Elle ira à la Caserne Lambert

Saint-Denis : la statue de Mahé de Labourdonnais va quitter sa stèle

  • Publié le 26 avril 2023 à 02:59
  • Actualisé le 27 avril 2023 à 07:22

Place du Gouvernement créée dans les années 1800, le square Labourdonnais a évolué au fil des années et la ville de Saint-Denis porte en 2023 une vaste opération de réhabilitation de cet espace dont les travaux vont débuter en mai prochain. Dans ce cadre, la statue de Mahé de Labourdonnais va être déplacée au sein de la caserne Lambert. L'annonce a été faite ce mercredi 26 avril 2023 au cours d'une conférence de presse tenue par la maire dionysienne, Ericka Bareigts, et le préfet Jérôme Filippini. Une fois restaurée, elle sera aux côtés d’autres monuments du patrimoine militaire de La Réunion (Photo d'illustration rb/www.imazpress.com

Inaugurée en 1856, la statue est inscrite en tant que monument historique. "Dans ce contexte, c'est un monument à protéger, mais protéger ne veut pas dire laisser immobile" estime le préfet Jérôme Filippini.

"Après avoir été saisi par la mairie de Saint-Denis sur le plan de réaménagement du square, j'ai consulté le ministère de la Culture qui a ensuite validé le projet de déplacement de la statue. Il faut noter que ce monument est protégé en raison de son intérêt historique, et non de sa localisation" dit-il. Ecoutez :

C'est à la Caserne Lambert que la statue sera exposée, une fois celle-ci rénovée. "Nous sommes heureux d'avoir trouvé cette configuration qui convient aux deux partis" déclare Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis.

"Cette place est un patrimoine commun. C'est là que la population s'est rassemblée le 20 décembre 1848 lors de la proclamation de la fin de l'esclavage. Avant l'installation de la statue, cette place était un lieu de rassemblement. Nous avons souhaité revenir sur cette histoire" détaille-t-elle.

La maire rappelle longuement l'histoire de Mahé Labourdonnais, figure de proue de l'histoire militaire de la France, mais aussi de l'esclavage. "Sous son commandement, le nombre d'esclaves a explosé dans l'île. Il a encouragé la chasse aux marrons, validé les châtiments les plus ignobles. Il a commis des ignominies et sa place n'est pas dans le square mais dans un lieu militaire" estime la maire. Ecoutez :

"En déplaçant la statue, on n'efface pas l'histoire, on la remet à sa place. A la place, le projet d'aménagement prévoit une scène artistique, un miroire d'eau, du mobilier urbain...Nous allons reboiser l'espace, et une installation artistique sera inaugurée" détaille Ericka Bareigts.

A noter que le nom de la place sera changé à la fin de l'année. Une consultation citoyenne sera lancée en août pour trouver ce nouveau nom.

- La problématique des statues -

La nouvelle devrait ravir les militants anti-racistes qui réclament de longue date son retrait. Car si Mahé de Labourdonnais a longtemps été célébré dans l'histoire réunionnaise, il est surtout l'architecte de l'esclavage dans l'île.

Descendant de la noblesse bretonne, Bertrand François Mahé - également appelé le comte de La Bourdonnais - a été le premier gouverneur général des Mascareignes de 1733 à 1747. C'est lui qui a contribué à la modernisation de La Réunion, alors appelée île Bourbon.

L'homme a lancé la culture de la canne à sucre à l'île Maurice (alors Isle de France) en créant la première sucrerie de l'île à Pamplemousses. A La Réunion, Mahé La Bourdonnais a développé le port de Saint-Denis ainsi que la ville de Saint-Louis.

Mais au-delà des évolutions commerciales qu'il a apporté à La Réunion, il est aussi directement lié à l'esclavagisme qui a sévi dans l'île jusqu'au 20 décembre 1848 – sans compter l'engagisme.

"A partir de 1735, les gouverneurs La Bourdonnais et Nicolas Tolentino de Almeida entretinrent une correspondance personnelle, développant des relations d’amitié et promouvant un trafic entre les deux colonies pour la satisfaction de leurs intérêts mutuels. Les Mascareignes importaient du Mozambique la main d’œuvre servile. Le Mozambique, les vivres, les armes à feu, la poudre et les munitions" détaille par exemple l'auteur Robert Bousquet dans son ouvrage "Les esclaves et leurs maîtres à Bourbon".

" Mahé de La Bourdonnais fit pratiquer une traite systématique entre le Mozambique et Bourbon : chaque année, deux expéditions fournirent plusieurs centaines d’esclaves" ajoute par ailleurs le portail Esclavage Réunion. Il aussi reprit le trafic entre La Réunion et l'Inde, " et des centaines d’esclaves arrivèrent à Bourbon depuis Pondichéry" détaille le site.

Dans ce contexte, des associations anti-racistes ont déjà demandé le retrait de la statue de Saint-Denis. Elle a d'ailleurs été repeinte en rose en 2021, sans que l'on sache qui est derrière cette action. En 2020, une pétition avait été créée en ligne pour demander son retrait. Une demande formulée alors que les protestations antiracistes relancées après la mort de George Floyd aux mains de la police aux Etats-Unis ont donné lieu dans le monde au déboulonnage ou à la dégradation de plusieurs statues de personnalités controversées.

Dans d'autres territoires ultra-marins, plusieurs statues ont été déboulonnées. Un buste de Victor Schoelcher installé sur la place du Cours Nolivos, au centre-ville de Basse-Terre, le chef-lieu de Guadeloupe, a été découpé puis enlevé.

Deux statues ont aussi été déboulonnées à Fort-de-France en Martinique : une de Joséphine de Beauharnais, l'épouse de Napoléon Bonaparte, et une de Pierre Belain d'Esnambuc, un colon qui avait pris possession de la Martinique en 1635.

www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

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3 Commentaires
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11 mois

Que devient le commentaire que j'ai écrit ce matin ? Merci pour votre réponse.

Julot
Julot
11 mois

Pff. Et le nom de la rue va rester ? Coup d'éclat lamentable de la maire qui détruit notre histoire. Une occasion perdue de parler de l'esclavage encore jeté aux oubliettes...

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11 mois

Cette statue n'a rien à faire dans le patrimoine militaire. Elle fait partie de l'histoire de l'île, bonne ou mauvaise, et personne ne pourra effacer cette dernière. Et que disent ces "comités " des affranchis qui dont devenus eux-mêmes des esclavagistes ? Réunionnais (je le suis aussi), relisez votre histoire sans devenir des chasseurs de tête. Il y a actuellement d'autres "chasses" à mener : contre la consommation effrénée, les gratteurs d'cul, le zamal, l'alcool, la corruption financière et politique, les déchets dans les cours et dans les ravines...Ce sont des combats bien plus utiles qu'une remise en cause de notre histoire.