Tribune libre d'Eric Ferrère

Mesures de lutte contre le chikungunya : Et après ?

  • Publié le 10 avril 2025 à 14:33
  • Actualisé le 10 avril 2025 à 14:38

J’observe et je lis l’ensemble des propositions de part et d’autre dans la lutte contre le Chikungunya à l’occasion particulière de la visite ministérielle de ces derniers jours. (Photo photo Sly/www.imazpress.com)

Je m’étonne profondément que certaines mesures étudiées à La Réunion notamment, ne soient pas davantage à la fois citées comme solutions réelles contre cette épidémie, mais aussi décrites avec conviction comme une innovation dont notre territoire est capable. « La Réunion Terre d’innovation et territoire d’expérimentation » ne peut demeurer, aux moments fatidiques, des mots désignant un espoir encore et toujours plus loin !

Dans le cas présent il s’agit de la lutte contre une, voire plusieurs épidémies !

À la suite de la réunion en préfecture avec les maires, les parlementaires, la Région et le Département, le ministre de l'État et des Outre-mer Manuel Valls s’est rendu à L’Étang-Salé pour assister à la vaccination d’un patient contre le chikungunya, à la pharmacie des Tamariniers. 40 000 doses ont été importées et 50 000 autres vont suivre. Ces vaccins financés par l'ARS sont destinés à un public fragile.

La vaccination, tout comme les postures préventives au développement des gîtes larvaires, ou la protection individuelle, sont des mesures bien entendu indispensables et classiques.

Toutefois, à l’occasion de cette visite ministérielle, au regard des réticences de nombre de Réunionnais vis-à-vis du vaccin, j'ai interpellé le ministre sur la position de l’État en ce qui concerne la Technique de l’Insecte Stérile (TIS).

En quelques mots, depuis 2009, l’IRD et ses partenaires conduisent un projet de recherche sur cette Technique de l’Insecte Stérile (TIS) à La Réunion. Cette technique consiste à stériliser par rayonnement des moustiques mâles et à les lâcher en grande quantité dans la nature. Les femelles, accouplées à ces mâles, pondent des œufs non-fécondés qui n’écloront jamais. Utilisée en complément des actions « classiques » de lutte antivectorielle, cette méthode, préventive et  non polluante doit permettre de diminuer les populations de moustiques et le risque de transmission de la dengue ou du chikungunya de manière durable.

Depuis la crise sanitaire du chikungunya en 2006, qui avait touché un tiers de la population de La Réunion, l’île est donc devenue un véritable laboratoire pour cette technique innovante.

Le moustique-tigre, Aedes albopictus, vecteur du chikungunya mais aussi de la dengue qui sévit toujours, est la cible principale de cette stratégie.

Le programme de recherche mené par l’IRD, débuté en 2009, franchit une étape clé en juin 2021 avec la mise en service d’un insectarium cofinancé par l’Europe, l’État et la Région. Cet équipement est capable de produire chaque semaine jusqu’à 150 000
moustiques stériles par irradiation.

Nous sommes en 2025, soit plus de 16 années après le début des études et des expérimentations dont chacun s’accorde à reconnaitre qu’elles sont de réelles réussites ! Et nous sommes toujours dans l’expectative que, dans les 3 ou 5 prochaines années une généralisation de cette technique vienne à notre secours.

Bien sûr la recherche est un monde de patience, un long fleuve. Mais de là à ne pouvoir répondre à nos besoins vitaux en matière de santé après quinze ou 18 années de recherches sur la stérilisation du moustique tigre, il y a un pas, que j’ai beaucoup de mal à franchir. 

Chercheurs, laboratoire, financements publics nationaux et européens ont servi cette cause. Un résultat ou de vraies explications sur l’absence de résultat ou de mise en œuvre sur notre territoire doivent aujourd’hui nous être données et nous rassurer. Les Réunionnais ne pourraient entendre que toutes ces années d’attente et d’espoir, nourris même par les presses nationales ou internationales vantant nos prouesses en matière d’innovation en ce domaine, seraient vaines par exemple pour une question financière qu’on aurait juste oubliée pendant toutes ces années tout en laissant le processus avancer vers un précipice !

Selon le Directeur de l’ARS, le passage à une échelle territoriale nécessiterait une production locale de moustiques stériles à grande échelle, impliquant des financements publics et/ou privés.

Le préfet semble manifester un intérêt pour cette approche, qui, selon moi, pourrait permettre d’éradiquer le moustique-tigre à La Réunion et donc de prévenir durablement la propagation de ces maladies vectorielles.

Des réponses sérieuses doivent éclaircir cette situation.

Le maire des Avirons Eric FERRERE

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