Le Premier ministre Sébastien Lecornu a dévoilé dimanche soir le "gouvernement de mission", mêlant "société civile", "profils expérimentés et de jeunes parlementaires", avec lequel il entend déposer un projet de budget à temps et contrer ensuite la censure promise par les oppositions. Le gouvernement Lecornu 2 tiendra mardi à 12h (heure de La Réunion) son premier conseil des ministres.
Annoncé tard dimanche, deux jours exactement après la renomination de Sébastien Lecornu à Matignon, le gouvernement compte 34 ministres dont 19 de plein exercice.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, succède au président de LR Bruno Retailleau au ministère de l'Intérieur, l'ancien PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou est nommé au Travail, Monique Barbut, l'ex-présidente de WWF France, à la Transition écologique ou encore l'ex-directeur général de l'Enseignement scolaire, Édouard Geffray à la tête du ministère de l'Éducation, ce qui entraîne la sortie du gouvernement d'Élisabeth Borne.
Autres nominations de personnalités moins connues, politiques cette fois: le chef des députés indépendants Liot Laurent Panifous se voit confier les Relations avec le Parlement, la députée macroniste Maud Bregeon est porte-parole du gouvernement.
Plusieurs ministres, déjà présents dans les gouvernement Bayrou ou Barnier, demeurent en place.
Catherine Vautrin quitte le Travail et la Santé pour les Armées, Jean-Noël Barrot reste aux Affaires étrangères et Rachida Dati à la Culture.
- Exclusions de LR -
Moins attendu alors que Sébastien Lecornu s'était donné comme consigne de ne s'entourer que de personnalités n'ayant aucune ambition pour 2027, Gérald Darmanin a été reconduit Garde des Sceaux. Il a annoncé sur X se mettre "en congé de (ses) activités partisanes".
Six ministres viennent par ailleurs du parti Les Républicains (LR), dont la consigne donnée samedi était pourtant de ne pas participer au gouvernement. Parmi eux, Annie Genevard, reconduite à l'Agriculture ou Vincent Jeanbrun, porte-parole du parti qui s'installe au Logement.
LR a annoncé leur exclusion.
Les trois ministres venant d'Horizons, le parti d'Edouard Philippe qui s'était montré réservé sur une participation au gouvernement, dont Naïma Moutchou à l'Outre-mer, ne seront en revanche pas exclus, a précisé une source au groupe dimanche soir.
- Menaces de censure -
Un premier conseil des ministres doit se tenir mardi à 10H00, au retour du président Macron d'un déplacement en Egypte et après des passations de pouvoir dans les ministères que le chef du gouvernement a souhaité "sobre", sans presse et sans invités.
Sébastien Lecornu, qui s'est entretenu plus de trois heures dimanche soir avec Emmanuel Macron, leur a confié la "mission" sur X de "donner un budget à la France avant la fin de l'année".
Le temps presse car la Constitution prévoit que le Parlement dispose de 70 jours pour examiner le budget avant le 31 décembre. Il faudrait donc que le projet de budget lui soit transmis mardi.
Après les défections successives de LR et de la plupart de ses alliés centristes ce week-end, le Premier ministre a remercié ceux qui "s'engagent dans ce gouvernement en toute liberté, au-delà des intérêts personnels et partisans".
Son entourage a fait savoir qu'il allait donner "des instructions sur la sobriété du gouvernement" avec notamment un "nombre de membres de cabinet très limité".
- "Ne déballez pas trop vite vos cartons, la censure arrive" -
Ce nouvel exécutif, beaucoup moins resserré qu'annoncé, a toutefois une durée de vie qui pourrait être limitée, car l'ensemble des oppositions - hors PS - menacent Sébastien Lecornu de censure.
"Ne déballez pas trop vite vos cartons, la censure arrive", a de fait tweeté la cheffe du groupe insoumis à l'Assemblée, Mathilde Panot.
Et Marine Le Pen (RN) a annoncé le dépôt d'une motion de censure dès lundi.
Si Sébastien Lecornu devait démissionner à nouveau, la perspective d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, réclamée notamment par l'extrême droite, se rapprocherait davantage.
Le groupe socialiste (69 députés) est le seul capable de sauver le nouveau gouvernement et a placé la barre assez haut. Sans confirmation "de l'abandon du 49-3, des mesures pour protéger et renforcer le pouvoir d'achat des Français et une suspension immédiate et complète de la réforme des retraites, nous le censurerons", a-t-il prévenu dès vendredi.
"Il n'y a pas de très bons signes qui sont donnés", a regretté dimanche sur BFMTV le secrétaire général du PS, Pierre Jouvet, tout en maintenant la position du parti d'attendre la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu pour décider ou non d'une censure.
Au total, 26 ministres ont une étiquette partisane et huit viennent de la société civile.
- Le PS réclame la suspension de la réforme des retraites -
Le nouveaa gouvernement se réunira en conseil des ministres mardi à 12h (heure de La Réunion). Un projet de budget pourra être présenté puis transmis à l'Assemblée nationale.
Le temps presse car le Parlement doit disposer, selon la Constitution, d'au moins 70 jours pour boucler cet examen budgétaire avant le 31 décembre. Sans quoi, une loi spéciale peut reconduire les crédits de 2025 à l'identique et les dépenses de l'Etat seraient gelées.
"Pas parfait", ce budget a été "plutôt imaginé aussi pour que le débat ait lieu", avait expliqué Sébastien Lecornu.
