Nous sommes actuellement à la mi-juillet. Au large, les baleines font déjà leur show, certaines laissant apercevoir leurs caudales. Toutefois, à l'inverse de l'année où des records ont été battus – 1.156 individus uniques observés – cette saison, les géantes des mers se montrent plus timides. Si les cétacés se font pour le moment plus rares, les navires et plongeurs qui les observent eux… n'ont pas diminué, bien au contraire. Mettant une pression constante sur les baleines dont certains viennent de mettre bas. Une affluence qui pourtant ne fait pas changer la règlementation en termes d'approche des baleines. Une prise de position de l'État qui interroge, alors que nombreux sont ceux qui alertent sur les risques que fait peser cette pression sur les cétacés (Photos : www.imazpress.com)
Lors d'une conférence de presse qui s'est tenue ce mardi 16 juillet à Saint-Paul, c'est d'ailleurs l'approche des baleines dont il était question entre les services de l'État (sous-préfecture, DMSOI – direction de la mer sud et de l'océan indien, DEAL – direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement), les associations Globice, Quiétude et même Kélonia.
"La saison des baleines s'ouvre tardivement et l'on s'aperçoit que contrairement à l'an dernier les baleines sont là mais pas forcément autant", débute le sous-préfet de Saint-Paul, Philippe Malizard.
La question se pose donc de la cohabitation entre les plaisanciers et cette faune marine.
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- Moins de baleines, plus de pression... mais pas de changement dans la règlementation -
L'année dernière fût une année exceptionnelle "avec beaucoup de baleines, ce qui a permis une approche plus facile, moins agressives", indique le sous-préfet.
"Ce qui n'est pas forcément vrai cette année car si le groupe est moins important mais avec la même pression, cela n'a pas les mêmes effets sur les populations des baleines ou des dauphins", ajoute-t-il.
D'où une question légitime : s'il y a moins de baleines et plus de pression, pourquoi ne pas faire évoluer la réglementation d'approche comme le soulignent des associations et des professionnels de la mer à l'instar du gérant de Scubananas (centre de plongée). "Cela fait 13 ans que je suis en activité et alors qu'avant on avait 10 bateaux à l'eau là c'est une cinquantaine et vraiment il faut poser un cadre avec des contrôles."
Si l'on pouvait s'attendre à ce que l'État – bien conscient le dit-il du risque qui pèse sur les cétacés – adapte la règlementation pour qu'elle puisse souffler - au sens propre comme au sens figuré – en toute tranquillité, il n'en n'est rien.
"Aujourd'hui on considère qu'il est trop tôt pour prendre position. On attend la fin de la saison pour décider", précise Philippe Malizard. Ajoutant "qu'il n'y aura pas de prise de décision, sauf incident grave qui nécessiterait une réaction urgente pour faire évoluer la règlementation".
Et pourtant, de l'autre côté, le sous-préfet reconnaît qu'il y a "une pression progressive, croissante". "Avec ceux qui respectent les animaux et s'approchent en respectant des distances et ceux peu respectueux qui s'approchent trop et cela pose problème car l'on crée un lien pas forcément souhaitable pour ces espèces qui apprivoisent l'humain".
L’arrêté préfectoral du 7 juillet 2021 (n°2021-1306) comporte des règles précises de distance, de vitesse d’approche, de jauge de fréquentation et d’horaires d’observation.
- Une pression aux risques indéniables sur les cétacés -
Une réponse qui peut paraître étonnante, alors que la pression risque de peser sur les quelques baleines qui seront présentes à La Réunion cette année.
"La difficulté aujourd'hui c'est l'exploitation commerciale de cette chance d'avoir ces animaux chez nous et forcément ça provoque une attente chez le client et on peut trouver un déséquilibre entre les flottes de bateaux et les ressources. Donc si le nombre d'animaux est plus faible cela va accroître la pression sur eux", lance Jean-Marc Gancille, chargé de communication et de sensibilisation chez Globice.
