Depuis 1987, le 11 octobre est considéré comme la journée internationale du coming out, c’est-à-dire de l’annonce de son orientation sexuelle ou identité de genre à son entourage. Moment douloureux pour certains, événement heureux pour d’autres, le coming out revêt de nombreuses formes. A La Réunion, où le poids de la religion et du regard des autres peuvent encore se faire ressentir, les personnes LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers, intersexes et asexuelles) commencent petit à petit à se faire entendre. Quatre personnes ont accepté de témoigner pour Imaz Press Réunion (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com)
« Je n’ai jamais vraiment eu besoin de faire de coming out. Pour tout le monde, ça a toujours été inscrit sur mon front que je ne suis pas hétérosexuel » plaisante Guillaume, étudiant aux Beaux-Arts de 23 ans.
« Pour ma famille comme pour mon entourage, cela a plus ou moins été une évidence, on ne m’a jamais posé la question. C’est quand je leur ai annoncé que je ne suis pas gay, mais bisexuel, que cela a été plus compliqué. Pour beaucoup, l’orientation sexuelle est binaire : on est soit gay, soit hétéro, mais on ne peut pas aimer les deux » explique-t-il.
« Je n’avais pas vraiment les mots pour décrire ce que j’étais, j’ai simplement annoncé que j’aimais les filles comme les garçons. Je me souviens de la première fois que j’ai annoncé aimer une fille vers mes 13 ou 14 ans. Mes parents m’ont dit « ah mais tu es hétéro en fait ». Le concept de bisexualité les dépassait complètement » se rappelle-t-il.
« Finalement, au lycée, j’étais catégorisé comme le gay de service, j’ai donc dû faire un coming out à l’envers pour dire que je n’étais pas gay mais bi, c’était un peu étrange » raconte-t-il.
Une expérience partagée par Raadj, lui aussi étudiant aux Beaux-Arts. « Pour certaines personnes, quand on annonce être bisexuel, c’est une façon pour nous de ne pas assumer d’être gay » observe le jeune homme de 22 ans. « Les gens m’ont souvent dit qu’un homme qui se dit bisexuel est un gay refoulé, qui n’assume pas son homosexualité et se cache derrière la bisexualité » abonde Guillaume.
Comme pour Guillaume, l’étiquette de personne gay lui a rapidement été assignée, notamment à l’école. « J’ai subi du harcèlement au collège, il faut bien le dire » confie-t-il. « Pour mon coming out, la seule personne qui importait, c’était ma mère. Je lui ai écris une lettre à mes 18 ans, quand je suis tombé amoureux d’un garçon, pour lui dire que je suis bisexuel» raconte-t-il.
Issu d’une famille catholique afro-descendante, au mélange malbar, malgache, la religion reste très ancrée chez ses proches. « Le catholicisme, et donc l’homophobie, est vraiment ancrée. Et si ma mère est un peu déconstruite, elle avait plus de facilité à accepter l’homosexualité chez les autres. Elle n’a pas mal réagi, mais elle n’a pas bien réagi non plus » détaille Raadj. « Aujourd’hui ça va bien, je n’ai plus ce masque social que je portais même à la maison. C’était essentiel pour moi, ma mère étant quelqu’un que j’admire énormément. »
Un cheminement qui peut prendre du temps. « Fût un temps où j’avais beaucoup d’homophobie intériorisée, je ne supportais pas les hommes très efféminés, bien que je le sois moi-même » se rappelle Raadj. « C’est en rentrant dans la sphère LGBTQIA+ de La Réunion que j’ai commencé à déconstruire tout ça. Aujourd’hui je suis beaucoup plus à l’aise avec ma sexualité grâce à ça, je ne ressens plus le besoin de m’adapter selon que je sois avec un garçon ou une fille. »
- "On a toujours un peu le regard au-dessus de son épaule" -
Les associations de terrain participent grandement à la visibilisation et la sensibilisation sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre depuis quelques années. « Elles ont un impact énorme. Quand j’étais plus jeune, cela n’existait pas, et je me sentais seul. J’ai subi mon orientation sexuelle car elle était évidente aux yeux des gens, ils m’ont catégorisé avant même que je sache moi-même que j’étais bisexuel. Les autres personnes LGBTQIA+, qui rentraient dans les normes hétérosexuelles, restaient dans leur coin sans s’afficher » confie Raadj.
« Les événements organisés par les associations permettent de montrer aux jeunes qu’ils ne sont pas seuls, qu’il y a des lieux où ils seront acceptés sans avoir peur du regard des autres. Les mentalités évoluent, mais la peur de se faire agresser subsistent dans la vie de tous les jours » explique-t-il.
