Mercredi 12 août 2025, dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Saint-Denis, la fraicheur de l’hiver austral pèse autant que les dossiers qui s’enchaînent. Les bancs grincent, les avocats feuillettent leurs notes, le greffier saisit frénétiquement. Trois affaires se succèdent, comme trois morceaux d’une même fresque judiciaire, où violences et trafic s’invitent tour à tour. (Photo photo RB/www.imazpress.com)
Le premier prévenu du jour, Nakib H., 28 ans, tee-shirt noir froissé et regard bas, ne veut pas entendre que son couple est terminé. La rupture, il ne l’accepte pas. Le 24 juillet, il prétexte vouloir voir son fils de deux ans.
La violence s'installe : il projette la mère dans les escaliers, l’enfant dans les bras. Dix jours plus tard, il l’intercepte en pleine rue, lui arrache son téléphone – qui contient des messages de menaces – et la frappe encore. Chez lui, la police retrouve deux portables lui appartenant. Devant les juges, il se tait ou esquive, sans un mot d’excuse.
À quelques mètres de là, Nourdine S., 21 ans, attend son tour. Vêtu d’un survêtement gris et d’un haut bleu électrique, il tente un sourire. Mais son dossier est lourd.
Le 31 juillet, il aurait frappé sa compagne enceinte de huit mois : claques, étranglement, coups portés au sol, le tout devant deux enfants de 8 et 6 ans qui confirment les faits. Une habitude, semble-t-il : depuis 2022, la violence rythme leur relation, même après un passage en prison. Il affirme l'aimer encore. "C’est pour cela que vous lui tapez dessus ?", demande la présidente, sèche.
- La mule au milieu des violences -
Entre ces deux dossiers de violences conjugales, l’ambiance change à peine. On appelle Venneta S., 22 ans, silhouette frêle, regard fuyant. Son casier est vierge, mais le 14 juillet dernier, elle débarque à Gillot avec huit ovules de cocaïne dans l’estomac, soit 127 grammes à 70 % de pureté. Rémunérée 2.000 euros, dit-elle, pour rembourser des dettes de loyer et de téléphone. Mais le parquet relève ses multiples voyages entre Paris, Cayenne et d’autres villes françaises. Des vacances chères, pour une endettée.
Retour aux violences : Nourdine S. évoque son passé. Confié à sa grand-mère, scolarité interrompue en seconde, deux condamnations pour viol en réunion à l’adolescence, placements, bracelet électronique. "J’ai besoin d’être soigné", lâche-t-il. La procureure rappelle qu’il est déjà sous sursis probatoire avec obligation de soins… non respectée.
- Entre mensonges et silences -
Venneta S., elle, parle de vacances et d’un premier transport. "Vous nous avez raconté n’importe quoi. C’est votre choix", tranche la présidente. Le tribunal ne croit pas à l’histoire de la "mule sacrifiée", palidée par la défense, pour couvrir des cargaisons plus importantes. Amende douanière de 19 050 euros, trois ans de prison ferme.
Nakib H. écoute distraitement son avocat plaider. Le parquet requiert dix mois de prison et la fin de son autorité parentale. La décision tombe : maintien en détention, interdiction de contact avec la victime. Nourdine S., lui, écope de deux ans fermes, interdiction de se présenter au domicile ou de contacter sa compagne pendant trois ans.
Quand la salle se vide, il ne reste que le bruit des chaises qu’on range et le parfum amer des histoires mal terminées. Un après-midi banal au tribunal, où les destins se croisent mais ne se ressemblent pas.
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