Le 27 octobre 2021, lors d’un exercice en mer organisé à Mayotte pour simuler une intervention en cas de crash aérien, un bateau de plaisance appartenant à l’aéroport a dangereusement gîté après avoir franchi la barrière de corail. À bord, trois pompiers dont un grièvement blessé. Relaxés en première instance en 2024, l’ex-directeur de l’aéroport Olivier C., le capitaine du navire ainsi que l'aéroport de Mayotte, comparaissaient en appel après la contestation du parquet. La défense replacé l’affaire dans le contexte local : "à Mayotte", "même si parfois c’est hors la loi, il n’est pas possible de faire autrement". La décision des magistrats sera rendue en décembre (photo RB/www.imazpress.com)
Afin de pouvoir intervenir en cas de crash aérien, l’aéroport de Mayotte avait acquis en 2019 le Tereva, une embarcation de plaisance utilisée pour les entraînements. Or, ce navire n’était pas homologué pour un usage professionnel.
Le 27 octobre 2021, Jérôme S. était à la barre du navire avec trois pompiers. La traversée du lagon s’était déroulée sans encombre, les conditions météorologiques étant bonnes sur l'île aux parfums. Mais à l’extérieur de la barrière de corail, le bateau s’est retrouvé face à une forte houle et a dangereusement gîté.
Mhamadi S., un des pompiers qui se trouvaient à la proue a été projeté puis est retombé violemment dans le bateau, subissant de multiples fractures et un traumatisme psychologique important occasionnant une interruption totale de travail de 100 jours. Selon les premières constatations, il n’aurait jamais dû se trouver à cet endroit du bateau, particulièrement exposé au danger. Un autre pompier a été légèrement blessé dans l'accident tandis que le troisième a indiqué ne pas s’être senti en danger.
- Une relaxe en première instance contestée -
Le 11 décembre 2024, le tribunal maritime a prononcé la relaxe des prévenus, estimant qu’il n’existait pas de lien de causalité direct entre l’absence de certificat d'homologation du navire et l’accident. L’ex-directeur de l’aéroport, Olivier C., le capitaine du navire, Jérôme S. ainsi que l'aéroport de Mayotte en tant que personne morale, comparaissaient ce jeudi 9 octobre 2025 en appel après la contestation du parquet.
La représentante du ministère public a pointé une décision de première instance « sans motivation », dénonçant une absence totale de justification de cette relaxe dans le jugement.
Aucun des prévenus n’était présent dans le prétoire de la rue Juliette Dodu. La victime, incapable de prendre l’avion en raison de son état, n’a pas pu non plus assister aux débats. Son avocat a dénoncé « un risque évident, connu de tous », rappelant que « ces hommes ont risqué leur vie ».
Le ministère public a requis 30.000 euros d’amende contre la SAS Edeis Aéroport Mayotte, ainsi que 4 mois de prison avec sursis et 3.000 euros d’amende à l’encontre d’Olivier C., l'ex directeur.
L’avocate générale a replacé l’affaire dans un contexte plus large : « À Mayotte, beaucoup de navires de plaisance sont utilisés à des fins professionnelles. Des contrôles sont en cours face à cette problématique. »
- "À Mayotte, on fait avec les moyens du bord" -
La défense d’Olivier C., aujourd’hui directeur du port de Saint-Malo, a pointé une prévention incongrue : "Comme il s’agissait d’un bateau de plaisance, il n’y avait pas besoin de certificat de conformité. La poursuite tombe d’elle-même : mon client ne peut pas être condamné pour cela".
Le conseil a également relevé une incohérence : "Le pilote du navire, considéré comme auteur indirect, n’est pas poursuivi pour blessures involontaires. C’est illogique".
Enfin, la robe noire a replacé l’affaire dans le contexte local : "À Mayotte, on fait très souvent avec les moyens du bord, et dans de nombreux domaines. Même si parfois c’est hors la loi, il n’est pas possible de faire autrement". Il a aussi soutenu que la question des intérêts civils ne relevait pas de la cour mais du pôle social, puisqu’il s’agissait d’un accident du travail.
Le jugement en appel sera rendu le 4 décembre 2025
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