Dans les Hauts de Sainte-Anne, Marie-Nicole Lebon cultive des tomates et du melon sous serre depuis 2020. Le 29 février 2025, le cyclone Garance ravage son exploitation et détruit ses structures, laissant l'agricultrice sans fruits et légumes à récolter et sans outil de travail. Sans revenus, elle survit grâce aux colis solidaires et aux aides alimentaires en attendant d'être indemnisée. (Photos sly/www.imazpress.com)
À quelques virages au-dessus de Saint-Benoît, le soleil brille lorsqu'on arrive sur la propriété de Marie-Nicole Lebon, située Chemin Ceinture. C'est avec un sourire timide, mais bien présent, qu'elle vient à notre rencontre, sa fille de 4 ans lui emboîtant le pas. "Bienvenue a zot ! Je suis désolée de vous montrer des champs dans cet état", elle s'excuse. "J'aurais préféré vous accueillir dans d'autres circonstances".
Derrière elles, c'est un paysage de désolation qui nous fait face : les quatre serres de l'exploitation tiennent à peine debout. Détruites par Garance en février dernier, les structures métalliques abritent quelques pieds de tomates et courge butternut, replantés après le cyclone dans l'espoir de faire repartir la production.
- Une perte qui s'élève à plus de 350.000 euros -
"Le 27 février, on avait encore deux serres de tomates en récolte et deux serres de melons en plantation. Deux jours plus tard, on est arrivé sur site et on avait tout perdu", se souvient la mère de deux enfants, émue. Soit plus de 100.000 euros de perte en cultures et près de 250.000 euros en investissement, dont encore 70.000 de dettes à rembourser. "C'était le désarroi. Pour Belal, les bâches n'avaient pas connu de dégât. Alors je pensais que ça irait pour cette fois".
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Les jours et semaines qui suivent, c'est la descente aux enfers. "Comment va-t-on remonter la pente ?", "Vers qui se tourner ?"... Autant de questions qui ont tracassé Marie-Nicole et son époux. Écoutez.
Exploitante agricole depuis 2011, elle faisait du maraîchage en plein champ à la Plaine des Cafres : "Je plantais des pommes de terre, des courgettes, des artichauts et un peu de choux".
En 2020, alors que son mari hérite d'un terrain de 2.500 m², Marie-Nicole en profite pour développer son projet de culture sous-abri, plus précisément de melon, de tomate et de poivrons, en saison.
Résiliente, la mère de famille a tenté de rebondir, dès le lendemain du cyclone. "On a essayé de rafistoler les structures mais c'est du sur-mesure. On a donc coupé la ferraille qu'on pouvait pour travailler en sécurité", raconte Marie-Nicole. "On a essayé de remettre les gouttières en place, puis les sacs de culture. On avait encore quelques graines, alors on a tenté de replanter. Mais comme l'exploitation n'est plus sous-abri, on doit composer avec les conditions météorologiques".
Depuis février, l'agricultrice a pu produire près de 300 euros de concombre, 150 euros de citrouille et 500 euros de melon. Un total d'environ 950 euros de fruits et légumes, dans une serre de 1.750 m², où elle aurait pu retirer un revenu d'environ 9.000 euros en temps normal. Écoutez.
- "J'essaie d'être courageuse pour mes filles" -
Au milieu de ce qu'il reste de ses champs, Marie-Nicole se confie. Cela fait maintenant trois mois que ses factures et échéances de crédit sont en attente. "J'ai une facture d'eau de 1.000 qui va sortir, il faudra bien la payer", elle siffle. "Je ne pourrai le faire qu'une fois les aides versées. Là, je paierais toutes les charges, toutes les factures et seulement ensuite je verrai si je peux racheter des graines pour pouvoir relancer l'exploitation".
Elle compte désormais sur les aides sociales pour nourrir sa famille. "On vit de colis alimentaires et de passages à l'épicerie solidaire. On y prend du riz, des pâtes et de la sardine", elle précise. "Parfois j'ai envie de tout arrêter, mais j'essaie d'être courageuse pour mes filles. C'est dur mais il faut nourrir les enfants".
Concernant les aides financières de l'État, le dossier est constitué depuis le mois de mars mais les fonds ne sont toujours pas débloqués. "J'ai été suivie par la Chambre d'Agriculture et on a jugé que mon cas était une priorité. J'ai donc intégré la cellule "Réagir", mise en place pour les agriculteurs les plus touchés. Mais vu les délais de traitement, ils devraient revoir le nom de leur dispositif", désespère la mère de famille.
Alors que des équipes du Conseil départemental sont venues constater les dégâts, ni le Département, ni la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DAAF) n'ont apporté de solution à Marie-Nicole. "Le président de la Chambre d'agriculture de La Réunion et celui des Chambres d'agriculture France sont venus sur mon exploitation", elle raconte. "On m'a dit de ne pas m'inquiéter mais jusqu'à présent : rien".
- Des serres assurables mais pas assurées -
Si l'exploitante espère être remboursée pour la perte de ses cultures, elle sait que la DAAF n'indemniserait pas les pertes de fonds, liées à la destruction de ses serres. La raison : ces structures sont assurables. Mais à La Réunion, aucune compagnie d'assurance ne semble vouloir prendre cette responsabilité. Écoutez.
Déjà fragilisé par la perte totale de son exploitation, le moral de Marie-Nicole en prend toujours un coup quand les gens pointent du doigt les agriculteurs, après l'augmentation des prix des fruits et légumes.
"Je suis en colère. Je vends mes tomates au marché de gros ou aux coopératives à bas prix et elles sont revendues 5 fois plus chères. Après, ce sont les agriculteurs qu'on accuse", se révolte l'exploitante agricole. Écoutez.
"Je croise les doigts pour que les cultures que j'ai remises en terre rapportent un peu d'argent", espère Marie-Nicole. "Ça va dépendre du temps : s'il ne pleut pas trop, il n'y aura pas trop de maladies et on pourra en retirer quelque chose".
Mais cela ne suffira pas à remettre l'exploitation sur pied. Résiliente, l'agricultrice compte les jours avant de pouvoir repartir à zéro et peut-être reconstruire une serre.
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