C'est une première à La Réunion. Une marche pour sensibiliser à l'endométriose se tient à partir de 13h à Trois Bassins, ce samedi 19 mars 2016. La maladie, pourtant peu connue, touche près d'une femme sur dix en âge de procréer en France. Près de 1000 personnes sont attendues (nos photos), l'occasion pour elles d'en apprendre davantage sur l'endométriose et d'apporter leur soutien aux femmes qui en souffrent, le vivant parfois comme un tabou. Pour Sylvie, 38 ans, opérée pour cette maladie il y a quatre ans, ça sera aussi l'occasion d'échanger son expérience avec les "endosisters" qui seront présentes.
"J'ai toujours eu des règles douloureuses", témoigne Sylvie, 38 ans. "Quand j'étais jeune, c'était supportable mais ça s'est intensifié vers la vingtaine. Des douleurs à se tordre." Si les règles douloureuses sont fréquentes chez la femme, ça doit interpeller à partir du moment où les antalgiques ou l'ibuprofène ne parviennent pas à faire passer la douleur. Dans ce cas, il faut mener des tests pour essayer de détecter si ce n'est pas causé par une endométriose.
Souvent, en plus d'être douloureuses, les règles sont très abondantes et l'on parle de règles hémorragiques. Au fur et à mesure de l'évolution de la maladie, des problèmes digestifs peuvent apparaître (diarrhée ou constipation) ou des douleurs au moment d'uriner. Les rapports intimes, eux-aussi, peuvent devenir douloureux. Enfin, la maladie pose des problèmes de fertilité. "Les cas d’endométriose sont variables d’une femme à l'autre", explique Lindy Ghouali, présidente de l'association 'Mon endométriose ma souffrance'. "Certaines femmes ne vont pas particulièrement ressentir de douleurs et vont se rendre compte qu'elles ont l'endométriose parce qu'elles ne parviennent pas à avoir d'enfant."
En France, une femme sur dix en âge de procréer est touchée par la maladie, sans que l'on ne sache encore ce qui la déclenche en dehors du facteur génétique. L'endomètre, le tissu présent dans l'utérus, s’épaissit au cours du cycle sous l’influence hormonale en vue d'une grossesse. Si l'ovule n'est pas fécondé, il se désagrège, ce qui donne les règles. Chez la femme atteinte d'endométriose, des cellules remontent dans les trompes et du tissu similaire à l'endomètre se développe en dehors de l'utérus et va se coller sur d'autres organes comme les appareils urinaire, digestif, et plus rarement pulmonaire. "Il va continuer à évoluer en fonction du cycle, à s’épaissir et à saigner comme s'il était dans l’utérus", explique Lindy Ghouali. "Comme il ne peut pas s’évacuer, ça va donner des kystes, des lésions, des inflammations."
"On m'a enlevé un bout d'intestin"
Pourtant, cette maladie reste peu connue des professionnels de santé eux-mêmes et donc des patientes. En moyenne, le retard de diagnostic est de 6 à 7 ans. "Les femmes vont errer de médecin en médecin, recueillir des diagnostics différents, raconte Lindy Ghouali. Elles parlent de leurs symptômes et on leur répond trop souvent que c'est normal d'avoir des règles douloureuses, que c'est dans leur tête, qu'elles sont trop douillettes. Jusqu'à ce que la malade trouve le bon médecin qui va poser le bon diagnostic."
"J'ai vu quand même trois médecins avant qu'une amie me parle de l'endométriose, se souvient Sylvie. Je n'en avais jamais entendu parler." On était en 2011, elle avait 33 ans. Depuis cinq ans, elle souffrait de problèmes intestinaux, mais aucun médecin n'avait réagi et les coloscopies, échographies prescrites n'avaient rien montré. Elle a effectué alors une IRM (imagerie par résonance magnétique) et le diagnostic a été posé. Début 2012, elle se faisait opérer.
"Le gynéco m’a dit 'comment vous avez fait pour vivre autant d’année comme ça!', la maladie s'était éparpillée dans tout mon corps, raconte Sylvie. On m'a enlevé un bout d'intestin et aujourd'hui encore, je ne ressens plus l'envie d'uriner. L'utérus était très touché, le gynéco a envisagé de tout enlever mais, finalement, il ne l'a pas fait, il a estimé que j'étais encore trop jeune." Heureusement pour elle, Sylvie avait déjà eu un enfant et ne comptait pas en avoir d'autre.
"On qualifie l'endométriose d'incurable"
"Aujourd'hui je suis sous ménopause artificielle, indique-t-elle. C'était obligé parce que, dès que mes règles reviennent, les douleurs sont toujours là. Le gynécologue n'a pas pu tout enlever pendant l'opération, des lésions s'étaient formées sur des nerfs de la colonne vertébrale, ce n'était pas opérable." Ainsi, malgré les opérations, la maladie récidive dans de nombreux cas. "C'est pour ça qu'on qualifie cette maladie d'incurable, explique Lindy Ghouali. On soulage mais on ne peut jamais être sûr d'avoir totalement guéri la patiente." D'autant que les opérations sont souvent lourdes et peuvent nécessiter la mise en place d'appareillages, tels que des poches digestives ou urinaires, qui peut être difficile psychologiquement.
Pour Sylvie, participer à la marche samedi est l'occasion de rencontrer d'autres femmes qui ont vécu la même épreuve et d'échanger. "Quand j’entends une jeune fille qui a des règles douloureuses, je lui parle de l'endométriose pour qu’elle soit au courant et qu'elle fasse quelque chose dès le début." Sylvie n'a jamais eu de mal à parler de la maladie, ce qui n'est pas le cas d'autres femmes atteintes.
"Aujourd'hui encore, cette maladie est vécue comme un tabou pour certaines femmes notamment parce que ça concerne notre intimité, explique la présidente de l'association. Il n'est pas forcément facile de parler de règles et de sexualité douloureuse. D’autant plus quand le personnel médical ne reconnaît pas nos douleurs, on s’isole encore plus et on n’en parle pas. S'il y a autant de tabou autour de l'endométriose, c'est aussi parce qu'on banalise trop les règles douloureuses. Cette méconnaissance de la maladie contribue à enfermer les femmes dans ce tabou."
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