Depuis 1992, les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles peuvent contacter le numéro gratuit 3919 pour bénéficier d’une écoute, et recevoir des informations et une orientation vers des associations d’aide aux victimes. Si cette ligne est disponible 24h/24 depuis 2021, un problème persiste pour les femmes réunionnaises : le manque d’interlocuteurs créoles. Pour pallier ce problème, l’association Femmes solid’Air propose donc de créer une ligne d’écoute locale, pour pouvoir prendre en charge toutes les Réunionnaises nécessitant un accompagnement.
« Si le 3919 est disponible 24h/24, la barrière de la langue peut poser problème pour les victimes réunionnaises » souligne Shamia, du collectif Noustoutes974, qui soutient la démarche.
Les bénévoles de la plateforme 3919 parlant créole sont bien présents, mais « rien ne garantit qu’une personne sera disponible au moment de l’appel » observe-t-elle. « Ce n’est pas non plus précisé si ces personnes parlent le créole réunionnais ou un autre. »
Le collectif Noustoutes 974 pointe par ailleurs du doigt le manque de ressources à disposition des victimes qui contactent le 3919. « Il n’y a pas de partenariat entres les associations locales et le 3919, les interlocuteurs ne savent donc pas forcément vers qui diriger la victime qui les appelle » déplore Shamia.
Créer une ligne locale permettrait donc de mettre à disposition des victimes des interlocuteurs parlant couramment le créole, qui connaissent les réalités du terrain et les associations locales. « On peut aussi voir plus loin et proposer à terme des bénévoles qui parlent le shimaoré, ainsi que d’autres langues de l’océan Indien » dit-elle.
« Nous demandons un numéro d'appel local pour que les femmes et les enfants victimes de violences conjugales puissent être aidés en créole. Les langues régionales d'Outre-mer doivent être prise en compte au sein des lignes téléphoniques d’aides aux victimes comme le 3919 » écrit de son côté Femmes Solid’Air.
- 124 appels en 2021 -
Selon les chiffres de la Fédération nationale Solidarité femmes, qui gère la plateforme, 124 appels ont été recensés depuis La Réunion en 2021. « Avec l’extension du service au 24h/24, nous observons pour les DROM une augmentation du nombre de prises en charge entre 2020 et 2021 pour certains territoires tels que La Réunion » détaille la fédération dans son dernier bilan, alors que 84 appels avaient été recensés en 2020.
Mais si le nombre d’appels augmente, cela reste assez anecdotique en comparaison avec les chiffres des violences intrafamiliales à La Réunion : en 2022, 15% des Réunionnais étaient victimes de violences conjugales, soit environ 60.000 personnes.
« Il y a un véritable manque de connaissance de la population concernant le 3919, mais aussi concernant toutes les associations qui accompagnent les victimes » estime Shamia.
En plus de la création d’une ligne locale, les associations souhaitent donc une multiplication des campagnes de prévention. « Pour pouvoir dénoncer, il faut savoir reconnaitre les violences, et savoir vers qui se tourner » expose-t-elle.
Pour l’heure, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, et la cheffe du Service des droits des femmes et de l’égalité Hélène Furnon-Petrescu, ont été interpellées sur la question via une pétition, qui est restée sans réponse.
Noustoutes 974 souhaite aller plus loin désormais, en interpellant la préfecture, mais aussi les élus locaux tels que les député.es ainsi que les sénateurs et sénatrices.
- Les violences intrafamiliales, un véritable fléau -
La Réunion est le quatrième département le plus violent envers les femmes, avec 15% des femmes réunionnaises qui sont victimes de violences conjugales, soit trois fois plus que dans l’Hexagone.
Sur 11.208 victimes de violences en 2022, 5.656 l’ont été au sein du cercle familial, soit 1 personne sur 2. Les violences conjugales sont les plus représentées, composant 70% des VIF avec plus de 3.939 victimes sur 5.656. Globalement, les VIF ont augmenté de 16,7%.
30 bracelets anti-rapprochement ont été distribués, contre 11 en 2021 et 77 téléphones grave danger ont été attribués contre 41 en 2021. 35 ordonnances de protection ont été délivrées sur les 65 demandées, contre 24 en 2021.
En 2022, en moyenne 9 femme se sont présentées chaque jour pour dénoncer des violences conjugales, contre 7 en 2021. Une augmentation qui peut s’expliquer par une libération de la parole, mais pas suffisante pour expliquer la fulgurante ascension des violences sexuelles.
Deux féminicides, ainsi qu’une tentative de féminicide, ont marqué l’île l’an dernier. Un homme a aussi été tué par sa compagne. Neuf tentatives d’homicide ont eu lieu au sein des familles.
Le 30 janvier 2023, un homme a été abattu par la police après avoir attaqué à coups de couteau l’oncle de son ex-compagne. Âgé de 76 ans, le gramoune s’était interposé alors que le mise en cause menaçait de mort son ex-compagne.
Si vous souhaitez encourager cette campagne, rendez-vous ici pour signer la pétition.
*Si vous êtes victime de violences intrafamiliales, plusieurs ressources sont disponibles : le 3919, mais aussi de nombreuses associations locales à retrouver sur ce lien
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