Tribune libre du parti de gauche

"Foot - Euro 2016 : le rendez-vous des usines à fric"

  • Publié le 2 juin 2016 à 03:32

" Le Rendez-vous ", slogan officiel de l'Euro 2016, est pris. A partir du 10 juin prochain et pendant un mois, la France se mettra à l'heure du foot. Ce qui devait être une fête pour détourner les Français des vrais problèmes, l'Euro de foot pourrait être un vrai fiasco avec les grèves : le retour de bambou d'un 49-3 contre un projet de loi El-Khomri que nous ne voulons pas (Photo d'illustration)

L’adage bien connu " du pain et des jeux " n’aura jamais aussi bien porté son nom. Alors que vous le vouliez ou non, le foot de l’€ rythmera nos journaux, remplira les tranches publicitaires et permettra surtout d’engraisser encore plus les actionnaires de multinationales. Pauvre petit ballon rond, né des couches populaires, tu t’es vu 40 ans après ta mainmise par les magnats capitalistes d’une finance des plus dérégulées ?  Le voilà happé et transformé en foot-business où la loi du plus fort, des scandales et des trafics en tout genre sont légion. Bienvenue dans les usines à fric…

Impôt 0 - foot-business 1

Le ver était dans le fruit depuis l’Euro 2008, l’UEFA (organisateur de l’Euro) a imposé une nouvelle gouvernance aux pays hôtes, et la France, sous l’entière autorité du gouvernement PS, fera l’essai et les frais. Le dumping social appliqué au football au détriment des peuples. Exit le pays organisateur et son propre comité d’organisation : l’Euro 2016 sera piloté par une société intitulée Euro 2016 SAS. Constituée en janvier 2011 à Paris, la répartition de son capital en dit long sur le nouveau rapport de forces : 95% pour l’UEFA et 5% pour la Fédération française de football. 

Et pour tous les membres qui gravitent autour de l’UEFA, les financiers du foot, c’est littéralement le jackpot ! A faire pâlir tous les patrons français : les recettes de l’Euro 2016 ne seront même pas imposées en France, sauf la billetterie qui représente une somme totalement marginale.  Honte à ces pseudos socialistes qui ont mis au point en 2014 une législation exonérant les sociétés organisatrices de l’Euro de foot de tout impôt sur les bénéfices, cotisations sociales et taxe d’apprentissage. Et voilà comment encore 200 millions d'euros vont échapper à l'État pour aller dans les poches d’ultra-riches ! C’est évident que pour Hollande : " quand on aime, on ne compte pas ".

Ce soi-disant amoureux du ballon rond fait même pire que ses prédécesseurs. Obéir aux puissants. Aux vestiaires donc, le discours du Bourget de 2012 ! Pour Martin Collet, professeur de droit à l'université Panthéon-Assas, " le fait d'obéir au chantage de l'UEFA crée ni plus ni moins une rupture de l'égalité devant l'impôt par rapport aux autres entreprises ". Avec l’Euro de foot, c’est le retour à l’Ancien Régime et des privilèges fiscaux.


Le diktat de l’UEFA pour faire tourner les usines à fric.

Plus l’enjeu financier est énorme, plus les vautours sont voraces. Avec près d’un milliard d’€ de bénéfices attendus par l’UEFA, pas de place pour les sentiments ! Business is business. Alors les organisateurs n’iront pas par quatre chemins. Leur loi sera la Loi aussi en dehors des stades, notamment aux restaurateurs.

Bail précaire, redevance obligatoire et enseignes masquées, la pilule est dure à avaler pour les commerçants situés à proximité des stades. En plus du loyer mensuel et des charges, les petites entreprises devront payer 600€ par emplacement et par jour pour continuer à travailler et rester dans le périmètre " village " de la compétition aux abords des stades.  La taille, impôt direct de l’Ancien Régime, est bel et bien de retour ! Et en cas de refus, c’est l’exclusion ! Les commerçants récalcitrants se retrouveront derrière une palissade haute de 2,60 m et munie de bâches occultantes.

Si l’on pénètre maintenant à l’intérieur des stades, c’est imperator dominator uefax. Pour l’occasion, les stades seront entièrement privatisés. Les partenaires habituels sont priés de dégager. Comme dans le récent stade Pierre-Mauroy de Villeneuve d’Ascq, et ce pendant les 6 matches qui se joueront dans ce stade, les comptoirs devront se parer des couleurs des sponsors retenus par l’UEFA.

C’est clair qu’avant d’être un sport, le football est un business et le stade une usine à fric. Pour être sélectionné comme stade officiel de la compétition, les collectivités locales ont dû courber l’échine et répondre aux exigences des maitres du jeu. Par exemple, faire correspondre la largueur des sièges ou la profondeur des gradins. Sans compter que, business oblige, les nouveaux stades ont dû se doter d’un éclairage de 2.000 lux afin de favoriser la diffusion des matches en HD et de disposer de 4.850 places VIP (895€ l’unité pour la finale). Dans ces conditions, difficile de ne pas détruire et facile de reconstruire l’enceinte. Le carnet de chèque d’argent public a bien servi.