Jusqu'au bout, des tractations ont été menées pour tenter de rallier une majorité parlementaire et éviter la perspective d'une censure ou de nouvelles élections législatives anticipées.
Après s'être cristallisé sur la taxe Zucman sur le patrimoine des ultra-riches, réclamée par la gauche mais refusée par Lecornu, le débat s'est déplacé sur un autre terrain miné, celui des retraites.
Le Parti socialiste réclame la suspension de la réforme fixant à 64 ans l'âge légal de départ, un point sur lequel le gouvernement s'est dit prêt à débattre. Mais cette perspective, qui coûterait au moins 3 milliards d'euros en 2027, fracture le camp présidentiel et rebute la droite comme le patronat.
- "Gâchis politique" -
"J'en ai vraiment assez de ce gâchis politique", s'est impatienté vendredi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, appelant à des "compromis" et des "coalitions".
Faute de temps, le projet de budget pourrait être identique à celui que Sébastien Lecornu a envoyé le 2 octobre au Haut conseil des finances publiques (HCFP).
Ce dernier a déjà rendu un avis qui reste encore confidentiel, a indiqué son président Pierre Moscovici.
Certaines mesures, inspirées de la copie de l'ex-Premier ministre François Bayrou qui prévoyait un effort de 44 milliards d'euros, ont déjà été dévoilées: diminution du train de vie de l'Etat, baisse d'un impôt de production réclamé par les entreprises, taxe visant les holdings familiales parfois utilisées pour contourner l'impôt, maintien d'une contribution supplémentaire des hauts revenus.
Pour se donner de la marge en vue d'un compromis, Sébastien Lecornu a accepté de revoir à la baisse ses ambitions d'assainissement des finances publiques.
La zone d'atterrissage du déficit public est désormais projetée "en dessous de 5%" du produit intérieur brut (PIB) plutôt qu'à 4,7%.
Chaque dixième de point de pourcentage de déficit supplémentaire correspond à presque 3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.
- Le déficit budgétaire atteindrait 5,4% en 2025. -
Cela complique la trajectoire du retour en 2029 à un déficit de maximum 3% autorisé par Bruxelles alors que la deuxième économie de la zone euro est déjà un cancre en la matière.
Cinquante ans après son dernier budget excédentaire, elle affichait en 2024 le pire déficit: 5,8% du PIB, soit "un trou" de quasi 170 milliards d'euros entre les dépenses et les recettes. Le déficit atteindrait 5,4% en 2025.
La dette est la plus importante derrière celles de la Grèce et de l'Italie (115,6% du PIB ou 3.416,3 milliards d'euros à fin juin).
Compliquant la donne, la croissance risque en outre d'être plus faible qu'anticipé en 2026, à 1% voire 0,9% au lieu de 1,2%, synonyme de moindres recettes fiscales.
La Banque de France estime à "au moins 0,2 point de croissance" le coût de la crise politique.
Elle "freine les décisions d'investissements, d'embauche et paralyse les agents économiques", a souligné le patron du Medef Patrick Martin dans le JDD dimanche.
La France paie aussi le prix de l'instabilité sur les marchés où elle emprunte plus cher depuis la dissolution de juin 2024, alourdissant le coût de la dette.
La charge d'intérêt, en passe de devenir le premier poste de dépenses de l'Etat, pourrait dépasser 70 milliards en 2026.
- Les 34 ministres du gouvernement Lecornu 2 -
Les ministres :
Laurent NUNEZ, ministre de l’intérieur ;
Catherine VAUTRIN, ministre des armées et des anciens combattants ;
Jean-Pierre FARANDOU, ministre du travail et des solidarités ;
Monique BARBUT, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature ;
Gérald DARMANIN, garde des sceaux, ministre de la justice ;
Roland LESCURE, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique ;
Serge PAPIN, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat ;
Annie GENEVARD, ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire ;
Edouard GEFFRAY, ministre de l’éducation nationale ;
Jean-Noël BARROT, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ;
Rachida DATI, ministre de la culture ;
Stéphanie RIST, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées ;
Naïma MOUTCHOU, ministre des outre-mer ;
Françoise GATEL, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation ;
Amélie de MONTCHALIN, ministre de l’action et des comptes publics.
Philippe BAPTISTE, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace ;
Marina FERRARI, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative ;
TABAROT, ministre des transports ;
Vincent JEANBRUN, ministre de la ville et du logement.
Les ministres délégués
Auprès du Premier ministre :
Laurent PANIFOUS, chargé des relations avec le Parlement ;
Maud BREGEON, porte-parole du Gouvernement ;
Aurore BERGE, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ;
Auprès du ministre de l’intérieur :
Auprès de la ministre des armées et des anciens combattants :
Alice RUFO ;
Auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature :
Mathieu LEFEVRE, chargé de la transition écologique ;
Auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique :
Sébastien MARTIN, chargé de l’industrie ;
Anne Le HENAFF, chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ;
Auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères :
Nicolas FORISSIER, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité ;
Eléonore CAROIT, chargée de la francophonie, des partenariats internationaux et des Français de l’étranger ;
Auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées :
Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées ;
Auprès de la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation :
Auprès de la ministre de l’action et des comptes publics :
David AMIEL, chargé de la fonction publique et de la réforme de l’État ;
L’ensemble des membres du gouvernement sera réuni pour un conseil des ministres qui se tiendra le mardi 14 octobre à 10h (12 à La réunion).
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