure de Saint-Denis.

"À l’occasion de faits de délinquance commis par des mineurs, les civilement responsables, les parents, sont systématiquement entendus et parfois des rappels de leurs obligations sont faits lorsque cela est nécessaire (à ce titre, cela a été fait lors des violences urbaines commises fin juin début juillet 2023 où tous les parents de mineurs interpellés sur la voie publique ont été entendus sur les circonstances de cette présence)".

Véronique Denizot, procureure de la République, prend d'ailleurs l'exemple du quartier de Bras-Fusil à Saint-Benoît où "cette action particulière a été déclinée par la gendarmerie nationale dans le cadre du Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) avec un résultat assez immédiat sur le nombre de mineurs contrôlés sur la voie publique à des heures anormales".

- Et les parents dans tout ça ? -

"Il y a un autre problème, c'est l'éducatif. On a beau dire les parents n'y peuvent pas tout, mais c'est à eux de jouer leur rôle éducatif au départ", indique le syndicat Unité SGP Police "Il y a trop de jeunes livrés à eux-mêmes, trop de jeunes livrés aux réseaux sociaux."

De plus, "aujourd'hui, il y a un refus catégorique de l'autorité vers quelque chose de frontal". Pourquoi ? "On doit tous s'interroger sur où est la faille", souligne Aude Robert, secrétaire départementale du syndicat.

La Fédération des conseil des parents d'élèves (FCPE) - qui tient en premier à avoir "une pensée pour cette maman, à sa famille et son enfant" - se pose la question de, "est-ce un phénomène d'entrainement de groupe, y-avait-il des meneurs, est-ce que ces jeunes ont conscience de ce qu'ils allaient faire", se demande Daniel Amouny, président départemental de la FCPE.

Ce qui est certain, "c'est qu'il y a un devoir de responsabilité des parents, parce que des enfants, des mineurs, n'ont pas à être dans la rue aussi tardivement". Et même "si les jeunes étaient sous la surveillance d'un grand frère ou d'une grande sœur, le parent ne peut pas se décharger".

"Tout le monde a fait des bêtises dans sa vie, mais sortir sciemment aller dans le chemin et jeter des galets, là on est sur un autre niveau", ajoute Daniel Amouny. 

Après, se dit-il, "peut-être les parents ont besoin d'aide. Je ne pense pas que les parents s'en fichent de leurs enfants". "Il est important de rappeler la responsabilité des uns et des autres, on est parent à la naissance de notre premier enfant et on le reste à vie."

Aujourd'hui,  "beaucoup de parents se retrouvent seuls, démunis et n'ont pas forcément quelqu'un pour les accompagner. C'est un problème de société de manière générale. Il faut que les associations de quartier ou même nous la FCPE ont mette en place des dispositifs d'aide à la parentalité".

Ce qu'espère la FCPE, "c'est que cette tragédie fasse effet de prise de conscience chez les parents de manière générale". "Malheureusement, cela peut arriver partout, si on relâche la vigilance, et qu'on ne s'occupe pas de nos enfants, on peut se retrouver du jour au lendemain dans la situation de ces enfants et/ou dans la situation de la maman dans un état végétatif."

- Mais pourquoi les enfants sont-ils si violents ? -

Pour les psychologues, ce sujet des jeunes qui passent à l'acte est un sujet très compliqué à aborder.

"Il se peut que l'augmentation soit en lien avec une décrédibilisation de la justice et des forces de police. D'une part les violences policières réelles ou non, circulant sur les réseaux, donnent une "légitimité" aux jeunes à s'inscrire dans la violence d'autant plus qu'il s'agit d'un fait général, puisque de plus en plus d'adultes s'y adonnent", explique à Imaz Press, le psychologue David Goulois.

"Il y a globalement un sentiment d'impunité du fait de manque de moyens pénitentiaires adaptés aux jeunes. De fait, les décisions de justice sont limitées et la police/gendarmerie a l'impression légitimement, d'agir dans le vide", ajoute-t-il.

Dans ce cas, quel rôle les parents doivent-ils jouer ? "Il est essentiel. Sauf cas psychiatrique, le jeune qui agresse à tout-va, qui casse des voitures ou du mobilier urbain, à clairement manqué de cadre éducatif valable et a pu être donc confronté à des adultes défaillants (violences intra-familiales, alcoolisme...)." "Il y a dans la société un effondrement des valeurs citoyennes, civiques, au profit d'un consumérisme et d'une compétition qui le sert le moi-je (je désire, je prends) peu importe ce que l'autre ressent."

"Jean-Pierre Lebrun psychanalyste, il y a 20 ans, parlait d'une société allant vers une "perversion ordinaire". Il avait raison", souligne le psychologue basé à Saint-Pierre.

Les parents ont-ils abandonné leur rôle ? ""Oui parce qu'on leur a mis dans le crâne qu'être parents était LA responsabilité de leur vie qu'il ne fallait pas rater. Du coup, ils ont idéalisé leurs enfants comme représentants sociétaux d'eux-mêmes (représentants des parents). Ils ont appliqué à la lettre les concepts de la "psychologie positive" et autres courants, déconnectés du réel qui lui confronte l'être responsable à sa propre responsabilité (et non pas sa victimisation) et donc aux frustrations".

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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4 Commentaires
Dans le temps...
Dans le temps...
1 an

Le jour de la fête annuelle de la ville, il y avait aussi des débordements en soirée, beaucoup moins graves. Par exemple un jeune avait fait exploser un pétard, ce qui était interdit. Ou alors une bande semblait trop excitée et criait trop fort après 11 heures du soir. Pas besoin de jugement un an après. Ces soirs là, la police embarquait sa douzaine de zigotos dans un camion, et les déposait à 15 kilomètres de là, en pleine nuit, en pleine forêt en leur disant " C'est par là, continuez tout droit...". En général, ça les calmait.

Ded
Ded
1 an

Violents? Ah bon, pourquoi? Euh, on ne sait pas !
Les parents qui démissionnent ? Mais non! les jeux vidéos violents ? mais non! la justice laxiste? mais non! La police violente , trop ou pas assez? mais non! l'école ? mais non!
alors quoi?
Ben rien !

Papillon dirune
Papillon dirune
1 an

On ne naît pas violent ou délinquant..., on le devient ! Et, l'exemple vient souvent d'en h...

Bescherelle
Bescherelle
1 an

L'article avec des témoignages pertinents est intéressant et pas sensationnaliste mais la ponctuation et l'orthographe...