Monsieur le Préfet, monsieur le Président du Conseil Départemental, nous vous écrivons pour exprimer, avec gravité et responsabilité, notre profonde inquiétude face à la multiplication des situations de jeunes souvent désœuvrés, livrés à eux-mêmes, dont les comportements violents compromettent à la fois leur avenir, la sécurité publique et la cohésion sociale. L’incendie récent du collège Terrain Fayard à Saint-André, consécutif à des violences urbaines, illustre tragiquement cette spirale d’abandon et de tensions.
1. Un phénomène croissant, des signes d’alerte ignorés
Les faits ne sont plus isolés. Des mineurs de plus en plus jeunes, parfois âgés de 10 à 15 ans, sont impliqués dans des actes graves (vols avec violence, agressions à l’arme blanche, participation à des bandes). À La Réunion, bien que la délinquance des mineurs reste inférieure à la moyenne nationale, sa progression et sa gravité augmentent, comme le souligne le Conseil National de la Refondation de mai 2024 et les données communiquées par le préfet et la procureure de la République.
2. Une impuissance institutionnelle face à des dispositifs épars et non coordonnée
Les collectivités sont en première ligne sans disposer des leviers adaptés. Ni la coordination interinstitutionnelle, ni les outils judiciaires, ni les moyens humains ne permettent aujourd’hui de traiter efficacement ces situations. L’appel réitéré des enseignants de Fayard pour un classement en REP+ illustre l’exaspération des professionnels de terrain, qui dénoncent un sentiment d’abandon.
3. Une nécessaire prise en main étatique de cette problématique
Le plan anti-bandes initié par l’État propose des mesures (contrôles CAF, expulsions, surveillance renforcée), mais la cohérence globale fait défaut. Nous appelons de manière solennelle à ce que l’État, à travers la Préfecture, l’Éducation nationale, la Justice et la Protection de l’Enfance, prenne à bras le corps cette crise sociale, avec plus de lisibilité.
4. Une traçabilité et une responsabilisation des adultes référents
Nous demandons l’identification systématique des familles, parents ou tuteurs légaux des mineurs concernés, ainsi que l’évaluation de l’exercice de l’autorité parentale. Les situations de délégation officieuse à des 'tutelles' non habilitées sont fréquentes, posant des problèmes juridiques et sociaux majeurs. Les mineurs isolés doivent faire l’objet d’une prise en charge effective et prioritaire par les services départementaux et de l’État.
5. Un questionnement urgent sur les dispositifs de protection de l’enfance
Les cas recensés montrent des carences de repérage et d’intervention des dispositifs de protection de l’enfance. Nous interrogeons le Département sur l’opérationnalité des outils de prévention et de signalement : comment un élève en situation d’errance, d’addiction ou de violence grave échappe-t-il au radar institutionnel ? L’étude conjointe prévue dans le cadre du Pacte Local des Solidarités doit aboutir rapidement à des effets concrets sur le terrain.
6. Un nécessité d'Actions Juridiques et Sociales
Nous ne pouvons éluder une réalité complexe et sensible : la présence croissante de mineurs non accompagnés sur le territoire. Ces jeunes, victimes de carences éducatives, se retrouvent dans une situation d’errance sociale et d'abandon scolaire extrême. Leur intégration est difficile, faute de repères, de dispositifs adaptés et parfois même d’identification claire. Beaucoup d’entre eux sont livrés à eux-mêmes, exposés à l’influence de bandes ou à des pratiques de survie marginales.
La prise en charge de ces publics spécifiques a déjà fait l’objet de débats approfondis. Il est nécessaire aujourd’hui que des mesures soient mises en œuvre dans le respect des droits de l’enfant et de l’égalité républicaine, mais aussi avec lucidité sur les limites de notre système actuel.
La récente proposition de loi visant à renforcer la responsabilisation des parents, notamment par le biais de sanctions ou de procédures accélérées, doit aujourd’hui devenir une réalité et faire l’objet de moyens dédiés.
Pour conclure :
Ces jeunes sont à la fois victimes d’un système défaillant et auteurs d’actes que la société ne peut tolérer, et c’est ensemble, dans une approche courageuse et structurée, que nous devons répondre à cette urgence éducative, sociale et sécuritaire.
Dans l’attente d’une réponse rapide et d’une réunion de travail à très brève échéance, Veuillez recevoir, Monsieur le Préfet, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Monique ORPHÉ, Conseillère Départementale
Pour le groupe « Une Ambition pour le Département » : Brigitte ADAME – David BELDA – Alexandra CLAIN – Gérard FRANÇOISE – Jean-François HOAREAU – Virgile KICHENIN - Isabelle ERUDEL
Bonjour
Mme Orphé, à son tour , a très bien résumé la situation de la Réunion. Elle a au moins le courage contrairement à d'autres élus locaux de le dire. Il ne faut plus se voiler la face. Nous avons besoin de l'aide de l'État et nous demandons au Département de jouer pleinement son rôle.
Nous avons tendance à oublier qu'il s'agit d'enfants, ces enfants sont en danger et in fine deviennent des dangers.
L'arrestation "rapide" des auteurs de l'incendie de notre collège et l'identité de ces derniers nous interrogent. Comment pouvons-nous continuer, nous les enseignants, sans aide et sans moyen?
Pour rappel, lors de la grève du collège Fayard, l'institution étatique ne s'est pas déplacée à la rencontre des professeurs. Le Département a envoyé à notre rencontre, des personnes chargées des bâtiments et de l'informatique, mais quid des moyens sociaux?
Être résilients avec peu de moyens, peu de soutiens et peu de perspectives. C'est notre quotidien.
Mme Huet
La belle affaire à entendre orphé, macron compatible, socialiste .
Les parents dans tout cela ?
Cause toujours où la majorité se fout de ta lettre ouverte