"Depuis le début de la saison on relève des comportements qui ne sont pas en adéquation avec le respect des animaux et de leur observation", note Jonathan du CEDTM (Centre d'études et de découverte des tortues marines).
"On a même observé une baleine faire des manœuvres pour convaincre l'humain de s'éloigner de son baleineau, sans agressivité", relate Charline Fisseau, chargée du pôle "science" au CEDTM.
"Ce caractère de répétition des observations sur ces individus aura forcément un impact sur les mères qui sont là pour mettre bas et sur le baleineau qui – alors qu'il doit prendre quatre tétées par jour pour prendre 70kg/jour – ne pourra pas s'alimenter correctement car il sera sans cesse sollicité", alerte-t-elle.
"Il faut trouver un compromis sans que nous y perdions tous et sans mettre plus de pression sur les baleines alors qu'elles sont déjà soumises au réchauffement climatique car sinon on sera tous perdants", alerte Jean-Marc Gancille.
"En même temps, la qualité de l'observation s'améliore et que les commerciaux et plaisanciers ont conscience de ces besoins, mais quantitativement le nombre de bateaux et de pratiques autorisés sur le plan d'eau posent problème", ajoute-t-il.
Pour l'année 2023, 1.156 individus uniques ont été observés dont 530 grâce au programme Kodal de Globice.
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- Les tortues également victimes du flux de bateaux -
Et qui dit moins de baleines, alors que les bateaux sont toujours plus nombreux, signifie également un risque pour une autre espèce de La Réunion, les tortues marines.
Encore il y a peu de temps – le jeudi 11 juillet – l'une d'elles a été percutée par un bateau. Une blessure à laquelle la tortue ne devrait pas survivre.
"Le chiffre ne diminue pas malgré les efforts et la sensibilisation", déplore le CEDTM. D'autant que parmi les tortues blessées, se trouve Emma, l'une des seules tortues vertes pondeuses à La Réunion.
"Il y a eu également un autre cas dramatique d'une tortue percutée mortellement alors qu'elle était prête à pondre."
- Des contrôles qui seront renforcés -
À défaut d'adapter la charte d'approche des baleines, l'État et la DMSOI l'assurent, les contrôles seront renforcés.
"Il y a des comportements de certaines personnes en bateau qui ne respectent pas la vitesse et blessé grièvement voire mortellement des tortues. Des mesures seront prises pour protéger ces espèces-là", indique Philippe Malizard.
"On aura un plan de contrôle annuel sur l'environnement marin avec cinq services de contrôle en mer qui pourront faire une moyenne de huit missions par semaine sur zone", explique la DMSOI.
De plus, "La Réunion bénéficie d'une navette en plus qui permettra d'attraper les navires plus rapides".
Des contrôles de prévention, de sensibilisation, d'explication et même de verbalisation.
Ces verbalisations pouvant aller jusqu'à la suspension du permis côtier d'un à quatre mois et des amendes pouvant aller de 200 à 700 euros.
En 2023, 15 procédures ont été notifiées, dont 11 suspensions de permis bateau.
Le CEDTM tient d'ailleurs à rappeler qu'il existe en ligne des formations gratuites – la formation Omega – qui explique l'approche et la navigation.
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J'ai eu le plaisir il y a quelques années de voir les baleines avec un bateau qui respectait la charte, bateau de l'aquarium me semble t'il et malgré la distance, cela reste un souvenir inoubliable. Il est clair que si les baleines sont constamment sous pression, elles vont chercher un autre passage et vont déserter la Réunion comme précédemment. Les têtes pensantes devrait réfléchir un peu à l'avenir ainsi qu'au bien être de ces mammifère cétacé et faire rapidement le nécessaire si vous voulez continuer à voir le magnifique bal des baleines .
Lamentable. Comme toujours priorité au profit et au surtourisme plutôt qu’au respect de la nature, malgré les beaux discours.