A l'occasion des dix ans du lancement de la prise en charge des cardiopathies congénitales et pédiatriques, le CHU de La Réunion a souhaité rappeler ses travaux autour de la question lors d'un point presse organisé ce mercredi 15 octobre 2025. L'occasion aussi de mettre en lumière le travail effectué dans les services de greffes rénales et cardiaques de ces dernières années. (Photo photo Sly/www.imazpress.com)
Le "niveau d’expertise continue de progresser", affirme la direction, que ce soit pour les chirurgies cardiaques ou les transplantations, qui "nécessitent des compétences extrêmement pointues".
C'est en 2015 que le développement d'une activité médico-chirurgicale de pointe a débuté. Accompagné du CHU de Bordeaux, le CHU de La Réunion s'est équipé au fil des ans d'une équipe compétente et un plateau technique de pointe.
Une prise en charge assez qualitative désormais pour éviter les transferts sanitaires jusque dans l'Hexagone, et ce même pour les cas de cardiopathies les plus complexes.
"C'est un service qui était une nécessité pour la zone", rappelle le Dr Jean-Bernard Selly, chef de service de cardiologie congénitale et pédiatrique, alors que les maladies cardio-vasculaires sont prévalentes à La Réunion. "L'objectif était d'offrir une qualité de soin au moins égale à l'Hexagone, après dix ans de compagnonnage avec le CHU de Bordeaux on peut dire que c'est le cas", dit-il.
En 2022, le CHU de La Réunion a notamment reçu l'autorisation par l'ARS de délivrer une activité continue, et quatre lits de réanimation pédiatrique dédiés ont été ouverts.
"On est très fier car nous sommes maintenant quasiment en autonomie", pointe Lionel Calenge, directeur général du CHU de La Réunion, concernant la prise en charge des malformations cardiaques. "On a atteint l'an dernier 86 greffes rénales avec des résultats au niveau qualitatif tout à fait excellent. On est entrain de monter en puissance", explique-t-il.
"Dès 2026, nous avons pour objectif d'atteindre le seuil requis minimal de 150 interventions chirurgicales et cathétérismes cardiaques congénitales et pédiatriques", annonce le Dr Jean-Bernard Selly.
En parallèle, 2026 verra la création d'un service médico-chirurgical dédié aux cardiopathies congénitales, structuré autour de trois axes essentiels que sont la Cardiopédiatrie, la Chirurgie cardiaque congénitale et les Soins critiques cardiaques congénitaux.
L'activité universitaire de ce service est par ailleurs portée par le Dr Yaël Levy à travers divers programmes de recherche clinique au sein du service.
Au-delà de La Réunion et de Mayotte, cette activité a une vocation régionale largement initiée à Madagascar via différentes associations humanitaires (comme La Chaîne de l'Espoir et La Ribambelle), pour permettre d'accueillir et former des professionnels de santé venant de pays voisins, en particulier de Madagascar mais aussi des Comores et bientôt Maurice et les Seychelles, contribuant ainsi au développement de compétences locales et au renforcement des filières de soins pédiatriques et adultes dans la zone océan Indien.
- Des services de greffe qualitatifs -
Cette rencontre était aussi l'occasion de revenir sur les services de greffes rénales et cardiaques du CHU. Si les greffes de rein sont réalisés depuis 1985 à La Réunion, les greffes cardiaques, elles, ont débuté en 2023.
Ces deux services sont nés d'une nécessité. A La Réunion, pour les insuffisances rénales, "trois à quatre fois plus de patients par million de personnes arrivent au stade terminal", indique le Pr Henri Vacher Coponat, président de la commission médicale d'établissement du CHU de La Réunion et chef du service de néphrologie.
600 personnes ont subi une greffe de rein, pour 1.800 patients dialysés. "C'est beaucoup moins que dans l'Hexagone, où un patient sur deux est greffé", souligne-t-il. L'activité progresse cependant, avec 86 greffes réalisées en 2024 et 78 réalisées pour l'instant en 2025. Des greffes qui proviennent dans "5 à 6% des cas de dons de l'entourage", précise le spécialiste.
