Après le passage de Belal

Fruits et légumes rares et chers... l’agriculture réunionnaise (toujours) sinistrée

  • Publié le 20 février 2024 à 12:11

Le 15 janvier 2024, le cyclone Belal frappait La Réunion, le 24 janvier, c'est la tempête tropicale Candice qui apporte de fortes pluies sur l'île. Peu de temps après, un nouvel épisode pluvieux s'abat sur le sud du département. Des pluies et des vents forts qui ont rendu les cultures méconnaissables. La filière agricole peine à relever la tête. Fruits et légumes, lorsqu'ils sont présents, font grise mine sur les étals. Une vraie difficulté pour les agriculteurs qui sont à quelques jours de l'ouverture du Salon international de l'agriculture à Paris (Photo d'illustration : sly/www.imazpress.com)

Amateurs de courgettes, comptez 11,99 le kilo dans un supermarché du nord de l'île. Pour les grosses tomates ou tomates grappe, c'est 8,95 euros le kilo en grande surface. Pareil pour les brèdes chouchou dont le prix est de 2,80 euros en supermarché et 2 euros sur le marché forain.

Les quelques petites feuilles de salade sont elles à 1,50 en grande surface et parfois 2 euros au marché. Les carottes péi frôlent quant à elle les 5 euros le kilo dans les grandes enseignes pour 3 euros au marché.

Autres produits dont les prix s'affolent, le chouchou à 8,85 euros dans un supermarché de l'ouest. Ou encore le chou à 7,90 euros, le gingembre à 10,90 euros et le gros piment à 8,95 euros dans une grande enseigne du nord de l'île.

Sur le marché de gros, "on a du mal à trouver acheteurs et vendeurs est les prix se sont envolés", précise Jean-Michel Moutama, président de la CGPER.

- Belal laisse derrière lui des champs défigurés -

On le sait, depuis le passage du cyclone sur notre île, les productions des agriculteurs ont été ravagées. Dans le sud, Danylo Taïlamé, agriculteur et président de l'association des producteurs et fermiers du Grand sud, lâche : "fruits, légumes, fleurs, on n'a plus rien".

"Ma serre de 2.000 mètres carrés a été cassée", emportant avec elle les roses que le producteur cultivait pour la Saint-Valentin. Dans cette filière horticole les pertes s'élèvent à 4,6 millions d'euros. Danylo Taïlamé mise sur une reprise pour la fête des mères en mai, "en espérant qu'il y ait des semences et surtout pas de nouveau cyclone."

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"On a tout de même un peu de production avec des tubercules notamment qui ont pu résister, ce qui permet d'avoir un peu de trésorerie", ajoute l'agriculteur du sud.

Même constat chez ses collègues du sud. "Au niveau du groupement on a des marchés de producteurs deux fois par mois. On a dû annuler jusqu'au mois d'avril, le temps que les nouvelles récoltes arrivent", dit-il.

Jean-Bernard Payet, lui aussi planteur dans le sud, renchérit, "la production est difficile à relancer". Sa plantation a été coupée en deux par le passage des fortes pluies.

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Selon la Chambre d'agriculture, et rien que pour Belal, "l'impact dévastateur se chiffre à une somme totale et colossale de 36,5 millions d'euros pour les cultures végétales et les productions animales".

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"Il est important de souligner que cette évolution ne prend pas en considération les dégâts potentiels sur la canne à sucre dont l'évaluation complète sera effectuée à la clôture de la campagne", précise Éric Lucas, technicien à la Chambre.

Ces chiffres "mettent en lumière les défis économiques imminents auxquels le secteur agricole est confronté, soulignant la nécessité d'une réponse rapide et efficace pour atténuer les conséquences de cette crise" ajoute-t-il.

Le formulaire est disponible en ligne sur le site de la DAAF via le lien ci-dessous.

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- Les agriculteurs de retour aux champs... -

La Chambre d'agriculture conseille aux agriculteurs de monter rapidement leur dossier de reconnaissance de calamité agricole. "Les critères établis par la DAAF (direction de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt) pour la reconnaissance de la calamité agricole sont moins stricts que ceux nécessaires pour une classification en catastrophe naturelle, laquelle requiert notamment des vents dépassant les 200 km/h", indique la Chambre verte.

Mais même si les dossiers sont montés et envoyés pour indemnisation, il faudra du temps avant que les potentielles indemnisations arrivent. En attendant, les planteurs tentent tant bien que mal de faire repartir leurs cultures.

"Les producteurs sous serres ont rapidement remis en place leurs cultures, sauf si la bâche a subi des dommages majeurs. Ils espèrent sauver certaines culture. Cela même si le taux de réussite est faible, notamment pour les plants exposés au cyclone en plein air, ils sont difficiles à récupérer", indique Éric Lucas. Le souci "est qu'il faut qu'ils aient la trésorerie pour réparer les serres", dit-il.

"Les agriculteurs en plein champ ont réagi rapidement en replantant des parcelles, privilégiant des cultures à cycle rapide comme les brèdes et les salades pour générer des revenus rapidement. Cependant, cela pourrait entraîner une surproduction de brèdes et de salades début avril" détaille le technicien.

"Pour ma part je n'ai pas encore recommencé à planter. Il faut d'abord nettoyer et surtout trouver des plants, des semences et des bâches pour les serres", explique Danylo Taïlamé, producteur de bringelles, tomates, haricots et salades.

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- ... mais avec peu de semences -

Le retour à la normale pourrait donc être freiné par une pénurie de semences et de plants maraîchers. L'arrivée de ces intrants est compromise en raison du conflit en mer Rouge.

Les attaques des Houtis sur les bateaux de l'occident en représailles contre les bombardements d'Israël sur Gaza et la riposte de la Marine américaine, ont contraint les navires marchands à éviter le canal de Suez. Les cargos passent par le Cap de Bonne Esprérance ce qui rallonge considérablement le voyage et donc les dates de livraison.

À condition qu'il n'y ait pas de nouveaux épisodes de fortes pluies et de cyclones, un retour à la normale sur les étals péi est envisagé pour le mois de mai. Les agriculteurs restent vigilants face aux conditions météorologiques.

- Concurrence "déloyale" de l'importation -

En attendant un retour à la normale, c'est l'importation qui prend le pas sur les produits locaux.

Une importation qui, hors période de pénurie due au cyclone, est souvent qualifiée de "concurrence déloyale" par les planteurs. D'autant "qu'on importe aussi des produits sur lesquels on a mis des molécules de pesticides qui pourtant sont interdites pour nous agriculteurs en France" s'insurge Danylo Taïlamé.

Une problématique que la Chambre et les agriculteurs s'engagent à faire remonter lors du 60ème Salon international de l'Agriculture qui aura lieu à partir du 23 mars à Paris.

Si les syndicats ont pris acte des aides d'urgence annoncées, cela ne suffit pas selon eux pour répondre au malaise profond des agriculteurs. Les agriculteurs sont "prêts à repartir à l'action" si les réponses ne sont "pas au niveau des attentes, qui sont très fortes", a mis en garde le patron de la puissante FNSEA.

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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