L'amendement d'Anne-Marie Payet fait des vagues

Guerre de tranchées autour de la licence tabac

  • Publié le 6 août 2011 à 06:00

La guerre contre l'instauration de la licence tabac à La Réunion fait rage. Le conseil général, et plusieurs syndicats (tabac presse, stations service, grande distribution, commerce alimentaire) ont adopté ce jeudi 5 août 2011 une position commune dans laquelle ils affirment leur "opposition totale" à l'institution et à la délivrance d'une licence tabac à La Réunion. Cette position n'a pour l'heure aucune incidence sur la vente de tabac à La Réunion selon la préfecture. Le décret d'application de la loi n'ayant pas encore été promulgué. Ce n'est pas l'avis d'Anne-Marie Payet, sénatrice à l'origine de cet amendement : "tous les revendeurs de tabac sont dans l'illégalité depuis le 1er août", affirme-t-elle.

L'amendement Payet va-t-il s'appliquer ? Le flou est total. Cet amendement prévoit l'instauration d'une licence tabac dans les départements d'Outre-mer afin de lutter contre le tabagisme. Cette mesure, sensée être en vigueur depuis le 1er août 2011, doit entrainer la réduction du nombre de revendeurs de tabac sur l'île, passant de près de 2 000 actuellement à 1 070.

Cette loi prévoit que le conseil général est chargé de la mettre en application. Problème, la collectivité et différents syndicats de professionnels ont d'ores et déjà fait part de leur "opposition totale à l'institution et à la délivrance d'une licence tabac à La Réunion". Une position commune en ce sens a été adoptée ce jeudi 5 août. Les opposants à cette loi y affirment que "l'instauration de cette licence présente un risque majeur pour l'activité économique et sociale du petit commerce de proximité pour lequel la vente de tabac constitue un produit décisif et donc une condition essentielle de leur survie".

"C'est totalement faux", rétorque Anne-Marie Payet qui ne cache pas sa colère suite à cette prise de position. "Cette loi n'aura pas beaucoup d'impact sur l'économie réunionnaise", ajoute-t-elle. Citant un rapport européen, la sénatrice rappelle que la France compte un débit de tabac pour 3 500 habitants. A La Réunion, on compte un point de vente pour 300 habitants. "On est largement en dessous de la moyenne", constate-t-elle. "Si on veut se conformer à la moyenne nationale, 230 débits seraient suffisants pour La Réunion. Mais nous avons souhaité laisser de la marge aux professionnels en proposant la mise en place de 1070 licences", commente Anne-Marie Payet.

"Il ne faut pas supprimer de débit de tabac", martèle Bachil Valy, vice-président au conseil général en charge des finances. "Pour certains petits commerces, la vente de tabac représente 40 0 50% de leur chiffre d'affaires. leur retirer cette possibilité, c'est les pousser à mettre la clef sous la porte. Nous ne pouvons pas accepter cela", ajoute le conseiller général.

Quoi qu'il en soit, la loi a été promulguée, le 1er août est déjà passé et les licences n'ont toujours pas été accordées. "Tous les revendeurs de tabac sont dans l'illégalité", affirme la sénatrice de La Réunion. "Mon premier amendement (celui de 2009 instaurant la licence tabac au 1er janvier 2011 - ndlr) avait besoin d'un décret d'application. Cet amendement n'en a pas besoin. Jean Arthuis, président de la commission des finances, est d'accord avec moi sur ce point. Cette loi est applicable depuis le 1er août et l'Etat est en train de tolérer une illégalité", insiste la sénatrice.

Analyse qui n'est pas partagée par Xavier Brunetière, secrétaire général à la préfecture. "Les textes disent que la loi est applicable dès le 1er août mais il faut attendre le décret d'application pour que la loi soit effective", indique-t-il. Un décret qui ne devrait pas paraître avant plusieurs semaines. "Le projet de décret sera soumis dans quelques semaines aux collectivités des DOM. Elles donneront leur avis sur le texte. C'est à l'issue de cette consultation que le décret sera promulgué", détaille le représentant de la préfecture.

Face à ce double discours, nous avons décidé de consulter le texte en question, à savoir l'article 568 bis du code général des impôts. On peut trouver deux versions de ce texte sur internet. Celle du premier amendement d'Anne-Marie et celle inscrite dans la loi de finances rectificative de 2011. Le premier texte évoque effectivement la nécessité d'un décret détaillant "les conditions d'application" de la loi avant que celle-ci n'entre en vigueur. Néanmoins, ce premier texte ne comportait aucune indication sur le nombre de licences accordées, le type de magasin concerné ou encore les dispositions transitoires. Celles-ci apparaissent dans le second texte, ce qui semble rendre obsolète la publication d'un décret. La préfecture reste tout de même sur sa position.

En attendant que le décret soit promulgué, le bras de fer entre le conseil général et Anne-Marie Payet s'annonce musclé. La collectivité départementale a d'ores et déjà fait savoir que " la concertation avec l'ensemble des conseils généraux d'outre mer est engagée, et que les CCI seront appelées à se mobiliser pour que l'outre mer agisse conjointement sur cette question de la vente du tabac". "Ce sera notre dernier joker", confie Bachil Valy.

La sénatrice estime quant à elle que "des associations vont réagir". "J'ai fait mon travail. Des associations nationales me soutiennent et vont se battre pour que cette loi s'applique. On ne peut pas laisser le conseil général faire preuve d'un tel mépris", lance la sénatrice.

Pour rappel, la loi prévoit que les débits de tabacs qui ne seront pas licenciés ont jusqu'au 1er janvier 2012 pour écouler leur stock.

Mounice Najafaly pour
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