37% de l'eau prélevée n'arrive jamais dans les robinets

Sécheresse : derrière les coupures d'eau, il y a (aussi) des canalisations qui fuient beaucoup

  • Publié le 24 janvier 2025 à 08:34
  • Actualisé le 27 janvier 2025 à 12:35

Alors que la saison des pluies tarde toujours à s'installer, seules quelques averses ayant fait leur apparition ces derniers jours, la question de la vétusté des infrastructures commence sérieusement à se poser. Si le manque de pluie explique en partie les coupures qui se produisent dans l'est de l'île, les – très – nombreuses pertes sur le réseau sont aussi à prendre en compte. En 2022, environ 37% de l'eau prélevée n'arrivait pas à destination à La Réunion (Photo sly/www.imazpress.com)

Tandis que les politiciens se chamaillent par médias interposés, les habitants de l'est vivent au rythme des coupures depuis plusieurs semaines. Coupures qui pourraient encore perdurer, alors qu'aucune pluie significative n'est attendue avant le mois de février.  

Une situation pénible pour toutes et tous, qui découle de plusieurs décennies de manque d'entretien sur les réseaux de distribution d'eau, qui laissent s'échapper une quantité astronomique d'eau destinée à la consommation.

A l'échelle de l'île, 63% de l'eau prélevée arrive jusqu'aux robinets de la population. Un pourcentage qui descend à 58% à Saint-André, et 57% à Saint-Benoît, et même 41% à Salazie, les trois communes les plus touchées par les coupures. Des rendements qui baissent d'année en année à Saint-André, qui avait à 63% de rendement en 2020, et 61% en 2021.

Cartographie de l'Office de l'eau Réunion

A l'inverse, à Sainte-Suzanne par exemple, le rendement y est de 78%. Comme l'a rappelé le maire de la commune, Maurice Gironcel, "à Sainte-Suzanne, il n'y a pas de coupures, parce que nous avons beaucoup investi".

"Quand on investit dans l'eau potable ou des réseaux d'assainissement, on crée de l'ennui quand on fait les travaux, et une fois terminé ils sont sous-terrain et ne se voient pas", a-t-il souligné, "et donc ça ne se voit pas sur la commune, politiquement ça ne sert pas, mais aujourd'hui on en voit bien l'importance". "Notre population doit avoir des conditions de vie normale, même quand il y a une sécheresse", a-t-il estimé.

Un discours partagé par Michel Fontaine, maire de Saint-Pierre, et Emmanuel Séraphin, maire de Saint-Paul et président du TO.


"Saint-Pierre, capitale du Sud est l’une des seules communes de l’île à ne pas souffrir de problématiques d’eau grâce à ses solides investissements de plus de 80 millions d’euros depuis l’arrivée du maire Michel Fontaine", s'est félicitée la ville.


Pour Emmanuel Séraphin, "il faut investir dans l'est". "Les capacités de stockages sont les plus basses dans l'est, ces investissements ont été négligés. Dans l'ouest, nous avons investi massivement, et grâce aux captages nous arrivons à surmonter cette situation qui est difficile pour tout le monde", a-t-il avancé.

Un mauvais réseau doublé d'une sécheresse donnent aujourd'hui le résultat que l'on observe. Et si certains pointent du doigt les basculements de l'eau de l'est vers l'ouest, pour le Département, il s'agit d'un "faux problème".

 

Interrogé lors de la présentation d'un dispositif d'urgence pour les agriculteurs, Gilles Hubert, président de l'Office de l'eau et vice-président du Département en charge de l'eau ne lie pas les coupures d'eau dans l'est au basculement.

"On entend dire que le basculement est la cause, mais si on fait une répartition, seuls 40% du prélèvement provient de l'est. Les 60% restants viennent du sud et du bras de Cilaos", indique-t-il. Il précise que sur ces prélèvements, "seuls 9% viennent de la région en aval de Salazie".

- La Cirest s'empare du problème -

Compétence des communes jusqu'en 2020, les services d'eau potable et d'assainissement sont depuis sous responsabilité des intercommunalités. Difficile en cinq ans de résoudre ce qui n'a pas été traité sérieusement sous des mandatures qui n'ont pas investi dans leurs réseaux pendant plusieurs décennies.

Les dirigeants de l'Est, région historiquement arrosée par les pluies tout au long de l'année, n'ont pas réussi – ou voulu - prévoir correctement cette fin de l'abondance, redoutée depuis longtemps en raison du dérèglement climatique. Fût un temps où l'ancien maire de Saint-André, Jean-Paul Virapoullé, voulait même vendre l'eau rejetée dans l'océan à Sainte-Rose aux pays du Golfe persique.

