Le tribunal correctionnel de Saint-Denis a examiné ce vendredi 21 novembre 2025 une vaste affaire de blanchiment, faux, abus de biens sociaux et travail dissimulé. Cinq prévenus sont poursuivis, dont le chef d’entreprise Jean-Claude N., joueur compulsif, accusé d’avoir siphonné les comptes de sa société de Sainte-Suzanne pour alimenter une addiction ancienne aux paris hippiques (Photo RB/www.imazpress.com)
L’affaire débute en juillet 2023 lorsque Tracfin, le service de renseignement financier, alerte le parquet de Saint-Denis sur des mouvements bancaires jugés incohérents. Les faits visés s’étendent de janvier 2020 à novembre 2023 et concernent la SARL A2N, entreprise de peinture et travaux divers basée à Sainte-Suzanne.
Jean-Claude N., 60 ans, en est le gérant de fait. Déjà condamné en 2013, puis en 2015 après un appel et un pourvoi en cassation, pour conflit d’intérêts ayant entrainé une interdiction de gérer, il avait officiellement cédé la gérance à son épouse. En réalité, explique le tribunal, il "dirigeait tout en missouk".
L’enquête révèle 2.238 chèques, pour la plupart compris entre 2.000 et 5.000 euros, émis entre 2020 et 2022. Plus de 30 % sont adressés à des bars-PMU, à des buralistes ou à des particuliers.
- Un système massif de fausses factures pour financer les paris -
Au total, 1,627 million d’euros ont été engloutis dans les paris hippiques. Chaque mois, l’homme reconnait jouer "près de 30.000 euros, parfois plus". "J’étais incontrôlable. Tous les jours j’essayais de rattraper ce que j’avais perdu la veille. J’étais aliéné."
Pour masquer les sorties d’argent, il fait établir de fausses factures en usurpant l’identité d’entreprises. Son assistante, sous ses ordres, les rédigeait. Les enquêteurs découvrent aussi 565.000 euros de salaires non déclarés versés à des travailleurs percevants déjà d’autres revenus. Le principal mis en cause invoque, des trémolos dans la voix, son enfance difficile avant d'être coupé net :b"arrêtez les violons", tranche le président Bernard Molié, rappelant la récidive.
- Une entreprise familiale éclaboussée -
Les autres prévenus comparaissent également pour leur rôle dans ce système. Son épouse, Marie A., officiellement gérante de l’entreprise mais décrite comme une simple "gérante de paille", percevait un salaire mensuel de 2.300 euros. Très émue à la barre, elle assure : "Mon mari gérait tout". Le tribunal lui rappelle toutefois que ses déclarations du jour contredisent celles faites lors de sa garde à vue.
Leur fils, Ruben N., cadre dans sa propre société, est jugé pour complicité de faux. Il affirme ne pas avoir cherché à s’enrichir : "On ne s’est pas enrichis, on n’a qu’une maison familiale". Le président lui rétorque qu’il a agi "de son propre chef", sans contrainte ni pression extérieure.
Les deux autres prévenus sont des gérants de points PMU, considérés comme des relais essentiels du système. Marc Y.C.T., 75 ans, exploitant d’un PMU au Chaudron, reconnaît avoir encaissé pour 276.000 euros de chèques frauduleux. "Ça me faisait du chiffre", explique-t-il. Le parquet lui rappelle la gravité de son implication.
À Saint-André, Daniel V., buraliste, est poursuivi pour recel et blanchiment. Pas moins de 1,53 million d’euros ont transité par son commerce. Les deux hommes ont perdu leur agrément professionnel et leurs économies ont été saisies.
- Case prison requise pour le chef d'entreprise -
La CGSS réclame 705.000 euros de cotisations impayées et un préjudice évalué à 930.000 euros, à l’encontre du couple. Le parquet pointe un discours des prévenus "conscients mais jamais responsables. Le chef d'entreprise a financé son addiction sans perdre un euro personnel, ce qui aggrave le schéma" pointe la réprésentante de la société.
Les réquisitions sont les suivantes : Jean-Claude N. : 3 ans de prison dont 12 mois avec sursis probatoire avec un mandat de dépôt différé, interdiction de gérer pendant 10 ans, interdiction d’émettre des chèques pendant 5 ans, 20.000 euros d’amende et la confiscation d’un bien immobilier d'une valeur de 420.000 euros.
Son épouse, Marie A. : 6 mois de prison avec sursis, 5.000 euros d’amende, une interdiction de gérer pendant 5 ans, la confiscation de deux véhicules. Leur fils, Ruben N. : 12 mois de prison avec sursis, 40.000 euros d’amende.
Pour les buralistes, l'accusation propose au tribunal pour Marc Y.C.T. : 4 mois de prison, 2.000 euros d’amende, la saisie de 5.100 euros sur son assurance-vie et pour Daniel V. : 12 mois de sursis, 10.000 euros d’amende, 20.000 euros d’assurance-vie saisis.
Le tribunal rendra sa décision le 19 décembre 2025.
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