Le soir du 13 novembre 2015, leur vie a basculĂ©. Ăva et Bilal ont Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ©s. StĂ©phane, Ăric, AurĂ©lie, Sophie ont perdu un fils, une fille, un compagnon, un pĂšre. Une dĂ©cennie aprĂšs ces attentats, les plus meurtriers jamais commis en France, ils se confient.
"Jâai une Ă©norme cicatrice au bras", dĂ©crit Ăva, 35 ans, pull rouge Ă manches longues sur les Ă©paules. LâĂ©tĂ©, la Parisienne sent les regards "inquisiteurs" et a songĂ© Ă la chirurgie rĂ©paratrice, mais "sur les peaux noires, câest un peu compliquĂ©". "Ăa fait dix ans, elle fait aussi partie de moi", juge la trentenaire, qui raconte publiquement son histoire pour la premiĂšre fois.
Le vendredi 13 novembre 2015, Ăva fĂȘte lâanniversaire de sa meilleure amie au bar La Belle Ăquipe. Elle fume en terrasse avec trois copines lorsque les jihadistes sĂšment la mort. Le souvenir du "silence effroyable" entre les deux rafales est toujours prĂ©sent. Les commandos du groupe Ătat islamique abattent 21 personnes, dont leur ami, Victor Muñoz. Elle prend "entre 4 et 5" balles sur la partie gauche du corps, son pied notamment est touchĂ©, sa jambe amputĂ©e en dessous du genou. Aujourdâhui, Ăva, qui porte une prothĂšse, va "plutĂŽt bien", mĂȘme si "la vie nâest pas facile tous les jours". "Câest compliquĂ© dâavoir confiance en son corps, en soi, aussi bien pour le travail que pour trouver quelquâun", explique cette jeune femme qui suit une formation pour un projet dâentrepreneuriat au SĂ©nĂ©gal. Elle retourne boire des verres en terrasse. Mais "plus jamais de dos".
- "Elle nous hante tout le temps" -
LâAFP sâest entretenue avec une dizaine de rescapĂ©s ou proches de victimes de ces attentats qui ont fait en tout 132 morts et des centaines de blessĂ©s prĂšs du Stade de France Ă Saint-Denis (rĂ©gion parisienne), sur les terrasses, et au Bataclan Ă Paris, dont deux suicides de rescapĂ©s de la salle de concert, emportĂ©s par de profondes blessures psychiques. Pour se reconstruire, certains ont trouvĂ© refuge dans lâĂ©criture, ont tĂ©moignĂ© dans des Ă©coles, des liens entre victimes se sont tissĂ©s. Souvent, ils apprĂ©hendent la date anniversaire. "Elle nous hante tout le temps", explique Bilal Mokono, prĂ©cisant avoir "toujours trĂšs mal dormi" depuis ce soir-lĂ . BlessĂ© par un kamikaze prĂšs du Stade de France, ce quinquagĂ©naire reçoit chez lui, en banlieue parisienne, dans son fauteuil roulant. Il raconte avoir perdu lâusage de ses jambes aprĂšs lâattentat, car son "cerveau ne reconnaĂźt plus" quâil a des jambes, "comme un appareil connectĂ©, la connexion Internet sâest barrĂ©e". Il nâentend toujours "plus rien" de lâoreille gauche, avec un bras droit "toujours trĂšs fragilisĂ©".
Au Stade de France, la seule personne tuĂ©e sâappelait Manuel Dias, 63 ans. "Je trouve que câest important de marquer les dix ans", tĂ©moigne sa fille, Sophie Dias. "Lâabsence est lĂ tous les jours et la difficultĂ©, on la vit au quotidien. Et ça, il ne faut vraiment pas lâoublier", exhorte celle qui parle longuement de ce "papa unique". "Je suis encore trĂšs fragile", confie la quadragĂ©naire, pour qui il est "impossible de prendre les transports en commun, de se rendre au cinĂ©ma par exemple, de manger sur une terrasse". Vous avez peur que votre pĂšre soit oubliĂ© ? "ComplĂštement", rĂ©pond-elle, sans hĂ©siter.
Ă lâinverse, Fabien Petit, beau-frĂšre de Nicolas Degenhardt, fauchĂ© Ă 37 ans par 13 balles de fusils dâassaut sur la terrasse de la Bonne BiĂšre, comme quatre autres personnes, anticipe lâoubli. "On ne va pas vivre que sur le 13 novembre", estime-t-il, Ă©voquant notamment "plein dâactes de barbarie" qui se sont dĂ©roulĂ©s depuis en France. Fabien pense aller "mieux", mĂȘme si "les larmes" montent en parlant de ce drame. "On a Ă©tĂ© suivis par un psychologue, psychiatre, pour moi. Il y a un moment donnĂ©, ça nâallait pas du tout, jâavais des idĂ©es noires", se remĂ©more-t-il. "Le procĂšs nous a fait du bien aussi."
