Tribune libre de Patrick Lebreton

Déconfinés... et après ?

  • Publié le 18 mai 2020 à 06:25
Patrick Lebreton

55 jours ! 55 jours durant lesquels tout a changé. Pendant ce temps de confinement, nous avons du changer notre mode de vie, modifier nos comportements. Aujourd'hui déconfinés, devons-nous oublier ce que nous avons vécu...et ce que nous avons appris ? (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

En tant qu’élu local, pour avoir vécu cette crise du Covid 19 quotidiennement au plus près de la population, je pense au contraire que nous avons des enseignements à en tirer. Des politiques à repenser...

Les faiblesses révélées de la société réunionnaise

La crise sanitaire a révélé une crise de notre système. Nous en avons payé le prix.

Le Préfet s’est efforcé, dans le dialogue avec les maires, de trouver des réponses réunionnaises aux problèmes générés localement par ce fléau mondial. Mais il a eu plus de mal à coordonner des services de l’État dont les actions n’ont pas toujours été convergentes. L’exemple le plus flagrant est celui de la gestion désastreuse des masques.

Le port et nos deux aéroports sont les portes de notre " maison Réunion ". Mais en avons-nous les clés ? Nous devons absolument, en cas de crise, rester maîtres de leur ouverture et de leur fermeture. Le port et nos aéroports doivent rester des sas sanitaires et économiques, qu’il faut sanctuariser.

Nous avons été les otages de notre dépendance aux importations et aux spéculations. La flambée des prix de l’ail et de l’oignon en a été la preuve. Les spéculateurs accapareurs profitent de la pénurie, dont on se demande si elle n’est pas parfois artificielle. Autrefois, ne l’oublions pas, nous savions produire ce que nous consommions. Et nous savions consommer ce que nous produisions.

Nous devons retrouver ce modèle du développement " par nous-mêmes " !

Nos ressources et nos " capabilités "

Face aux difficultés, le Réunionnais a su, encore une fois, prouver qu’il est capable de relever les défis et d’imaginer des solutions réunionnaises.

On a pu observer de formidables élans de solidarité citoyenne. À Vincendo par exemple, un collectif de couturières a été l’un des premiers sur l’île à s’impliquer dans la fabrication et la distribution gratuite de masques artisanaux. On a vite compris que, face à la pénurie due à un manque d’anticipation et de clairvoyance, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes et agir que par nous-mêmes.

Nous avons également su mettre en place des circuits courts, du producteur au consommateur. Bon nombre de marchés forains ont su s’adapter pour soutenir les productions locales, en mettant en place des dispositifs au profit des agriculteurs. À Saint-Joseph, professionnels et autorités ont su donner vie à un projet innovant : le " marché des producteurs en formule drive ". D’une certaine façon, nous avons aussi été rappelés à ce qui fait la qualité de nos vies : se recentrer sur la famille, donner du temps à nos proches, travailler autrement, pratiquer des activités telles que le jardinage, la cuisine, les loisirs familiaux, cultiver les solidarités de voisinage... Tout simplement, se réapproprier des temps de vie, leur donner du sens.

Nous avons été amenés à réfléchir sur l’hyper-consommation des biens, mais aussi sur l’hyper -circulation des personnes.

Et maintenant ?

Toutes ces réflexions constituent un terreau riche, qui doit fertiliser notre avenir. Il faut une volonté et une politique fortes pour redessiner notre avenir dans la France, notre place dans l’océan indien, notre destin dans l’Europe... notre relation au monde.

Notre service public peut être le premier maillon d’une chaîne de transformations. En ma qualité de Maire, je suis favorable à une expérimentation coconstruite avec le personnel communal et ses représentants syndicaux, pour redéfinir des missions et mieux répondre aux besoins et attentes des usagers, des nouvelles tranches d’âge... mais aussi des agents.

Le télétravail et les temps de travail adaptés ont aussi prouvé leurs vertus, notamment en économisant les déplacements.

Libérons du temps, au profit d’activités utiles à la société. Par exemple, une personne aujourd’hui à la retraite ne pourrait-elle pas faire bénéficier la population de son savoir-faire, de son expérience, de manière bénévole mais en échange d’avantages fiscaux ?

Repensons l’accueil de nos personnes âgées, que l’on a vu sacrifiées sur l’autel de la rentabilité financière. Avec des modèles respectueux de notre culture réunionnaise basée sur la cellule familiale.

Ces propositions ne peuvent être formulées que dans un cadre plus global : travaillons ensemble pour un nouveau contrat social.

Affirmons notre réalité et notre identité insulaires : voilà le défi qui est le nôtre, et qui dépasse les clivages politiques.

Nous sommes aujourd’hui déconfinés. Travaillons pour que notre société réunionnaise soit demain déverrouillée, décomplexée. Pour l’épanouissement du Réunionnais dans la société réunionnaise, une société qu’il construit plutôt qu’il ne subit.

Ce nouveau modèle doit être issu de notre intelligence collective, de la confiance en nos " capabilités " d’entreprendre notre développement pour nous-mêmes, par nous-mêmes.

Patrick Lebreton

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Mano
Mano
5 ans

Lire l'article de Zyad Liman...."La fin d'une illusion"...Afriquemagazine.com...