Observation des cétacés

On voulait sauver la baleine, on sauvera finalement le business

  • PubliĂ© le 13 juin 2019 Ă  02:28
  • ActualisĂ© le 13 juin 2019 Ă  06:55
baleines

AprĂšs une consultation citoyenne qui aura durĂ© 7 jours, le verdict concernant le projet d'arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral sur l'approche des baleines est tombĂ©. Il n'y aura finalement pas d'interdiction de baignade l'aprĂšs-midi. Cette mesure - pourtant la plus forte - faisait partie de l'arrĂȘtĂ© mis Ă  disposition du public sur internet. Sans elle, le texte dĂ©finitif est surtout une reprise de la charte d'observation et d'approche des cĂ©tacĂ©s dĂ©jĂ  mise en place. Version officielle : limiter la mise Ă  l'eau jusqu'Ă  13h Ă©tait prĂ©maturĂ© et risquait de provoquer une surcharge des sorties le matin. Version officieuse : il semble bien que ce soit surtout le business des sorties baleines qui ait gagnĂ©. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

C'Ă©tait une surprise pour tout le monde : contrairement Ă  ce qui Ă©tait stipulĂ© dans le projet d'arrĂȘtĂ© portant sur la rĂ©glementation de l'observation des cĂ©tacĂ©s, les baigneurs pourront continuer Ă  patauger prĂšs des baleines l'aprĂšs-midi. Il avait pourtant Ă©tĂ© envisagĂ© de ne l'autoriser que jusqu'Ă  13h afin d'instaurer "une pĂ©riode de quiĂ©tude".

Du cĂŽtĂ© de l'association Globice (Groupe local d'observation et d'identification des cĂ©tacĂ©s), "on ne cache pas une certaine dĂ©ception..." admet Jean-Marc Gancille, responsable sensibilisation. Deux mesures avaient Ă©tĂ© envisagĂ©es Ă  partir de 13h : arrĂȘter la mise Ă  l'eau et allonger la distance d'observation de 100 Ă  300 mĂštres. Aucune des deux idĂ©es n'a Ă©tĂ© conservĂ©e.

L'association avait pourtant proposé des alternatives. Notamment l'idée de décaler la mise à l'eau de 9h à 15h, plutÎt que de 7h à 13h. "Cela aurait été, je pense, moins contraignant pour les clubs et les plaisanciers", explique Jean-Marc Gancille. "D'un cÎté, ça laisse le temps à la baleine et potentiellement son baleineau de s'éveiller et ça leur laisse un peu de quiétude le matin. De l'autre cÎté, ça aurait permis aux observateurs de profiter de la journée jusqu'au milieu d'aprÚs-midi". Une alternative qui n'a pas non plus été retenue...

Quant Ă  la justification de la "surcharge" en matinĂ©e, Jean-Marc Gancille se dit "mitigĂ©". "Les opĂ©rateurs n'auraient pas pu de toute façon multiplier les balades". Le risque aurait peut-ĂȘtre concernĂ© davantage les plaisanciers individuels qui louent un bateau...

Quoi qu'il en soit, le projet d'arrĂȘtĂ© Ă©tait "courageux", estime le responsable sensibilisation de Globice. Dommage de ne pas ĂȘtre allĂ© jusqu'au bout... et dommage d'Ă©couter les professionnels des sorties baleines plutĂŽt que les professionnels de la protection des baleines...

A quand l'accident ?

La rĂ©alitĂ© des choses est bien lĂ  : l'observation des baleines, c'est un commerce juteux. Et c'est une vraie chance de pouvoir profiter de ce spectacle magique chaque annĂ©e Ă  La RĂ©union. Notre Ăźle est d'ailleurs l'un des 6 territoires au monde Ă  autoriser la mise Ă  l'eau en prĂ©sence des cĂ©tacĂ©s. Alors limiter cette baignade, qui est rappelons-le, une activitĂ© de loisirs, aurait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© judicieux afin de prĂ©server cette chance que nous avons... et Ă©viter tout accident malheureux qui pourrait conduire Ă  la fin dĂ©finitive de la mise Ă  l'eau.

Car le risque est réel. Et le sous-préfet Olivier Tainturier l'a bien rappelé ce mercredi 12 juin : "Nous n'oublions pas les accidents de l'an passé, avec le coup de nageoire de la baleine Mereva, ou la triste histoire de ce baleineau dont le dos avait été labouré par une hélice de bateau..." Autant d'événements tragiques qui poussent à renforcer la sécurité selon lui. Mais pas assez pour limiter la mise à l'eau... Faut-il alors attendre un accident humain pour s'alarmer ?

Mereva en était pourtant la preuve vivante : les mises à l'eau à répétition peuvent profondément déranger les cétacés si elles ne sont pas faites dans de bonnes conditions. La préfecture dit redouter une "surcharge" des observations et baignades dans la matinée si la mise à l'eau est interdite aprÚs 13h, "ce qui aurait été contraire à l'effet souhaité", ajoute le sous-préfet.

C'est donc la version officielle. Peut-on imaginer une version officieuse ? Celle qui dirait par exemple que la prĂ©fecture aurait cĂ©dĂ© face Ă  la pression des clubs nautiques ? "La vie ce n'est pas que des rapports de force", se dĂ©fend Olivier Tainturier, qui dĂ©ment toute pression et parle simplement d'une mesure "prĂ©maturĂ©e". Une Ă©tude d'impact devrait ĂȘtre menĂ©e d'ici l'annĂ©e prochaine afin de savoir si une mise Ă  l'eau uniquement le matin pourrait concrĂštement amĂ©liorer le bien-ĂȘtre des baleines ou non.

