Le courant ne passe pas

Manque de bornes, prix élevés : entre la voiture électrique et La Réunion, c'est la panne

  • Publié le 5 septembre 2024 à 09:21

Bientôt nous serons tous à l'électrique… ou pas. Si l'État dit vouloir tout faire pour décarboner la France et supprimer les voitures thermiques (essence ou diesel), cela ne semble pas près de se réaliser. Si passer à l'électrique ou à l'hybride rechargeable séduit, à La Réunion le courant ne passe pas. Les bornes de recharge sont en nombre insuffisant ou ne sont pas fonctionnelles, les prix des véhicules sont élevés, le recyclage de ces véhicules est impossible dans l'île… Entre la voiture électrique et La Réunion, c'est la panne (Photo : www.imazpress.com)

"En matière de mobilité électrique, 2023 a été une année charnière avec un prévisionnel fixé à 10.600 véhicules qui a été dépassé", vante l'Observatoire de l'énergie de La Réunion. Les véhicules électriques et hybrides rechargeables représentant 3,5 % du parc automobile.

Et pourtant, en juillet 2024, le compte n'y est pas. "Pour la première fois depuis 2018, le marché de l'électrique est en recul à La Réunion", note Philippe-Alexandre Rebboah, directeur de Leal Réunion et président du SICR (Syndicat du commerce de La Réunion). Un recul de l'ordre de 13%.

Toutes marques confondues à l'heure actuelle, se sont vendus 1.833 véhicules 100% électriques et 521 hybrides rechargeables.

Selon le directeur de Leal Réunion, cela peut s'expliquer de plusieurs manières. "Les personnes qui achètent de l'électrique sont soient des propriétaires qui vivent en maison individuelle, soit des chefs d'entreprise."

Autre problème, les logements collectifs ne sont pas – pour la plupart – équipés en borne de recharge donc forcément toute clientèle potentielle ne peut pas y avoir accès", ajoute Philippe-Alexandre Rebboah.

De plus, les prix sont élevés et avec la fin du bonus écologique, "les achats de véhicules électriques ralentissent".

Et pourtant "La Réunion est un territoire adapté aux véhicules électriques de par sa dimension" estime-t-il. "Les véhicules ont largement de quoi se déplacer de manière quotidienne sans le stress de se dire si l'autonomie tiendra."

- Un véhicule électrique c'est bien, pouvoir se brancher c'est mieux -

Le souci à La Réunion, c'est également le développement des bornes de recharges pour ces véhicules.

"Tant qu'on n'aura pas de réseau de maillage de bornes électriques suffisant, on sera confronté à cet effet de plafond sur le développement des véhicules électriques", explique Philippe-Alexandre Rebboah.

Une chance presque que le leasing social n'ait pas été instauré à La Réunion, puisque les gens auraient consommé de l'électrique mais tous n'auraient pas pu se brancher.

Mais voilà, à La Réunion, il existe, en juin 2024, 762 prises de recharges publiques. Seuls 552 d'entre elles sont en fonctionnement. Et ce, alors que l'objectif fixé en 2023 était de 1.100 prises de recharges, selon les chiffres de l'Observatoire de l'énergie.

Lire aussi - La consommation électrique baisse mais La Réunion toujours trop dépendante des énergies importées

- La raison : un schéma de développement à la traine -

La Région Réunion prône un développement de l'électrique pour éviter le CO2. Mais pour cela, "il faut sécuriser l'usage des véhicules électriques", lance Jean-Pierre Chabriat, conseiller régional en charge de la transition écologique.

Raison pour laquelle la collectivité demande "que dans le schéma directeur soient mis en place des infrastructures de recharge et notamment la mise en œuvre d'un corridor de bornes de recharges rapides sur les axes principaux de La Réunion, le littoral, la RN3 entre Saint-Benoît et Saint-Pierre, Cilaos, Salazie", évoque le conseiller régional.

"Sans sécurisation il y aura de la frustration au niveau des usages et finalement on n'arrivera pas à atteindre les objectifs."

Un schéma proposé par le Sidélec qui n'était d'ailleurs pas du goût de la Région.

Lors de la commission permanente, la collectivité a émis un avis négatif. Notamment en raison de "l'insuffisance de la couverture : le déploiement d’un seul point de charge accéléré par zone IRIS est jugé insuffisant, l'absence de calendrier détaillé, le manque de détails sur l’entretien ainsi que l'interopérabilité des bornes".

De son côté, dans un communiqué paru le 27 août, le Sidélec a pris acte de l'avis défavorable de la Région sur la stratégie de déploiement.

Le Sideléc estime cependant que concernant "les observations de la Région Réunion, des réponses précises ont été apportées par courrier en date du 30 juillet 2024". "Il semblerait qu’elles n’ont pas été prises en considération dans le débat qui s’est tenu lors de la Commission Permanente du 23 août 2024" ajoute le syndicat.

"C'est dans cet état d’esprit que le SDIRVE a été élaboré pour viser trois objectifs. D’une part, assurer un maillage territorial homogène pour les bornes publiques, non discriminatoires et répondant aux besoins actuels et futurs. D’autre part, disposer d’un réseau de bornes adapté aux contraintes en Zone Non Interconnectée au réseau électrique continental" détaille-t-il.  Enfin, "atteindre le scénario fixé par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE)".

"Pour rappel, il s’agit de 1 700 bornes pour 3 400 points de charges sur les 24 communes de l’île à l’horizon 2028. Cela signifie une réponse adaptée pour tous sans aucune zone blanche. Il a également été convenu que cette orientation prenne en compte le réseau de bornes des acteurs privés et privilégie sur les espaces publics la recharge lente et accélérée couplée, si possible, avec une production solaire pour veiller au nécessaire équilibre entre l’offre et la demande électrique" ajoute le Sidélec.

