Alors que la rentrée scolaire s’est effectuée le 16 août 2022 à La Réunion, de nombreux élèves porteurs de handicaps restent encore sur le bas-côté. Certains sont scolarisés mais sans accompagnement, tandis que d’autres ne le sont pas du tout. Selon un sondage de l'association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales (ADAPEI), un enfant sur cinq porteurs de handicap ne serait pas scolarisé dans notre département. Des familles dans l’attente, des enfants qui ne peuvent suivre un cursus scolaire… Un quotidien difficile pour les parents qui, déjà au quotidien, doivent faire face au handicap. Pourtant, le droit à l’instruction est un des droits fondamentaux de la convention internationale des droits de l’enfant. (Photo : rb/www.imazpress.com)
Face à cette situation, la colère monte à La Réunion, « les réclamations des familles ne cessent d’augmenter et notamment sur la page « me too handicap 974 ». C’est notamment le cas de ces parents d’un petit garçon scolarisé au Tampon. Comme nous l’a expliqué Jean-Claude Toizon, président de l’association Dys semblable, cet enfant, auparavant scolarisé en maternelle a été décelé comme atteint de troubles de déficit de l'attention et hyperactivité (TDAH). « Ces parents sont convoqués suite à cela par l’équipe éducative », explique Jean-Claude Toizon. « L’équipe propose que le marmaille ne soit scolarisé que deux après-midi par semaine alors qu’il était scolarisé normalement auparavant », ajoute-t-il. Un véritable coup de massue pour cette famille qui voit son enfant de six ans ne plus pouvoir suivre une scolarité normale, faute d’accompagnant.
Pour revenir sur son histoire, cet enfant de six ans était scolarisé normalement, mais au fur et à mesure, « l’école s’est rendue compte que le marmaille perturbait la classe », explique Jean-Claude. « C’est alors que l’école a demandé une solution, sans forcément chercher à savoir pourquoi », ajoute-t-il. Ce que nous explique Jean-Claude Toizon c’est que même si cet enfant a été suivi par un centre médico psychologique, le diagnostic est parfois long à obtenir. Après que le diagnostic a été posé, les parents ont rempli le dossier GEVA-sco. Il s’agit là d’un dossier qui concerne tous les enfants/adolescents scolarisés, dont les situations nécessitent notamment une compensation du handicap des aménagements, et l’élaboration d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Un document à déposer auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Malheureusement, depuis que les parents ont déposé le dossier il y a plus d’un mois, ils n’ont eu aucun retour et ne savent pas comment scolariser normalement leur fils, avec un accompagnant.
Ce que nous dit Jean-Claude Toizon, c’est que le cas de cette famille n’est pas isolé. « C’est comme ça pour toutes les personnes et familles dont l’enfant est porteur d’un handicap pas forcément visible.
- Me Too Handicap : une plateforme pour porter la voix des familles –
C’est d’ailleurs pour aider ces familles dans l’attente de solutions, que le collectif Me too handicap 974 a été lancé. Il permet aux parents d’enfants porteurs de handicap éprouvant des difficultés à scolariser leur enfant de témoigner. Des parents qui, trop souvent, n’osent pas évoquer leur problème. Le collectif étant l’un de leurs moyens pour remonter les doléances au rectorat et à la MDPH. « Les personnes n’osent pas dire ce qu’ils ont à dire et vivent dans une détresse permanente », explique Jean-Marc Maillot, référent du collectif Me Too Handicap 974.
Le risque, pour ces enfants non accompagnés ou non scolarisé, c’est un retard flagrant dans leur éducation scolaire. « Le manque d’AESH met en péril la continuité de leur scolarité », souligne Jean-Marc Maillot. Il donne d’ailleurs en exemple celui d’un jeune qui a eu son baccalauréat et souhaite continuer. Mais la difficulté là, c’est que ce jeune multi-dys n’a plus d’accompagnant pour cette année. « Il y avait une autonomie qui s’installait au niveau de son éducation, et là sans accompagnant, son père craint qu’il s’épuise et ne veuille plus aller à l’école », souligne le collectif.
Pour lui, « il faut aider ces marmailles dès la maternelle et cela facilitera le parcours de l’enfant plus tard ».
- Un enfant porteur de handicap sur 5 ne serait pas scolarisé à La Réunion -
Ce que dénonce ce collectif, c’est le fait que les acteurs locaux tels que le rectorat ou le référent du pôle inclusif d'accompagnement localisé (PIAL), ne rencontrent pas les familles. « Comment peuvent-ils décider de l’avenir de l’encadrement d’un enfant porteur de différence », souligne Jean-Claude Toizon, président de l’association Dys semblable. Il ajoute, « même si la MDPH a suivi le dossier, si le pôle inclusif d'accompagnement localisé et le rectorat ne mettent pas en place l’accompagnement, l’enfant reste sur le carreau ».
