Les communes du Port et de Saint-Paul ne voient pas d'un bon ?il le projet de vente d'Edena. Dans un communiqué publié ce vendredi 8 octobre 2010, la municipalité portoise rappelle qu'elle est propriétaire des sources Blanche et Denise où Edena puise son eau et ajoute "la municipalité regrette vivement n'avoir été aucunement informée du projet de cession de l'entreprise". Huguette Bello, député-maire saint-pauloise déclare dans un communiqué publié le même jour qu'elle "interpelle les autorités et l'opinion afin que les intérêts des consommateurs soient préservés". En butte à de sérieuses difficultés financières, la société, implantée à la Possession et qui a la famille Suming pour actionnaire principal, a signé un protocole d'accord de vente à hauteur de 15 millions d'euros avec la Cilam. Laquelle est déjà à la tête d'Australine, concurrente directe d'Edena. Cette information a été publiée sur le site d'Imaz Press Réunion le mardi 5 octobre 2010 (http://www.ipreunion.com/reportage.php?id_reportage=9606).
Ce protocole d'accord de vente est arrivé à échéance ce jeudi 30 septembre. Il a été prolongé d'une quinzaine de jours. Le temps pour la société pour l'exploitation et le développement des eaux de source (Edena) et la compagnie laitière des Mascareignes (Cilam) de s'assurer de la faisabilité, de la légalité et du bien fondé de la transaction.Car l'acquisition de l'entreprise possessionnaise par la Cilam placerait cette dernière en situation de quasi monopole sur le marché des eaux de table à La Réunion. En effet, avec ses marques Edena et Bagatelle, l'entreprise de la Possession totalise 65% des parts de marché et Australine, propriété de la Cilam par le biais de sa filiale, la société des eaux de Basse-Vallée, environ 30%. Essentiellement en raison de leur prix, les eaux plates importées occupent une place marginale sur le marché local.
Cette situation fait commenter à la municipalité du Port "il semble (...) que le repreneur pressenti serait, après la transaction, en position de quasi monopole sur le marché de l'eau". La commune dirigée par Jean-Yves Langenier ajoute : "s'agissant d'une denrée essentielle, l'eau, nous émettons dès maintenant toutes nos réserves et inquiétudes par rapport à ce projet de cession et invitons les acteurs de ce processus de transmission d'entreprise à la plus grande responsabilité".
Huguette Bello est tout aussi catégorique. "Cette cession, si elle devait se réaliser, mettrait une entreprise en situation de quasi-monopole sur le marché de l'eau à la Réunion. Le danger est donc grand de voir une seule entreprise sur ce marché à la Réunion, ce qui à terme pénaliserait les consommateurs qui subissent déjà par ailleurs la crise économique" dit-elle dans son communiqué. Elle ajoute : "en ma qualité de Députée soucieuse de la défense des intérêts des Réunionnais, je me dois de tirer ici la sonnette d'alarme afin de combattre ce monopole annoncé".
Edena emploie 74 salariés et vend annuellement 45 millions de litres d'eau. Elle puise sa ressource dans les sources Blanche et Denise. Les deux cours d'eau appartiennent à la mairie du Port qui vend l'eau à Edena. En raison de difficultés financières, l'entreprise est à la recherche de repreneurs depuis de longs mois, ainsi que l'avait indiqué notre confrère le Quotidien dès le lundi 27 septembre.
Des repreneurs se sont manifestés. La plupart d'entre eux ont renoncé. Dernier renoncement en date, celui il y a une dizaine de jours de la CERP SIPR. Le groupement spécialisé dans l'activité pharmaceutique à La Réunion et à Mayotte a été un temps intéressé par la reprise de l'entreprise, mais, "la rentabilité d'Edena n'est pas suffisante pour justifier un achat à hauteur de 15 millions d'euros" explique un proche du groupement pharmaceutique.
De fait, le prix de vente - d'un montant quasi similaire à celui du chiffre d'affaires -, est jugé beaucoup trop élevé dans les milieux d'affaires. Pour eux, Edena vaut tout au plus 10 millions d'euros. Du fait de son implication forte dans le marché de l'eau de table, seule la Cilam peut se permettre de ne pas être intransigeante sur une baisse du prix de vente de l'entreprise possessionnaise.
"15 millions d'euros pour une société dans la situation d'Edena est un prix nettement surévalué, mais la Cilam a tout intérêt à ne pas laisser filer l'affaire. En achetant, elle met la main sur son seul concurrent" lançait le mardi 5 octobre dans nos colonnes, un entrepreneur de la grande distribution lui aussi intéressé par la reprise mais rebuté par le montant exigé pour la vente.
Il ajoutait : "le prix, même surévalué, n'est pas un réel problème pour la Cilam. Il suffira d'augmenter le prix de vente des bouteilles de quelques centimes pendant quelques temps pour amortir le surcoût. Le consommateur ne se rendra même pas compte qu'il a payé la surévaluation de l'entreprise et la Cilam se sera assuré une position de quasi monopole".
Ce qui, au regard des lois anti monopole, risque légalement de poser problème. Et qui a déjà déclenché l'inquiétude de la mairie du Port et de la députée Huguette Bello.
Edena n'a pas donné suite à notre demande d'interview.
Mahdia Benhamla pour