Jeudi 1er septembre 2022, 72 policiers sont arrivés tout droit de Métropole. Ils sont affectés dans l'île. Parmi eux se trouvaient une majorité de policiers réunionnais exerçant en région parisienne depuis une dizaine d'années. L'arrivée de ces renforts est vécue par les syndicaux de la police locaux comme "la satisfaction d'une attente depuis longtemps formulée pour assurer la sécurité des habitants". Pour les policiers réunionnais ce retour au pays est vécu comme "un rêve auquel ils n'osaient plus croire" (Photo d'illustration : rb/www.ipreunion.com)
Dany Françoise, 43 ans et gardien de la paix. Originaire de Saint-Louis, il a exercé en région parisienne pendant 18 ans. Il fait partie des policiers arrivés ce jeudi. "Après autant d'années à travailler en Métropole, exercer sa profession chez soi, sur son île, ça n'a pas de prix", avoue le gardien de la paix muté au commissariat du Port.
"Au début, j'avais une formation de manager dans l'agroalimentaire", relate-t-il à Imaz Press. Pour des raisons économiques, il décide de passer un concours dans la police nationale en 2002. Il sait qu'en de réussite il devra faire ses bagages pour l'Hexagone, mais il ne "perd jamais espoir de revenir".
"J'étais jeune, j'ai passé un concours national alors oui je savais qu'il fallait partir", confie-t-il. "On dit que les voyages forment la jeunesse, moi je voulais me former pour mieux revenir", explique Dany Françoise. "J'ai pris l'avion pour la première fois le 1er janvier 2004", se souvient-il. Il intègre l'école de police de Carcassonne. Il laisse derrière lui famille et amis. Sa conjointe le rejoindra à Paris à la la fin de ses études.
Ce départ symbolise le début d'une nouvelle vie, mais aussi beaucoup de "sacrifices". Faire le choix d'exercer un métier "sur un territoire inconnu et à plus de 11.000 kilomètres de chez soi, c'est aussi s'habituer à l'éloignement de son île natale et à celui de sa famille". "On est absent pour tout", tranche-t-il. "On n'est pas là pour les bons moments en famille, ni pour ceux où l'on a besoin de ses proches", confie Dany Françoise en évoquant les mariages mais aussi les décès survenus dans son entourage proche.
Cet éloignement familial, Karine Cologon, bénédictine de 37 ans, l'a aussi vécu. "Quitter son chez soi, ce n'est pas facile mais lorsqu'on est jeune, on a envie de quitter le nid même si on sait qu'en partant on sera déraciné" dit-elle. Partie alors qu'elle avait 20 ans, elle revient sur son île natale après 17 années de service en Métropole. A ses débuts dans la police nationale à Paris, elle était "beaucoup affectée sur la voie publique". En 2015, après avoir passé un concours, elle décroche le grade d'enquêtrice. Elle rejoint une unité judiciaire.
Nouvellement mutée à La Réunion, au commissariat de Malartic à Saint-Denis, elle se dit "chanceuse" car "il y a encore beaucoup de Réunionnais qui aimeraient rentrer chez eux". Elle positive : "c'est difficile, certes. Mais tout expérience professionnelle est bonne à prendre", assure l'enquêtrice. "On rencontre des collègues, des situations qui sont enrichissantes autant personnellement que dans le cadre de ses fonctions", affirme-t-elle.
Dany Françoise comme Karine Cologon s'accordent sur un point : "on sait que lorsque l'on part, c'est pour au moins 10 ans". Les classements de mutation étant complexe, les demandes sont difficilement accordées. "J'ai fait une demande pour être muté à La Réunion tous les ans", indique le gardien de la paix Françoise. "Après, c'est difficile étant donné que cela dépend du service dans lequel on travaille, du nombre d'année, du secteur…", précise-t-il.