La problématique, aujourd'hui prise au sérieux, a mené à la création d'un schéma directeur de l'eau potable et de l'assainissement, qui est toujours en cours d'élaboration par la Cirest.

A Saint-André, le maire Joé Bédier demande en attendant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et de calamité agricole.
Il souligne aussi la "nécessité de repenser les infrastructures hydrauliques", et appelle à un "plan d’urgence où l’État mettrait en demeure la collectivité compétente afin que les dossiers relatifs à l’augmentation des capacités de stockage, au renouvellement des réseaux les plus vétustes et l’interconnexion avec les sources d’approvisionnement en altitude notamment avec celle de Sainte-Rose soient prioritaires".

Dans l'est spécifiquement, la mairie de Bras-Panon a évoqué l'idée d'un projet d’interconnexion avec la commune de Saint-Benoît via le forage Harmonie, qui "pourrait sécuriser considérablement le réseau d’eau potable à l’horizon 2027, si les études de faisabilité technique sont positives".

De plus, "sur proposition du maire, la création de zones irriguées pour les agriculteurs est envisagée", indique la commune.

Cela passe par : "mutualiser le forage de Bengali actuellement dédié à l’irrigation vers le secteur voisin de Champ-Borne (Saint-André), exploiter le forage de Paniandy qui nécessite le feu vert des autorités sanitaires pour sa mise en service, tirer parti du forage situé en aval de la Rivière du Mât, existant depuis 1991 mais inutilisé, évaluer le potentiel du réservoir de Bras Patrick pour le secteur de la Caroline et réutiliser les eaux de la station d’épuration pour la partie littorale de Bras-Panon" ajoute la mairie de Bras Panon

"Le déploiement de ces périmètres irrigués agricoles permettra de répartir équitablement la distribution d’eau sur le territoire et soulager les réserves d’eau potable."

- L'Etat renvoie les collectivités à leurs responsabilités -

L'Etat qui a, pour l'heure, mis en place une unité temporaire de production d’eau à Saint-André, qui dessale l'eau de mer.

Une solution ponctuelle, qui pourrait être une piste de réflexion pour les années à venir. Mais qui pose cependant la question de l'impact environnemental, ces usines étant particulièrement gourmandes en énergie, et donc polluantes. Elles rejettent aussi dans la mer de la saumure, une "boue ultra-saline".

La plupart des usines," proches de l'océan, le font directement dans la mer, ainsi que dans les rivières et eaux de surface, où la concentration en sel bouleverse les écosystèmes et accroît la température des eaux", alertait l'ONU en 2019. "A cette pollution s'ajoute celle des produits chimiques utilisés, à base de chlore ou de cuivre."

Aux yeux du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, "les moyens de l’état" sont en tout cas "mobilisés pour appuyer les communes dans la gestion de la crise".

"Ce sujet relève des compétences des collectivités, c’est d’ailleurs pour ça que la communauté intercommunale Réunion Est et la commune de Saint-André, ont mis en place plusieurs mesures d’urgence", a-t-il indiqué, interrogé par le député Jean-Hugues Ratenon à l'Assemblée nationale.

"On va s'occuper d'accompagner les collectivités responsables de la distribution de l'eau. Une conférence régionale de l'eau sera organisée en avril prochain", a de son côté annoncé le préfet Patrice Latron. Une conférence qui ne se concentrera pas uniquement sur l'Est, mais sur toute La Réunion. "La quasi-totalité de La Réunion est en déficit", a souligné le préfet.

A noter que "la loi "Grenelle II" de 2010 fixe comme objectif un rendement de réseau de 85%", rappelle l'Office de l'eau. "Lorsque ce rendement n’est pas atteint, un plan d’actions doit être élaboré par la collectivité pour rétablir une situation plus favorable. Trois territoires communaux atteignent ce rendement Grenelle en 2022 ; on en comptait 5 en 2021", souligne un rapport de juin 2024.