- Des véhicules difficiles à importer, réparer et impossibles à exporter -

Outre les bornes en nombre insuffisant sur le territoire, la question qui se pose pour le déploiement de l'électrique, c'est l'après.

Entre coût d'entretien, réparation, recyclage… soit cela coûte excessivement cher à La Réunion, soit le département n'est pas en mesure d'assurer l'avenir des composants de ces véhicules.

"L'engouement des véhicules électriques génère quelque part des impacts collatéraux", évoque Philippe-Alexandre Rebboah, directeur de Leal Réunion et président du SICR.

"Aujourd'hui comme vous le savez – et comme Imaz Press l'avait déjà évoqué – il n'y a pas de solution opérationnelle pour le recyclage des batteries au lithium."

Une problématique évoquée d'ailleurs en préfecture le vendredi 30 août avec les différents acteurs.

D'autant que des véhicules qui se veulent écologiques, obligés d'être envoyé pour réparation ou recyclage par bateau vers l'Hexagone, cela n'a rien d'écolo.

Entre absence de bornes, difficulté de recyclage ou encore cherté… la voiture électrique a encore du chemin à faire avant de trouver sa place à La Réunion et de permettre à l'île d'utiliser moins d'énergies fossiles.

Lire aussi - Batteries au lithium : elles sont difficiles à importer et impossibles à exporter

Lire aussi - Voitures électriques : quand le moindre problème de batterie vide les porte-monnaies

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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11 Commentaires
Jacques
Jacques
1 semaine

https://www.latribune.fr/climat/energie-environnement/a-la-reunion-les-centrales-electriques-carburent-a-l-huile-de-colza-et-aux-pellets-de-bois-est-ce-vraiment-durable-995004.html

Voilà ! Le colza prend la place de cultures nécessaires à l'alimentation, demande beaucoup d'eau, et la production d'électricité continue à émettre du CO2 (même si sa culture en capte).

Tikok
Tikok
1 semaine

Pourquoi pas possible ?

Super Bambou
Super Bambou
1 semaine

Le pétrole à EDF Le Port c'est terminé. Maintenant on utilise du biodiesel (importée). Renseignez-vous.

Jacques
Jacques
1 semaine

Vous oubliez de dire que l'électricité à la Réunion n'est pas décarbonnée, car faite à partir de pétrole, dans l'usine EDF du Port (sauf à Mafate bien sûr !). C'est donc une mascarade de vouloir des voitures électriques tant que l'électricté ne sera pas décarbonnée (solaire, éolienne, ... puisque le nucléaire comme en métropole n'est bien sûr pas possible...)

Amateur
Amateur
1 semaine

Sidelec est à côté de la plaque.

Quant à Leal d'accord ce que.l'internaute écrit. Prix abusif et toujours de la faute des autres.

Sucré-Salé
Sucré-Salé
1 semaine

Pourtant...Les ports européens sont envahi de voitures électriques chinoise à bons prix actuellement, BYD en premier...c'est une vraie déferlante.

Prix intéressants, mais comme l'Europe n'arrive plus à suivre, on les bloquent pour les taxer à fonds afin de protéger une industrie européenne à la traine....et faire CH...ER les consommateurs avec vos prix excessifs. Les chinois ont gagné la bataille de la voiture électrique.

Quand vous étiez les seuls à malmener les autres économies il n'y avait pas de concurrences déloyales, maintenant qu'ils vous dépassent tous, on crie au loup.

Si vous taxez fortement leurs voitures ils vont taxer fortement vos produits (alimentation, vin, champagne, etc etc) chez eux.

Maintenant que tout le monde a de la puissance, principe de réciprocité !

Pas de voitures électriques pour moi, arnaque.

ha ha
ha ha
1 semaine

D'après M Rebboah, c'est de la faute de tout le monde sauf de ses prix abusifs???? A un moment il faut arrêter de nous tondre pour un service médiocre. Arrêtez de vous gaver de manière abusive et vous verrez que çà ira un peu mieux pour vous et pour votre image.

Templier974
Templier974
1 semaine

A pierrot 974, la voiture n'est pas électrique mais à assistance électrique. Bonne journée.

Antipode
Antipode
1 semaine

Il y a des alternatives :
- interdiction des hybrides, c'est d'une stupidité sans borne ;) (cumule que des inconvénients : double-motorisation donc double pollution à la création, double pannes, double entretient, moindre efficacité du fait du poids double) ;
- interdiction d'être une seule personne par véhicule 5 places ;
- interdiction des véhicules individuels de plus d'1 tonne ;
- voitures et camions "intelligents" au-moins pour couper le moteur à l'arrêt puisque rare sont ceux qui y arrivent ^^ c'est interdit depuis 1963 mais pas appliqué !
- carburant à 10€uros le litre pour tous véhicules individuels hors professionnels de sécurité public, urgences, secours...
- gratuité pour tous des transports en communs !
- incitation fiscale aux 2-roues électriques !
- installation d'une usine de retraitement des batteries et utiliser des alternatives au lithium !

Pierrot 974
Pierrot 974
1 semaine

En métropole, les décideurs de cette vision délirante (tous véhicules électriques) croient que Paris est la France.
Aussi, la spécificité réunionnaise...
Si la mesure passe réellement, les problèmes d'embouteillage de l'île seront résolus puisque seuls les riches peuvent s'acheter une auto électrique.

Ballester
Ballester
1 semaine

Merci pour ce point; mais souvenons-nous également, que l’an dernier on nous demandait de restreindre notre conso électrique. Imaginons l’hyper développement sans production conséquente. Et quid du prix du kwh aux bornes ?