Tribune libre de Joël Personné

La fable du Jour

  • Publié le 12 octobre 2025 à 06:05
  • Actualisé le 12 octobre 2025 à 06:06
Le Premier ministre Sébastien Lecornu, le 11 octobre 2025 à l'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne

L’annonce de la reconduction de Sébastien Lecornu dans les fonctions de 1° Ministre dont il avait démissionné quelques heures auparavant, m’a laissé dans un complet désarroi. Non pas de l’inquiétude de demain, mais de l’hubris et la fatuité de certains hommes incapable de savoir quand leur vanité les aveuglent.

Ma seule pensée a été pour Jean de la Fontaine qui aurait trouvé la bonne plume pour nous faire sourire quand il ne nous reste plus que cela. Parce que mieux vaut en rire ! Alors voilà :

Le Berger et les béliers

Le jour tombait sur la montagne, et un grand troupeau errait dans la brume.
Les brebis tremblaient sous les éclairs qui zébraient le ciel.
Le berger, d’un air sûr de lui, prétendait connaître la route. En vérité, il s’était perdu depuis longtemps.
Mais comment l’avouer, quand tout le troupeau comptait sur lui ?
Autour, les béliers s’agitaient. Chacun avait sa solution, son chemin, sa vérité.
Les uns tonnaient qu’il fallait se hâter :

"Qu’on laisse les faibles et les moutons noirs, ils ralentissent tout le monde !

Prenons la pente, plus raide mais plus courte !"
Les autres s’indignaient :

"C’est la gourmandise des gros moutons, vautrés dans la clairière, qui nous retarde ! Mieux vaut la forêt, plus longue, mais sûre pour ceux qui peinent."
Le berger, pris entre ces deux cris, hésitait.
La montagne lui donnait le vertige, la forêt l’effrayait.
Alors, ne sachant trancher, il fit ce que font les chefs en déroute : il demanda à un autre de choisir à sa place.
Un petit bélier, naïf et fidèle, osa proposer :

"Le chemin des collines, autrefois, nous ramenait sans dommage."
"Alors vas-y, si tu penses pouvoir les mener."

Le petit essaya, mais nul ne voulut l’écouter.
Chacun restait campé sur ses certitudes.
Le troupeau, partagé, se dispersa dans la pénombre.
Les uns glissèrent dans le ravin, les autres furent dévorés par les loups.
Et ceux qui, repus, étaient restés dans la clairière, moururent d’avoir trop tardé à repartir.
Quand l’aube se leva, il ne restait ni berger, ni troupeau, ni chemin.
Seulement des traces, effacées par la pluie, et le grondement du vent.
La morale de cette histoire est que,
Quand un peuple s’égare, ce n’est pas faute de routes,
mais faute de lucidité de celui qui le guide,
et de raison et d’écoute entre ceux qui prétendent le sauver.
Un pays sans confiance n’a plus besoin d’ennemis :
Il se perd tout seul, dans la nuit et la peur,

De Joël Personné

Référent Place Publique Réunion

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