L'activité du CHU est suivie de près par l'agence de biomédecine, qui "nous évalue et nous classe parmi les meilleurs", se félicitent Lionel Calenge et le Pr Henri Vacher Coponat. "Il était essentiel pour nous de fournir une qualité de soin au moins égale à celle de l'Hexagone, elle est meilleure", pointe ce dernier.
Concernant les greffes cardiaques, La Réunion "avait une nécessité de s'en doter", assure le Pr Eric Braunberger, alors que l'incidence des maladies cardio-vasculaires est trois fois supérieure à celle de l'Hexagone. "C'est une aventure humaine incroyable, dont le succès a été rendu possible grâce à une équipe et un investissement sans faille", se félicite le chef de service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire.
Depuis 2023, 17 patients ont subi une greffe de cœur avec succès. La Réunion est non seulement le seul territoire ultra-marin a être doté d'un service de greffe de cœur, c'est aussi la sixième île de la planète à l'être, après le Japon, la Grande-Bretagne, l'Australie, Taïwan et la Nouvelle-Zélande. C'est par ailleurs le seul territoire de moins de 5 millions d'habitants au monde à réaliser ces greffes.
"C'était une activité essentielle, parce que si on ne le faisait pas des patients décédaient, car ils ne voulaient pas voyer en métropole en raison du transport, l'attente sur place, et une survie pas garantie. Un nombre important de Réunionnais refusaient d'y aller et décédaient dans l'île", rappelle le Pr Henri Vacher Coponat.
La technique étant récente dans l'île, il n'y a pour l'heure que peu de recul sur le succès à long terme des interventions. Mais, "les résultats sont engageants", assure le Dr Arthur Neuschwander, chef du pôle de chirurgie thoracique cardiaque et vasculaire.
"La survie à un an de la greffe est de 80% dans l'Hexagone. Pour l'heure, ici, huit des greffés l'ont été il y a plus d'un an", précise-t-il. Pour une espérance de vie médiane de 12 ans supplémentaires, selon les données hexagonales.
Les chances de succès de l'intervention reposent par ailleurs sur le temps d'ischémie, c'est-à-dire combien de temps s'écoule entre le retrait du greffon et son implantation. "Pour un cœur, l'objectif est d'être sous les quatre heures. Sur un territoire comme La Réunion, le transport durera 2h30 au maximum s'il faut transférer le greffon entre deux hôpitaux. S'il n'y a pas de transfert à faire, alors il n'y a pas de temps d'ischémie", explique le Dr Arthur Neuschwander.
Concernant le profil des greffés, "il s'agit très majoritairement d'hommes (75%), souffrant d'une insuffisance cardiaque avancée, avec comme symptôme phare de l'essoufflement", détaille le Dr Benjamin Delmas, chef du service anesthésie-réanimation de chirurgie thoracique et cardiovasculaire. "La pathologie principale est la cardiopathie, généralement causée par un infarctus."
La particularité de l'île, "c'est que 90% des patients sont en ambulatoires, c'est-à-dire qu'ils entrent à l'hôpital pour leur greffe depuis leur domicile, contre 50% dans l'Hexagone", souligne-t-il.
"On a rendu quelque chose qui semblait impossible en quelque chose qui devient de plus en plus incontournable", se réjouit le Dr Arthur Neuschwander.
- Appel aux donneurs -
L'unique réel frein aujourd'hui à ces greffes, c'est le manque de donneurs. "43% des familles réunionnaises acceptent le d'organe de leur proche, contre 64% dans l'Hexagone", regrette le Pr Henri Vacher Coponat. "Il faudrait atteindre 100 greffes par an pour vider la liste d'attente de greffon de rein, et dix personnes sont actuellement sur la liste d'attente pour une greffe de cœur", précise-t-il. Un chiffre qui pourrait être plus élevé si la liste des donneurs était plus longue.
"C'est pour cela que nous insistons : la greffe ne peut pas se faire sans don d'organe, et nos résultats font partie des meilleurs de France", rappelle-t-il.
"Tous les Réunionnais connaissent une personne dialysée par exemple, qui pourrait un jour nécessiter une greffe, et on considère qu'environ 7% des Réunionnais vont avoir besoin d'une greffe au cœur de leur vie. Le besoin est important, c'est vraiment une problématique de solidarité", conclut le Pr Henri Vacher Coponat.
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