Pour les élections de décembre, les candidats se déclarent les uns après des autres : ils veulent diriger les affaires de la Réunion. C'est une ambition légitime, qui n'est certes pas médiocre, mais pour mettre en oeuvre quel projet ? Allons-nous encore nous contenter d'un programme de circonstance, proposer une route, un train, un port, un lycée, ou un billet d'avion et laisser croire à nos compatriotes que nos problèmes seront ainsi résolus ?
La population réunionnaise souffre du présent et s’inquiète pour l’avenir. Elle souffre du chômage trop généralisé ; d’un pouvoir d’achat trop faible à cause de revenus trop bas et d’un coût de la vie trop élevé ; de bien d’autres maux comme les échecs scolaires, comme le manque de formation, comme les mauvaises conditions de logement ou de circulation. Mais ces difficultés apparaissent bien secondaires à tous ceux pour qui " vivre " se résume de plus en plus à chercher à " survivre ".
Malheureusement, ces problèmes du présent ne semblent pas près d’être résolus dans l’avenir : nous serons un million de Réunionnais vers 2030 au lieu de 840 000 aujourd’hui. Nous sommes dans un système qui laisse en marge près de la moitié de notre population qui vit en dessous du seuil de pauvreté.
Plus grave encore, tout le monde considère ce système à bout de souffle.
Il est à bout de souffle parce qu’il repose sur des crédits publics sans cesse accrus ; or ces crédits, tant en provenance de France que d’Europe vont être de plus en plus restreints avec la crise et les politiques de rigueur. Il est à bout de souffle parce que les entreprises, pour augmenter leur productivité, créent de plus en plus de richesses avec de moins en moins d’emplois. Il sera donc difficile de faire reculer spontanément le chômage.
Il est à bout de souffle parce qu’il est incompatible avec les préconisations de l’idéologie néolibérale. Celles-ci amènent à supprimer les quotas sucriers, menaçant le principal pilier de notre économie productive. Elles demandent la suppression de l’octroi de mer, ce qui mettra en péril le financement des collectivités locales et toute protection de notre production qui en a bien besoin. Elles s’opposent aux subventions, aux dérogations et à la défiscalisation selon elles contraires à une concurrence libre et non faussée, alors que tout notre système repose sur les aides, sur les régulations, sur les mesures spécifiques.
Il est à bout de souffle à cause de son mode de gouvernance. Les responsabilités sont diluées entre trop de niveaux de décisions, Etat, Région, Département, Communes, Intercommunalités, sans qu’on sache clairement qui fait quoi. Tout le monde est responsable, mais personne ne l’est totalement. Il faut clarifier les compétences et faire émerger un pouvoir local de décision.
Face à un système à bout de souffle et détricoté par l’idéologie néolibérale, il nous faut donc élaborer et mettre en œuvre un nouveau projet. Un projet politique, fait par les politiques et non un énième projet technocratique commandé à des bureaux d’études.
Avant tout, il faut fixer un cap, avoir une vision de La Réunion pour donner du sens aux mesures préconisées. Hier nous étions une colonie, exploitée et dominée. Aujourd’hui, nous sommes une région ultrapériphérique trop dépendante de la solidarité nationale et européenne. Il nous faut demain compter davantage sur nos propres forces, avoir un développement plus endogène et construire une Réunion nouvelle qui ne laisse de côté aucun de ses enfants.
Si les politiques mises en œuvre jusqu’ici n’ont pas eu les résultats espérés, c’est sans doute en partie à cause de la façon d’aborder les problèmes de la Réunion. On les traite comme s’ils étaient de France ou d’Europe. Or sur les 7 milliards d’habitants de la Terre, il n’y en a pas un qui ressemble à l’autre. Chacun d’entre nous a un ADN différent. Ce qui est vrai pour les hommes vaut encore plus pour les populations et pour les territoires. Les unes et les autres sont spécifiques.
Il faut donc des politiques de développement adaptées à l’identité des populations et aux particularités des territoires et non un placage de modèles venus d’ailleurs.
Il nous faut changer de logiciel et troquer le prêt-à-porter que nous impose le système actuel pour du sur-mesure qu’il nous faut inventer.
Il nous faut élaborer ensemble un projet global et cohérent puisque tout est lié. Il se traduira par des mesures stratégiques pour la mise en œuvre desquelles les conditions politiques et financières doivent être réunies.
Nous proposons que cette Réunion nouvelle présente cinq caractéristiques :
1-Elle doit être d’abord belle et reconnue. Car comment pourrait-elle être attractive pour les investisseurs et les touristes si elle n’est pas connue dans le monde et si elle est défigurée par des constructions banalisées ? La Réunion nouvelle doit avoir un parti pris esthétique dans tout ce qu’elle entreprend.
2-Elle doit être prospère, en développant une économie de production fondée sur ses ressources propres et sur la mise en valeur des TAAF, en se basant sur son marché intérieur et sur l’exportation de biens et de services.
3- Elle doit être solidaire en se penchant sur le sort des plus démunis ; en réduisant les disparités entre les régions; en prônant le codéveloppement, c’est-à-dire un développement mutuellement profitable avec les pays frères de l’Indianocéanie ;
4- Elle doit être durable parce que La Réunion est une petite île et parce que nous devons la préserver pour la laisser en bon état à nos enfants.
5- La Réunion nouvelle doit enfin s’ouvrir au monde, aux pays de l’Indianocéanie, bien sûr, mais aussi à l’Afrique du Sud, à l’Inde, à la Chine… et réconcilier ainsi l’histoire qui l’a faite française et européenne et la géographie qui l’a placée en océan Indien.
En bref, il nous faut bâtir une Réunion belle et reconnue ; prospère ; solidaire ; durable ; ouverte au monde. Qui pourrait être contre ces orientations ?
Nous espérons qu’elles seront portées par tous les candidats aux Régionales et partagées par tous les Réunionnais.
Wilfrid Bertile
Que des mots ...
Wilfrid Bertile , socialiste rêve depuis 1971 congrès du ps d'alors !
Ce que vous dites Monsieur Wilfrid Bertile est très intéressant. Lorsque je vois les actions du Président actuel je trouve qu’elles rejoignent vos écrits, surtout sur l’ouverture de notre île sur l’Océan Indien et aussi la Chine.
Ce que vous dites Monsieur Wilfrid Bertile est très intéressant. Lorsque je vois les actions du Président actuel je trouve qu'elles rejoignent vos écrits, surtout sur l'ouverture de notre île sur l'Océan Indien et aussi la Chine.
A lire
Nous savons tous la pertinence des analyses de monsieur Wilfrid Bertile, Son profond attachement pour la Réunion, la fidélité à des convictions humanistes, honorent son combat .
Mais le souci et souvent en periode électorale , bientot les régionnales, au lieu de debattre, confronter, les propositions et projets pour la reunion et d'éclairer les citoyennes et citoyens afin d'émettre un vote consciencieux; eh bien on finit par se battre , tel n'est absolument pas l'objectif! sortons de ces shemas du passé en faisant de chaque réunionnaise et réunionnaise une, un actrice et acteur co-responsable de notre développement!