Une anxiété qui impact finalement le comportement de certain.es dans la vie de tous les jours. « Cela fait quatre ans que je suis en couple avec un homme, mais dans l’espace public, nos marques d’affection sont assez rares. On a toujours un peu le regard au-dessus de son épaule, on a toujours une crainte d'on ne sait quoi. Je fais en sorte de m’exposer le moins possible, sans me cacher pour autant » explique Clément*, âgé de 33 ans.
C’est assez tardivement que ce dernier a fait son coming out auprès de sa famille. « J’ai su dès l’adolescence que je n’étais pas hétérosexuel, mais j’avais 30 ans quand je l’ai annoncé à ma mère. C’était la seule personne à qui j’ai vraiment souhaité le dire, et dont j’appréhendais la réaction. Elle l’a heureusement très bien pris quand que je lui ai annoncé être en couple avec un homme » explique Clément, qui ne se définit dans aucune case. « Ca a été un moment fort, où elle m’a finalement dit que ce qui importait était mon bonheur.»
Avant elle, ses amis ont été les premiers au courant. « J’étais en Métropole, et je ne leur ai pas vraiment annoncé quoique ce soit, ils m’ont juste vu avec un homme un jour, j'étais d'ailleurs un peu mal à l'aise. C’était un milieu plus ouvert, plus libertaire, où j’avais des amis qui s’assumaient complètement et que j’enviais d’une certaine façon » se rappelle-t-il. "Pour le reste de ma famille, j'ai une tante qui a vraiment été surprise et j'ai vu dans son regard une sorte de jugement, mais finalement je ne lui demandais pas son avis : c'est une information que je lui donnais, qu'elle l'accepte ou non".
« Je n’ai jamais subi d’homophobie, mais j’ai déjà entendu des témoignages terribles de personnes qui se font rejeter par leur famille, ou agresser extrêmement violemment. Ça force à se poser des questions, et à appréhender le jour où on pourrait tomber nous aussi sur une personne homophobe » témoigne Clément.
- Des associations de terrain pour sensibiliser -
Si certains coming out se déroulent dans des situations dramatiques, où rejet et violence peuvent se manifester, d’autres peuvent se passer extrêmement bien. Pour Liam, jeune homme transgenre, la transition s’est faite avec facilité. « Je me questionnais depuis un moment concernant mon identité de genre, et ma mère le savait. Quand je lui ai annoncé vouloir transitionner, j’avais 18 ans, mais ce n’est pas arrivé du jour au lendemain » explique-t-il.
« Je l’ai fait par téléphone, habitant en Allemagne à ce moment-là, je ne pouvais pas attendre plus longtemps. Il y a bien sûr eu un petit temps d’adaptation, mais ça s’est globalement très bien passé, ma famille et mes proches sont très ouverts d’esprit ».
A son retour à La Réunion, après sa transition, il n’a pas rencontré de difficulté particulière, que ce soit auprès de ses proches ou même de son établissement scolaire. « Quand j’ai réintégré mon lycée où j'avais déjà passé deux ans avant ma transition, on m’a beaucoup accompagné, je n’ai pas eu de problème pour être genré correctement ou pour mon changement de prénom. On m’a même demandé de prendre sous mon aile un autre élève transgenre. Je sais qu’il y a beaucoup d’établissement où ce ne se passe absolument pas comme ça. »
S’il subi parfois des regards insistants, il n’a - heureusement - jamais subi de transphobie agressive. « Ça peut être un peu compliqué, mais en général cela se limite à une incompréhension face à mon genre, sans que cela devienne agressif. Je peux voir dans l’interaction qu’ils ne comprennent pas pourquoi je leur dis que c’est monsieur et non madame, mais on ne me pose pas de question envahissante » raconte-t-il.
Pour faire face à un espace public où on ne sent pas toujours en sécurité, plusieurs associations se sont créées ces dernières années. En 2021, le centre LGBTQIA+ de l’océan Indien a ouvert ses portes à Saint-Denis. « C’est un milieu que je ne connaissais pas du tout. J’ai récemment fait une soirée queer, et j’ai découvert ce sentiment de liberté, de pouvoir embrasser mon copain sans avoir peur de la réaction des autres. C’est quand même hyper agréable de pouvoir s’affranchir de la potentialité d’une agression » dit Clément.
« C’est une sorte de famille, où l’on peut vraiment être soi-même » témoigne Raadj. « Dans un monde idéal, on ne devrait pas avoir à faire de coming out » conclut-il.
Pour les personnes se questionnant sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, ou cherchant des ressources, il est possible de se rapprocher des associations Requeer et Orizon.
* prénom d'emprunt
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