Le projet d'expérimentation d'une filière courte bois - énergie de l'Arer (Agence régionale de l'énergie Réunion) a été labellisé "pôle d'excellence rurale" par le gouvernement le 7 juillet dernier. Cette expérimentation utilisant les ressources en bois mobilisable dans les Hauts de La Réunion, et plus particulièrement une peste végétale fortement représentée, l'acacia mearnsii, et le cryptomeria. Elles doivent alimenter deux installations pilotes de gazéification installées à proximité qui produiront de l'électricité et de la chaleur afin de contribuer au mix énergétique réunionnais.
Ce projet est le fruit d'une étude menée par l'Arer à Petite France, dans les Hauts de Saint-Paul, sur la valorisation des bio-ressources dans les Hauts de l'Ouest. L'intérêt de développer une installation de gazéification de bois dans cette zone avait été identifié, en lien avec des besoins en chaleur pour des utilisations agricoles : distillation de Papam (Plantes à parfum, aromatiques et médicinales), chauffage de serres maraîchères etc.La coopérative agricole des huiles essentielles de Bourbon (Caheb) avait alors manifesté son intérêt pour développer ce type d'installation en association avec la distillation de plantes à parfum aromatiques et médicinales. Deux producteurs de Papam ont alors fait part de leur intérêt à mettre en place une installation de gazéification de bois sur leur exploitation.
Le premier site pilote devrait voir le jour en 2011 sur le terrain de 4 hectares de Maxime Hoareau, producteur de géranium situé dans les Hauts de Saint Paul à environ 800 mètres d'altitude. Il souhaite développer une installation de gazéification de bois de 50 kWe (kilo watt électriques) sur son exploitation. Coût de la machine, 300 000 euros.
Le principe est le suivant : l'agriculteur installera l'unité de gazéification sur son exploitation, qu'il alimentera avec des plaquettes de bois d'acacia exploités dans la zone. Pour ce faire, il aura besoin de 500 à 600 tonnes de bois par an. Ressource qui proviendra de son terrain et des exploitations agricoles proches dont les propriétaires ont manifesté leur intérêt à participer à ce projet. L'ONF (Office nationale des forêts) devrait également fournir un complément de ressource en cryptomeria issu de parcelles publiques (environ 35% du bois). Des contrats seront dès lors négociés entre le fournisseur privé et l'ONF pour sécuriser l'approvisionnement en bois de l'unité.
Ce système permettra de produire de l'énergie sous deux formes, thermique (25%) et électrique (50%). L'électricité sera revendue sur le réseau à EDF alors que la chaleur sera valorisée sur l'exploitation agricole pour distiller des plantes aromatiques et médicinales, sécher le bois d'acacia ou encore chauffer des serres.
Les bénéfices attendus de cette technologie innovante sont multiples. D'abord, ce projet devrait permettre de créer des emplois et de diversifier l'activité agricole. Ensuite, l'objectif est de créer une valeur ajoutée environnementale par la valorisation de l'acacia, peste végétale aujourd'hui envahissante et peu exploitée. Ce système doit aussi favoriser la production d'énergie renouvelable et le renforcement du réseau électrique dans les Hauts. Enfin, il s'agit d'un complément de revenu pour les agriculteurs.
Au-delà du site de Petite France, un autre porteur de projet a été identifié à Grand Coude dans les Hauts de Saint-Joseph. Il s'agit d'un producteur de géranium qui est à la recherche de perspectives lui permettant de pérenniser son activité agricole. Il envisage parallèlement de développer des serres maraîchères pour la production biologique sur une partie de son exploitation ainsi qu'une activité agrotouristique (gîte, spa, sauna, hammam).
La production d'électricité dans la zone de Grand Coude parait particulièrement intéressante puisque ce secteur est situé en " bout de réseau " et que le réseau électrique est saturé. Par ailleurs, son exploitation est située à côté d'un projet de construction de logements sociaux pour lesquels le chauffage s'avérera nécessaire une partie de l'année. Les possibilités de valorisation de la chaleur seront étudiées en lien avec la mairie de Saint-Joseph. Enfin, les résidus de distillation ainsi que les cendres issues de la gazéification de bois pourront être valorisés en compost destiné à l'agriculture biologique. "Nous attendons de voir les résultats du projet pilote pour une éventuelle extension à d'autres zones", indique Elodie Grouset, chargée de mission biomasse à l'Arer.
Si l'expérience s'avère concluante et reproductible, elle pourra être étendue à d'autres sites dans les Hauts de l'île (Salazie, Cilaos, ...) où l'importante ressource en bois est une réelle opportunité. La labellisation annoncée de ce projet en tant que "pôle d'excellence rurale" devrait donc permettre d'évaluer concrètement les conditions de structuration d'une nouvelle filière courte "bois-énergie" dans les Hauts de la Réunion et sa modélisation. Ce projet bénéficiera d'une subvention de l'Etat pour un montant allant de 350 000 à 1,5 millions d'euros. Les plans de financement définitifs devraient être fixés dans les semaines à venir.
Mounice Najafaly pour