Les collectivités locales, grandes perdantes de l’Euro2016.
Alors réfléchissons : des centaines de millions d'euros d'argent public dépensés pour les quatre semaines d'une compétition de l'élite. Un milliard d'euros d’effort financier des collectivités territoriales pour rénover des stades qui seront bien sûr privatisés. Et dans le même temps, des centaines de millions de baisse de dotation de l’Etat allouée aux collectivités locales pour financer un CICE incapable de faire reculer le chômage.  Aujourd'hui, nous avons tous l’impression d’être les cons du dîner. La facture s’annonce en effet très salée pour les contribuables. A Bordeaux, le maire Alain Juppé, en même temps nommé président des villes d’accueil de l’Euro2016, a signé un contrat de partenariat de 175 millions d’€ avec deux multinationales Vinci et Fayat pour les 5 matches. La moitié était à la charge de Bordeaux, sans compter le budget sécurité qui risque de monter à 1 million d’€ pour la Ville. Quant aux caméras vidéo, elles sont financées à 80% par l’Etat. La société d’Ancien Régime ne faisait pas mieux.  L’Euro 2016 laissera donc un goût très amer aux collectivités. D’autant que certaines d’entre elles, ont rapidement déclaré forfait, comme Nancy, imitant tardivement Nantes et Rennes, en raison des "conditions irrecevables" imposées par les groupes Bouygues et Vinci à propos de la modernisation du Stade Marcel-Picot, un projet impopulaire (57% des Nancéiens jugeaient "inutile" l'extension du stade dans une enquête TNS Sofres de juin 2011). A Rennes, l’UEFA exigeait même que la métropole débourse 36 millions d’€ pour augmenter la capacité du stade. Suite au refus de la Ville, Platini argua avec condescendance qu’à " Rennes, ils resteront chez eux ". Penalty raté du multimillionnaire du foot!
Alors si l’Euro de foot devient pendant un mois une vitrine des conflits sociaux en France, ce sera bien la faute du couple Hollande-Valls, pas celle des Français insoumis.

Carton rouge. En finir avec les voyous du foot.

Si le football est malade, la proie du capitalisme qui se moque bien des effets néfastes sur l’humain et son environnement, c’est justement parce que l’Etat lui a permis de se travestir avec une législation favorable aux puissants. Récemment en avril dernier, Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux sports, remettait au gouvernement ses 67 propositions pour " promouvoir la régulation du sport professionnel et en valoriser l’exemplarité ".

Hypocrisie du titre lorsque l’on sait qu’une des propositions souhaite rendre possible la pratique du naming  – le fait de donner le nom d’une marque privée à une enceinte sportive financés par l’argent public – pour des structures de moins de 15 000 places, mais également d’y autoriser la publicité virtuelle. Voilà déjà les puissants de la finance qui sautent de joie…
Alors pour assainir les sports gangrenés par l’argent, il est urgent d’adopter de nouveaux dispositifs législatifs simples.

Le premier serait d’interdire le financement d’une compétition avec de l’argent public si l’essentiel des bénéfices revient à quelques-uns. Le deuxième serait de considérer ces sociétés organisatrices comme elles sont : des entreprises à but lucratif. Ainsi aucune exonération ne devrait s’appliquer (une question d’égalité). Enfin, le troisième, serait d’interdire cette course au gigantisme des stades en décourageant les collectivités qui souhaiteraient s'y engager financièrement alors que la viabilité de leur investissement serait trop dépendante des résultats de leur club local.

Cela évitera la construction de nombreux éléphants blancs comme le stade des Alpes à Grenoble inauguré en 2008 mettant aujourd’hui la nouvelle majorité municipale dans l’embarras.
Gardons toujours à l’esprit que le foot résonne dans le cœur de millions de Français. Sauvons le football du business outrancier. Pour que vivent le sport et le football, remettons l’UEFA à sa place. Son diktat ne doit pas être le prélude d’autres compétitions.

Le foot OUI – le business NON ! 

François Fasquel, insoumis Possessionnais.

www.jlm2017.fr

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2 Commentaires
Girondin
Girondin
8 ans

Excellent article! Bien d'accord avec le sportif. ou sa nou cava don??

SPORTIF
SPORTIF
8 ans

On ne peut qu'être d'accord avec cette analyse. Mais ce monde du sport ne reflète t-elle pas la société actuelle avec tous ces abus,ces magouilles,ces égoïsmes,cette course à l'argent et au pouvoir et bien d'autres??? ...