Le Parlement européen et les Etats membres de l'UE ont trouvé un accord mardi sur un plan visant à développer l'industrie des semi-conducteurs de l'Europe pour réduire sa dépendance envers l'Asie dans ce secteur stratégique.
"L'Europe prend son destin en main. En maßtrisant les semi-conducteurs les plus avancés, l'UE deviendra une puissance industrielle sur les marchés du futur", s'est félicité le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton, saluant ce texte connu sous le nom de "Chips Act". L'idée est de "rééquilibrer et de sécuriser nos chaßnes d'approvisionnement", a-t-il insisté.
L'objectif affiché est d'atteindre 20% du marché mondial en 2030, soit deux fois plus qu'aujourd'hui: l'UE devra pour cela quadrupler sa production.
Pour y parvenir, le texte prévoit de mobiliser 43 milliards d'euros d'investissements publics et privés dans le développement de centres de production. Des fonds européens existants seront mis à contribution, tandis que les rÚgles de l'UE en matiÚre d'aides d'Etat seront assouplies.
L'Europe a vu sa part de marchĂ© chuter ces derniĂšres dĂ©cennies Ă moins de 10% de la production mondiale, tandis que s'aggravait sa dĂ©pendance Ă l'Ă©gard des producteurs asiatiques qui dominent le marchĂ© mondial: TaĂŻwan (oĂč sont produites 90% des puces les plus avancĂ©es dans le monde), CorĂ©e du Sud, et de plus en plus Chine.
Or, la pandémie de Covid-19, en paralysant les chaßnes d'approvisionnement en Asie, a entraßné d'importantes pénuries de puces au point de mettre en difficulté l'industrie automobile européenne --un électrochoc pour le continent. La pandémie et les tensions géopolitiques autour de la Chine ont fait prendre conscience de la nécessité de produire en Europe ces composants indispensables, et convaincu Bruxelles d'assumer une politique industrielle interventionniste dans un continent traditionnellement trÚs ouvert à la concurrence mondiale.
L'UE mobilisera également 3,3 milliards d'euros pour la recherche et le développement, précise l'accord.
Un systÚme de surveillance des pénuries sera établi pour permettre à la Commission d'agir en temps de crise, en priorisant les approvisionnements disponibles ou en réalisant d'éventuels achats communs.
-"Base manufacturiĂšre solide"-
Les semi-conducteurs sont incontournables dans de nombreux objets du quotidien (smartphones, Ă©lectromĂ©nager, autos...) mais aussi dans les centres de stockage de donnĂ©es, au cĆur de l'Ă©conomie numĂ©rique en plein boom, et ils sont essentiels aux technologies vertes cruciales pour dĂ©carboner l'Ă©conomie.
L'accord de mardi "ouvre la voie à une industrie des puces compétitive (en Europe), alimentera une industrie des technologies propres fabriquées en Europe, et renforcera notre résilience et notre souveraineté numérique", s'est félicitée la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. "Il n'y aura pas de transition verte ou numérique sans une base manufacturiÚre solide", a renchéri M. Breton.
D'ores et déjà , le franco-italien STMicroelectronics ainsi que les américains GlobalFoundries et Intel ont dévoilé des projets de méga-usines de semi-conducteurs en France et en Allemagne: ils pourront désormais solliciter des subventions publiques.
L'Europe accuse un retard vis-Ă -vis de l'Asie, oĂč l'essentiel de la production de puces s'effectue, Ă TaĂŻwan avec le gĂ©ant mondial du secteur TSMC, mais aussi en CorĂ©e du Sud, avec des leaders comme Samsung et SK Hynix.
Mais également vis-à -vis des Etats-Unis, maßtres dans le design des puces avec des acteurs comme Intel, Micron, Nvydia et AMD.
L'UE était par ailleurs sous forte pression face à l'accélération d'autres pays: les Etats-Unis ont adopté en août 2022 un plan à 52 milliards de dollars (47 milliards d'euros) pour relocaliser la fabrication de puces électroniques sur leur sol, tandis que Japon, Corée du Sud et Chine annoncent des investissements colossaux, et que Taïwan entend maintenir son avance.
Le texte s'inscrit dans la volonté de l'Europe de réduire sa vulnérabilité aux chocs géopolitiques, à la suite de la guerre en Ukraine qui a cruellement mis en lumiÚre la dépendance des Vingt-Sept au gaz russe.
Bruxelles a proposé mi-mars un autre texte visant à sécuriser les approvisionnements en matiÚres premiÚres critiques indispensables à l'industrie européenne et notamment aux technologies vertes (batteries, éoliennes, solaire...), du lithium au cobalt en passant par le nickel ou les terres rares --des composants pour lesquels l'Europe reste fortement dépendante de la Chine.
AFP