L'observation des baleines, une activité "florissante"

Une chose est sĂ»re, cette mesure, si elle passe un jour, aurait un effet nĂ©faste sur le commerce des sorties baleines. Les chiffres parlent d'eux-mĂȘmes : en 15 ans, l'activitĂ© du "whale watching" (observation des baleines) a explosĂ©. En 2003, on comptait 2 entreprises qui organisaient ce type de sorties. Aujourd'hui on en dĂ©nombre plus d'une centaine, clubs de plongĂ©e, associations, clubs nautiques etc... "Les sorties baleines reprĂ©sentent 30 Ă  40% de leur chiffre d'affaires annuel", estime le sous-prĂ©fet de Saint-Paul, qui parle lui-mĂȘme d'une "activitĂ© florissante". Sachant qu'une sortie baleines varie souvent de 20 Ă  60 euros par personne, Ă  raison de deux vagues de sorties par jour pour les clubs, on imagine bien...

Certes, cet arrĂȘtĂ© est censĂ© aller au-delĂ  du cadre "business" et s'attaquer Ă  la partie sĂ©curitĂ©, en encadrant l'observation des cĂ©tacĂ©s sur d'autres points. La mise Ă  l'eau doit se faire obligatoirement vĂȘtu d'une combinaison, et elle devient interdite pour les mineurs de moins de 8 ans. Et le non-respect de l'arrĂȘtĂ© est dĂ©sormais sanctionnable. Montant de l'amende ? 38 euros. Cela suffira-t-il Ă  responsabiliser les plaisanciers ? Pas sĂ»r...

Il est donc assez Ă©vident que sans la mise Ă  l'eau, l'arrĂȘtĂ© ressemble davantage Ă  un copiĂ©-collĂ© de la charte dĂ©jĂ  existante. Il en reprend les rĂšgles en terme de distance, de nombre de navires autorisĂ©s ou de durĂ©e de mise Ă  l'eau...

Les clubs sont mitigés

Certains clubs, bien sĂ»r, se rĂ©jouissent. Ils pointaient du doigt la limitation Ă  13h qui risquait de crĂ©er de gros problĂšmes d'organisation. Certains petits clubs, ou clubs de plongĂ©e associatifs ont par ailleurs abordĂ© le problĂšme suivant : le matin Ă©tant habituellement rĂ©servĂ© aux plongĂ©es bouteille, pour des raisons mĂ©tĂ©o, il aurait Ă©tĂ© difficile pour eux de gĂ©rer sur une mĂȘme matinĂ©e les sorties baleines (en palmes, masque et tuba).

D'autres se disaient prĂȘts. L'un de ces clubs, situĂ© Ă  Saint-Gilles-les-Bains, explique qu'il aurait Ă©tĂ© assez facile de s'organiser. "On aurait pas tellement eu le choix", reconnaĂźt Alain, le patron du club. "Mais honnĂȘtement on aurait fait avec. Au lieu de faire une sortie le matin et une sortie l'aprĂšs-midi, on en aurait fait deux le matin en commençant plus tĂŽt. On se serait dĂ©brouillĂ©s."

En l'occurrence, il doute sĂ©rieusement de l'intĂ©rĂȘt d'un arrĂȘtĂ©. "Nous les clubs nous faisons attention. Les combinaisons obligatoires par exemple, ça fait longtemps qu'on le faisait, on Ă©tait dans les clous depuis un bon moment." Mais Ă  force de rencontrer chaque annĂ©e des individuels qui "ne respectent rien", il est persuadĂ© que ce ne sera pas une amende de 38 euros qui poussera les gens Ă  faire plus attention.

Un autre club, situé également à Saint-Gilles, s'étonne de voir que l'on ne parle jamais de pollution sonore. "On fait tout à l'envers", estime son responsable, qui a choisi de ne pas faire de sorties baleines. "Il y a d'autres choses beaucoup plus importantes à étudier en priorité." Et l'association Globice est plus que d'accord : "les menaces sonores sont identifiées depuis un certain temps déjà".

L'Ă©tude d'impact de la mise Ă  l'eau, elle, devrait ĂȘtre menĂ©e dans les 12 mois qui arrivent... Voyons alors si dans un an les choses auront bougĂ©. Mais il va falloir ĂȘtre patient...

www.ipreunion.com / [email protected]

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3 Commentaires
CECCU, depuis son mobile
CECCU, depuis son mobile
6 ans

Pauvre que vous ĂȘtes.....Comme d'habitude Ă  la RĂ©union le Fric a eu le dernier mot vous savez ce qu'il vous reste a faire.....ne pas y allez et ......bloquer le port le matin avec des petites embarcations pour ralentir l'activitĂ© ou autres choses qui les empĂȘchent de sortir

bibik
bibik
6 ans

tous pourris.. oĂč est L'ACSp sur toutes les dĂ©rives actuelles, manque d'Ă©quitĂ© sur les dossiers environnementaux: ti colon i paye, gros zozos i kontinuĂ©..!! tous des Vendus

Bruno
Bruno
6 ans

Une présentation à sens unique qui oublie complÚtement toute pédagogie. Le vrai visage de "Globice" au final est en faveur des plus riches et des dérogations. Merci à la seule association de la Réunion (Association Citoyenne de Saint-Pierre) qui a eu le courage d'exprimer publiquement son avis lors de la consultation publique. Un avis bien plus ouvert vers la pédagogie à destination de toute la population, et sans exclusion.