Le groupe jihadiste Etat islamique a revendiqué plusieurs attaques meurtriÚres à Bagdad ces derniers jours pour démontrer qu'il restait à l'offensive malgré ses récents revers dans le nord et l'ouest de l'Irak, selon des experts.
Au moins 94 morts dans trois attentats à la voiture piégée le 11 mai, plus de 48 morts mardi dans une série d'explosions: en une semaine, prÚs de 150 personnes, surtout des civils, ont péri dans des attaques perpétrées par l'EI dans la capitale.
"Aujourd'hui Bagdad est prise pour cible car le groupe est sur la défensive" mais "peut encore nuire au pouvoir en plein coeur de la capitale", explique Patrick Skinner, consultant pour le cabinet Soufan Group spécialisé dans le renseignement.
Pour le colonel Steve Warren, porte-parole des opérations de la coalition internationale anti-EI, cette recrudescence d'attaques s'explique par les revers subis sur le terrain et par la volonté de l'EI d'"exploiter les tensions politiques dans la capitale".
Ces attentats surviennent en effet alors que le pays est secoué par une grave crise politique qui perturbe le fonctionnement des institutions. Le Premier ministre Haider al-Abadi n'arrive pas à imposer un nouveau gouvernement de technocrates aux partis qui s'y opposent par peur de perdre certains de leurs privilÚges.
"C'est une sanglante convergence", souligne M. Skinner. "L'énorme pression militaire subie (par les jihadistes) sur le terrain, combinée à la crise politique, peut provoquer un chaos maximal", prévient-il.
L'EI n'a cessĂ© ces derniers mois de perdre du terrain en Irak, oĂč il s'Ă©tait emparĂ© de vastes pans du territoire en 2014. Les forces irakiennes ont notamment repris, avec le soutien des frappes de la coalition internationale, le contrĂŽle de plusieurs villes, dont Tikrit et Ramadi, respectivement au nord et Ă l'ouest de Bagdad.
- Sécurité défaillante -
La capacitĂ© de l'EI Ă perpĂ©trer des attentats dans les quartiers chiites en plein coeur de Bagdad jette une lumiĂšre crue sur les dĂ©faillances des mesures de sĂ©curitĂ© prises pour empĂȘcher la circulation de combattants jihadistes, d'explosifs et d'armes.
Les questions portent en particulier sur l'efficacité des barrages érigés le long des grands axes autour de la capitale, qui provoquent des embouteillages monstres. La vérification des papiers d'identité et la fouille des véhicules y est menée de façon superficielle.
Les forces de l'ordre continuent à utiliser des détecteurs d'explosifs qui ne fonctionnent pas. L'homme qui les avait vendus à l'Etat dans les années 2000, James McCormick, a été condamné pour fraude à dix ans de prison en 2013 à Londres.
En outre, les soldats et policiers restent mal préparés à réagir dans l'urgence aux attaques, leurs armes étant la plupart du temps hors de portée.
Les défaillances des forces irakiennes étaient apparues en plein jour lorsqu'elles avaient été incapables de résister à l'offensive lancée en 2014 par l'EI. Leur débandade lui avait notamment permis de s'emparer sans difficulté de Mossoul (nord), la deuxiÚme ville du pays.
La coalition antijihadistes menée par les Etats-Unis a depuis formé et entraßné 22.000 membres des forces de sécurité irakiennes, qu'elle prépare essentiellement pour les opérations destinées à reconquérir les territoires perdus.
Selon M. Warren et le porte-parole du ministÚre irakien de la Défense Yahya Rasool, ces forces entraßnées par la coalition ne sont pas déployées à Bagdad.
Les derniers attentats ont attisé la colÚre de la population face à l'inaction des autorités. Des dizaines de personnes ont ainsi manifesté sur les lieux de l'attentat meurtrier perpétré le 11 mai à proximité d'un marché.
Cette situation accroßt encore la pression sur le Premier ministre, qui a réagi mardi en ordonnant l'arrestation d'un responsable des services de sécurité chargé de l'un des secteurs touchés par les derniers attentats.
Mais, selon des experts, des changements bien plus radicaux seraient nécessaires pour rétablir durablement la sécurité à Bagdad.
Par Tom HANCOCK - © 2016 AFP


