Tribune libre du Mouvement réunionnais pour la paix

La victoire des Chagossiens met-elle fin au processus de décolonisation ?

  • Publié le 4 juin 2025 à 10:04

Le 22 mai 2025, le gouvernement mauricien et le gouvernement britannique ont signé un accord entérinant la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos, conformément à l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) de 2019.

Après 60 ans d’occupation, le Royaume-Uni reconnaît officiellement sa perte de souveraineté sur les Chagos, mettant ainsi fin à l’un des derniers conflits coloniaux visibles dans notre région.

Cet accord historique marque-t-il pour autant la fin du colonialisme dans l’océan Indien ?

Un accord accueilli dans la liesse… mais aussi contesté

Pour une partie de l’opinion, c’est une victoire attendue depuis des décennies. Pour d’autres, l’accord soulève interrogations ou oppositions.

Des voix s’élèvent au Royaume-Uni, notamment au sein de la classe politique, pour dénoncer un recul stratégique. Une minorité de descendants chagossiens — parfois instrumentalisée — s’oppose à l’accord, allant jusqu’à réclamer le maintien de l’autorité britannique, celle-là même qui leur a interdit tout retour définitif sur leurs terres.

Une plainte de dernière minute a été rejetée par la justice. Même l’ancien Premier ministre mauricien a publiquement désavoué le texte.

Pendant ce temps, les natifs, eux, célébraient.

À Maurice, le soir de la signature, les pétards ont retenti au local de la communauté chagossienne. Le séga tambour a résonné jusqu’à tard dans la nuit. Le 31 mai, Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos, était présent à La Réunion pour remercier la population réunionnaise de son soutien indéfectible.

Pour les Chagossiens déportés, marqués par le sagrin du déracinement, cet accord représente avant tout un espoir : celui de poser à nouveau — et définitivement — les pieds sur leur terre natale.

Que dit l’accord ? - 5 points clés :

- Souveraineté mauricienne reconnue
Maurice obtient officiellement la souveraineté sur tout l’archipel, y compris Diego Garcia (article 1).

2. Gestion de la base militaire de Diego Garcia
- Le Royaume-Uni conserve le contrôle opérationnel de la base pendant 99 ans (renouvelables 40).
- Accès illimité pour les forces britanniques et américaines.      
- Juridiction civile partagée, priorité à Maurice pour les affaires non militaires.

- Compensations financières

Paiements : 165 M£/an pendant 3 ans, puis 120 M£/an.
Fonds fiduciaire de 40 M£ pour les victimes chagossiennes des expulsions.
45 M£/an pendant 25 ans pour des projets de développement à Maurice.

- Sécurité & Environnement

- Création d’une zone marine protégée avec assistance britannique.

- Mécanismes de suivi et arbitrage

- Commission conjointe de suivi (article 12).
- Possibilité de résiliation par Maurice en cas de manquement grave.

Victoire historique… et colonialisme réinventé

Oui, c’est une victoire historique, dans sa portée symbolique et juridique.

Elle démontre qu’un petit peuple déraciné, dispersé aux quatre coins du monde, peut faire plier deux grandes puissances — sans violence, par la ténacité et le droit.

Mais cette victoire ne marque pas la fin du colonialisme.

La logique de domination coloniale persiste :

- La présence militaire occidentale dans la zone — via Diego Garcia — est pérennisée.
- L’accord préserve les intérêts stratégiques du Royaume-Uni et des États-Unis.
- Les droits sont reconnus mais restent encadrés par des rapports de force inégaux.

Le traumatisme subi, lui, restera à jamais.

Comme le résume un analyste mauricien : « Ce n’est pas la fin du colonialisme, mais c’est un pas immense. »

Et maintenant ?

La lutte victorieuse des Chagossiens ouvre une brèche, incontestablement.

Comores, Madagascar, et d’autres États de la zone sud-ouest de l’océan Indien peuvent désormais s’appuyer sur la jurisprudence de la CIJ pour revendiquer la fin des situations coloniales résiduelles.

Il leur revient d’agir, de s’unir, de revendiquer leur droit. La balle est dans leur camp.

Pour le Mouvement Réunionnais Pour La Paix,
Julie Pontalba

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1 Commentaires
Josiane
Josiane
2 jours

Comme le résume un analyste mauricien : « Ce n’est pas la fin du colonialisme, mais c’est un pas immense. » et pour notre île vous ne revendiquez rien ?