Art japonais

Le gyotaku ou quand l’artistique et le culinaire se confondent

  • Publié le 25 décembre 2022 à 02:58
Gyotaku, à La Réunion

Depuis plusieurs années, Luc Legendre consacre sa vie au gyotaku. Un art japonais datant du XVIIIe siècle, qui consiste à reproduire des empreintes de poissons sur du papier ou du tissu (Photos : V.W.).

Le gyotaku, kesako ? Cet art ancestral et graphique venu tout droit de l’empire du soleil levant, donne de la mémoire à l’éphémère. Plus près de nous, à La Réunion, Luc Legendre est le seul artiste, autodidacte qui plus est, à manier cette technique qu’il a acquise avec le temps en appliquant de l’encre de seiche sur des poissons en compressant du papier washi (en fibre de riz) avec patience, méthode et délicatesse.

Ancien restaurateur, originaire de Rennes, l’artiste aujourd’hui formateur en cuisine, était désireux de donner un autre relief à son enseignement et à la transmission de son métier. Installé à La Réunion depuis près d’un an à présent, il a opéré ce virage tout naturellement voilà quelques années. « Je travaille sur la mémoire éphémère d’un produit amené à être transformé. En réalité, le gyotaku pourrait être considéré comme l’ancêtre de la photographie mais à taille réelle. Avec cette pratique, l’artistique et le culinaire se confondent aisément », résume Luc Legendre.

Thons, daurades, saumons, langoustes (pourquoi pas un requin ou un espadon, en gyotaku, tout est possible), mais aussi le végétal avec de la vanille, des feuilles de thé, des jamrosas, ou encore du café Bourbon… Au gré de son humeur et suivant le fil de son inspiration, Luc Legendre adapte le produit au support et vice-versa, que ce soit sur tissu ou sur papier washi.

Plus important encore, et par cohérence avec une démarche écologique et durable, il n’utilise pour ses œuvres que de l’encre de seiche stérilisée et aucun produit de teinture chimique, car s’agissant du poisson, il est ensuite destiné à être consommé. « En gyotaku, il s’agit avant tout de travailler le produit, le respecter, en prendre soin tout en étant le plus vertueux possible. À travers mon art, j’y vois aussi une façon de sensibiliser les gens au respect de ce que nous offre la nature ».
Patience, passion, dextérité et humilité… Des qualités dont sait faire preuve Luc Legendre qui, outre son fil conducteur culinaire, envisage de travailler nos plantes endémiques, histoire de mettre en avant la biodiversité de La Réunion.

- Travailler dans la sérénité -

Quand on lui demande s’il est indispensable d’être au calme et au frais pour réaliser ses œuvres, Luc Legendre répond que c’est LA condition sinequanone. « Le bruit et la chaleur ne sont pas propices à la sérénité et s’il fait trop chaud, l’encre risque de se liquéfier. Il faut donc nécessairement être au frais, surtout lorsque l’on travaille sur du poisson. Bien sûr, quand c’est du thon, la peau est très épaisse, il n’y a pas de danger et je peux réaliser une empreinte en une demi-heure, voire une heure ».

- Expos permanentes -

Luc Legendre exposera ses empreintes marines à la Cité du Volcan l’an prochain. En attendant, vous pouvez également les découvrir à Saint-Denis au Sushic, dans le hall de l’hôtel Créolia et au Fujiya ainsi qu’au restaurant Akina à Saint-Pierre et Yume Atelier à Saint-Gilles-les-Bains. L’artiste travaille aussi sur commande : comptez entre 160 et 200 euros pour une œuvre standard encadrée de 40 x 50 cm. Pourquoi pas une idée de cadeau de fêtes de fin d’année ?
Pour plus de renseignement, rendez-vous sur sa page Facebook ou Instagram et sur son site web.

Un peu d’histoire

Inventé au XVIIIe siècle à la fin de l’époque Edo, le gyotaku, développé sur les côtes japonaises, honorait la mer nourricière pour les familles de pêcheurs. Selon la légende, en 1862, le seigneur Sakaï qui pêchait avec ses samouraïs, aurait fait une belle prise d’une dorade royale, symbole du bonheur au Japon, qu’il souhaitait offrir à l’empereur Osahito. La trop grande distance ne permit pas d’apporter ce poisson alors, un samouraï, Naotsuka, eut l’idée de capturer l’âme et la beauté du poisson pour le partager en enduisant la dorade d’encre de Chine et prendre son empreinte inversée sur du papier washi… Le gyotaku était né !

vw/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

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