Jean-Claude Toison dénonce également le fait que les collectivités ne fassent pas suffisamment pour les élèves porteurs de handicaps. "Certes les AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) peuvent manquer, mais les collectivités ont aussi leur rôle à jour", dit-il. "Elles doivent permettre la mise en place de structures et d'équipements adaptés pour accueillir les jeunes handicapés".
Pour Jean-Marc Maillot du collectif Me Too Handicap 974, « il y a des obligations que l’éducation nationale ne remplit pas ».
De son côté, comme l’indique le rectorat, « l’enfant doit absolument aller à l’école, même s’il n’y a pas encore d’accompagnement disponible. La famille doit prendre contact avec le responsable du PIAL pour organiser l’accueil de leur enfant. » Et ajoute, « Afin de rendre l'école pleinement inclusive, l'académie s'est organisée en pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). 50 PIAL ont été mis en place dans l'académie : 46 en inter-degrés – 2 du Privé Nord et Sud – 1 à la Cité scolaire du Butor à Saint-Denis – 1 Cité éducative du Port. Cette organisation de proximité permet de mettre en place l’accompagnement au plus près des élèves pour une meilleure adaptation à leurs besoins particuliers.
Concrètement pour les parents, la souplesse de cette nouvelle organisation offre davantage de sécurité et de continuité :
- en cas d’absence de l’accompagnant qui suit habituellement l’élève, le coordonnateur du PIAL s’organise pour assurer son accompagnement dans les meilleurs délais,
- en cas d’absence d’un élève, son accompagnant participe à l’accompagnement des autres élèves scolarisés dans les écoles et les établissements des PIAL,
- la souplesse d’organisation au niveau du PIAL facilite l’accompagnement des élèves lors des sorties scolaires, ainsi que l’organisation des périodes de stage ou de formation en milieu professionnel, en réallouant aux élèves qui ont alors besoin d’un accompagnement les heures d’accompagnement de ceux qui n’ont pas besoin d’être accompagnés.
À La Réunion, l’Académie de La Réunion dispose de 2.600 AESH. Mais tous n’accompagnent pas forcément les enfants porteurs de handicap. À chaque élève, son accompagnement. Comme le souligne le rectorat, certains ont besoin d’un accompagnement, tandis que d’autres doivent travailler avec du matériel adapté, avec une prise en charge par des enseignants spécialisés, avec davantage de temps pour les examens, avec une pédagogie plus explicite.
- La Défenseure des Droits demande à l'école de mieux s'adapter aux enfants handicapés -
Pourtant, malgré ces mesures déjà mises en place, le 28 août 2022, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a demandé à l’école de mieux s’adapter aux enfants handicapés.
Des enfants handicapés déscolarisés faute d'accueil approprié, des accompagnants d'élèves précaires, peu formés, parfois absents... la Défenseure des Droits appelle, dans un rapport, à mieux adapter l'école aux besoins des élèves en situation de handicap.
Avec l'impulsion donnée ces dernières années à l'école inclusive, 400.000 enfants en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire en 2021, en hausse de 19% sur cinq ans, selon ce rapport qui sera publié lundi et que l'AFP a pu consulter, comme relatent nos confrères du Figaro. Pour les aider, les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) recrutés par l'Education nationale, 125.000 en 2021, ont vu leur nombre augmenter de 35% sur 5 ans.
En conclusion du rapport, la Défenseure des droits souligne malgré tout le décalage persistant « entre l'augmentation des moyens humains et financiers» et «le nombre grandissant d'enfants dont les besoins sont très largement non ou mal couverts». « Ce qui nous a frappés dans les réclamations reçues ces derniers mois et qui sont en augmentation, ce sont les attributions d'AESH qui ne sont pas appliquées faute de moyens financiers et humains», relève Claire Hédon dans un entretien à l'AFP.
«Or, les conséquences sont dramatiques pour l'enfant: non scolarisation, déscolarisation, ou très peu d'heures de cours», relève Claire Hédon, qui réclame des «statistiques plus fines sur le temps de scolarisation effective» de ces élèves aux besoins spécifiques. La Défenseure recommande également « d’inscrire dans les budgets de chaque année scolaire une enveloppe prévisionnelle pour les demandes d'AESH en cours d'année», dont beaucoup sont refusées par les établissements scolaires faute de budget.
Elle recommande aussi que les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui notifient le besoin d'une AESH, se fondent exclusivement sur les besoins de l'enfant, et pas sur le manque de moyens de l'académie.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
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