Il ajoute : "Une autre contrainte dans notre métier, c'est que lorsque l'on monte de grade, on est rattaché à notre région administrative pendant encore trois ans". Dany Françoise indique avoir fait le choix de rester gardien de la paix "pour au moins avoir une chance de rentrer chez moi un jour".
Être policier à La Réunion ou à Paris c'est être policier, même si le contexte est "un peu" différent, mais "cela ne sera pas plus facile ici", fait savoir Karine Cologon. "Notre expérience nous servira et nous renforçons les effectifs déjà présents. La crise des gilets jaunes, la hausse de la délinquance, des violences intrafamiliales, des trafics de drogue montrent bien que nous ne serons pas de trop sur le territoire réunionnais", souligne-t-elle.
- Un renfort d'effectifs tant "attendu" -
Si parmi les forces de l'ordre fraîchement débarqués, plus des deux-tiers sont réunionnais cela s'explique peut-être par la prise en compte des centres d'intérêts moraux et matériels instaurés par la loi de mars 2017. Ces centres d'intérêts permettent aux fonctionnaires ultra-marins d'obtenir une priorité légale d'affectation dans leur territoire d'origine.
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Du côté des syndicats de police nationale réunionnais, la venue de ces collègues est une bonne nouvelle. "On s'en réjouit", indique Marc Lesage, adjoint de l'Usap O.I. "Nous passons de 740 policiers en 2016 à environ 900 aujourd'hui", souligne ce dernier. Une hausse des effectifs qu'il qualifie de "beau progrès permettant de combler les services en carence et de les remettre à flots et de créer d'autres services". "Dès septembre, une nouvelle compagnie départementale d’intervention de la police nationale sera créé sur Saint-Pierre pour effectuer des services de nuit", précise-t-il.
Les trois syndicats de police nationale, Police SGP Force Ouvrière, Usap O.I et Alliance Police nationale 974 expliquent que "l'arrivée de la compagnie départementale d'intervention au Sud de l'île permettra de renforcer les négociations que nous avons entamé pour le redéploiement "police-gendarmerie" sur les villes de Saint-Louis, le Tampon, voire de Saint-Joseph en vue du projet de développement du grand sud".
Idriss Rangassamy, secrétaire départemental d'Alliance police nationale 974 annonce notamment que "19 fonctionnaires rejoindront de manière pérenne les rangs du commissariat de Saint-Pierre avec pour missions d'assurer la sécurité du quotidien et d'être une force d’intervention rapide". Il ajoute que ces policiers " travailleront avec les différents services de la police nationale et les policiers municipaux puisqu'un partenariat a été signé avec la ville de Saint-Pierre". La mise en place des patrouilles mixtes "police nationale - police municipale" sera donc effectives.
Le syndicat Alliance police nationale 974 se dit également "satisfait d'avoir été entendu" puisque 5 enquêteurs supplémentaires sont arrivés dans le département afin de "renforcer le service de la sûreté départementale avec pour principales missions la lutte contre les trafics de stupéfiants".
Si les trois syndicats estiment que l'arrivée de ces policiers "au profil intéressant avec des compétences dans le judiciaire, les stupéfiants et les violences intrafamiliales" est bénéfique, SGP Police FO tient à nuancer le propos.
"Ce sont en réalité une cinquantaine de personnes qui sont arrivées en effectif supplémentaires si l'on tient compte des départs à la retraite, des fins de contrats et des déficits existants", précise Gilles Clain secrétaire départemental de l''unité SGP police force ouvrière. "Nous apprécions leur arrivée qui s'accordent avec les missions supplémentaires, tels que la lutte anti-rodéo, la lutte contre les stupéfiants et les violences intra-famiales attribuées par Monsieur Darmanin, ministre de l'Intérieur", souligne celui-ci.
"Nous attendons toujours la construction du nouveau commissariat du Port et l'arrivée des chiens spécialisés dans la recherche d'explosifs", conclut Gilles Clain.
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