En attendant, Météo France reste assez pessimiste concernant la saison des pluies. La fin de mois de janvier devrait rester déficitaire, comme toute la saison des pluies. Seule un phénomène cyclonique pourrait aider à recharger les réserves de l'île cette année.
 
www.imazpress.com / redac@ipreunion.com

guest
10 Commentaires
Zan marie le losucré de l'est
Zan marie le losucré de l'est
1 mois

Après c'est le karma.
Un fils : ...marche de l'autr cité
Un autre : hum hum

Ded
Ded
1 mois

Soyons clairs, depuis que je suis à la Réunion ( 45 ans) j'entends régulièrement les élus ou des responsables de services des eaux des mairies dire que les réseaux sont vieux voire obsolètes, qu'ils fuient , que rien n'est vraiment fait...
Autrefois , les mairies avaient en charge , pour beaucoup, la régie communale de l'eau , et on parlait d'absence d'entretien et de réparations , comme en métropole d'ailleurs . Et puis , tout d'un coup , miracle , les élus ont délégué la charge de l'eau à "des fermiers" c'est le terme qui allaient tout résoudre : l'approvisionnement, avec de nouveaux captages ou forages, l'entretien, finies les fuites et les pertes phénoménales ( parfois jusqu'à 50% de la ressource se perdait) bref , le bonheur!
Las, même s'il y a eu parfois des améliorations , il y a surtout eu une explosion des tarifs ( au motif , justement de ces améliorations supposées) venue à la fois des "fermiers " qui se partagent le gâteau ( comment expliquer ces changements réguliers , on passe par exemple de la Cise à Runéo...j'en passe ) mais aussi des différentes collectivités qui prennent des taxes ( de la mairie à la communauté de communes ou à la région) alors qu'aujourd'hui , ces collectivités sont censées ne rien faire puisqu'elles ont délégué ce boulot aux fameux fermiers.
Aujourd'hui , avec les changements climatiques , la sécheresse et le réchauffement ,sans parler de l'augmentation de la population ( dans les années 80 il y avait environ 520 000 habitants pour 860 000 en 2025) il va bien falloir que tout le monde se bouge le derrière pour enfin faire le boulot !
Est ce juste un vœu pieux?

Eau salée
Eau salée
1 mois

Les chiffres de Gilles Hubert sont faux.

Chargeur de lo
Chargeur de lo
1 mois

A st andre on a eu un chargeur de lo pendant 40 ans.

Regardez bien qui s'est enrichi.
Ce n'est pas la population de st André qui s'est enrichi.

wow
wow
1 mois

Et dans 100 ans, chacun aura objectivement raisonné sa consommation d'eau et on sera bon. Non je déconne, rien n'aura changé a part une grosse centrale a desaliniser. Je le vois gros comme une maison, l'humain (du citoyen a son représentant politique, du CSP - au +++, etc...) n'est pas capable de mieux. Et l'avenir de ses enfants ou de la vie il s'en fou.

Chabouk
Chabouk
1 mois

C'est la compétence de la Cirest! Depuis 2020, ils ont fait quoi? Seulement détourner des millions à la SPL et prendre des dessous de table? Le président a pris le temps de construire combien de villas? Il n'a rien à faire de la sécheresse!

Françoise
Françoise
1 mois

Désolée de vous dire cela mais la CIREST a pris la gestion de l'eau en août 2022...c'était géré avant par la mairie. Ce que je trouve deplorable, c'est que le dossier sur l'eau était et est un dossier sensible. On savait tous que les infrastructures étaient vieillissantes, la qualité de l'eau médiocre et qu'ils fallait faire des extensions de réseaux pour répondre aux besoins de la population. Aujourd'hui, on fait des faux débats et on met tout sur le dos de la sécheresse et des administrés qui gaspillent l'eau.FAUX. Ce sont les eaux perdues qui provoquent le vide dans nos robinets, le manquement des décisionnaires voir pas du tout qui s'étaient dits "il va y avoir de la pluie et on arrivera à rééquilibrer tout cela...sauf qu'il ne pleut plus comme avant" ...les hommes politiques devraient s'excuser devant la population face à cette négligence qui provoque une souffrance morale et physique....c'est Inacceptable....j'invite la population à signer la pétition que j'ai mis en ligne depuis la semaine dernière.
https://imazpress.com/courrier-des-lecteurs/sos-eau-les-habitants-de-l-est-en-appel-aux-autorites-sauver-l-est-de-la-reunion

Le père les fils et la catastrophe
Le père les fils et la catastrophe
1 mois

Le problème de st andre c'est on a eu le père, on voit nous iloiser les fils et c'est la catastrophe annoncée.

2 veilleurs la coque assistés qui ne sont pas an niveau

Saint André la honte
Saint André la honte
1 mois

Saint André rien n'a été fait pendant 40 ans. Voilà le résultat aujourd'hui. A une époque, l'ex maire voulait mêle vendre de l'eau aux pays arabes, un pretextevpiur fair un port pour la famille.

La familia grande. Ville aujourd'hui dans la merde.

fonctionnaire
fonctionnaire
1 mois

Sur ma facture figure taxe office de l'eau : alors que font le personnel grassement payé