- "Ma petite fille ne connaĂźtra jamais son pĂšre" -
Les dix mois de procĂšs, en 2021-2022, aboutissant notamment Ă la condamnation Ă la perpĂ©tuitĂ© incompressible de Salah Abdeslam, seul membre vivant des commandos, AurĂ©lie Silvestre les a racontĂ©s de maniĂšre "assez intime" dans DĂ©plier le cĆur (Ăditions du Seuil), son deuxiĂšme livre sur le 13-Novembre. Son compagnon, Matthieu Giroud, a Ă©tĂ© tuĂ© au Bataclan, comme 89 autres personnes. "Quand on est impactĂ© par un attentat, il y a une dĂ©flagration qui est telle que tout sâenvole. Jâai lâimpression quâĂ©crire, ça me permet de rĂ©cupĂ©rer un peu les dĂ©bris et de les mettre ensemble", dĂ©veloppe-t-elle. "Dans les circonstances qui sont les miennes, je vais bien, je vais trĂšs bien. AprĂšs, ce nâest Ă©videmment pas simple. JâĂ©lĂšve seule deux enfants dont le pĂšre a Ă©tĂ© assassinĂ©", assĂšne-t-elle, le regard vif. "Ma petite fille qui est lĂ ne le connaĂźtra jamais, puisquâil est mort quand jâĂ©tais enceinte dâelle", ajoute AurĂ©lie. Ce soir dâoctobre, dans une librairie du 13e arrondissement, elle est venue assister au lancement du livre dâArthur DĂ©nouveaux, Vivre aprĂšs le Bataclan (Ăditions Cerf). Aujourdâhui, "80 % de mon paysage affectif est composĂ© de victimes", avec qui "on peut rire trĂšs fort, on peut pleurer aussi", souligne AurĂ©lie. Elle raconte son histoire dans des classes et en prison.
- "Vous serez seul" -
Quand la fille dâĂric Ouzounian, Lola, 17 ans, est morte au Bataclan, un psy lâa prĂ©venu : "vous ne ferez pas le deuil et vous serez seul". "Dix ans aprĂšs, câest toujours aussi juste. On ne fait pas le deuil dâun enfant", constate, autour dâun cafĂ© et dâune cigarette, ce journaliste de 60 ans. En 2015, il avait refusĂ© de se rendre Ă lâhommage aux Invalides, critiquant, dans une tribune au Huffington Post, la "lourde responsabilitĂ©" de lâĂtat, qui avait laissĂ© se dĂ©velopper, affirmait-il, des "zones de dĂ©sespoir", des "quartiers sensibles", dâoĂč Ă©taient originaires certains jihadistes, et menĂ© une "politique dĂ©sastreuse" au Moyen-Orient, notamment en Syrie. Aujourdâhui, il estime que les conditions de vie dans ces quartiers ne se sont pas amĂ©liorĂ©es et leur population "toujours" aussi "mĂ©prisĂ©e par la RĂ©publique".
RescapĂ© de La Belle Ăquipe, Roman tĂ©moigne notamment pour que, dans la mĂ©moire collective, on ne se souvienne pas uniquement du massacre au Bataclan. "Parfois, on se sent oubliĂ©", regrette cet homme de 34 ans, assis en terrasse dâun cafĂ© parisien. Le programme de recherche "13-Novembre" a mis en Ă©vidence un "effondrement des rĂ©fĂ©rences au Stade de France et aux terrasses" comme lieux des attentats du 13-Novembre identifiĂ©s par la population française, au fil des annĂ©es, rappelle lâhistorien Denis Peschanski et le Bataclan reste le lieu le plus citĂ©, malgrĂ© une forte baisse. Quelques annĂ©es aprĂšs, Roman, lui, est devenu prof. "Je me suis dit quâenseigner lâhistoire-gĂ©ographie, câĂ©tait important pour ne pas que ça se reproduise et transmettre aux jeunes ce qui nous est arrivĂ© aussi Ă travers lâHistoire."
- Un jeudi dâhommages aux victimes des attentats du 13-Novembre -
Mercredi et jeudi soir, la Tour Eiffel sâillumine en bleu, blanc et rouge dĂšs la tombĂ©e de la nuit.
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â @ude (@audemannoury) November 12, 2025
đïž 13 novembre 2015 đïžđđ» pic.twitter.com/A3Klf1cD2A
Une journĂ©e dâhommages aux victimes est organisĂ©e Ă Paris et au Stade de France Ă Saint-Denis, dix ans aprĂšs les attentats jihadistes du 13-Novembre, qui ont durablement marquĂ© le pays et fait 132 morts et plus de 350 blessĂ©s.
En fin de journĂ©e, Ă partir de 18 heures, sera inaugurĂ© en plein cĆur de Paris le Jardin du 13 novembre 2015, lors dâune cĂ©rĂ©monie "dĂ©diĂ©e aux 132 morts, aux survivants, aux familles et Ă tous ceux qui se sont tenus Ă leurs cĂŽtĂ©s", a indiquĂ© la mairie de la capitale. Le chef de lâĂtat Emmanuel Macron, la maire Anne Hidalgo ainsi que le prĂ©sident de lâassociation 13onze15 Philippe Duperron prononceront un discours lors de cette cĂ©rĂ©monie.
Tout Ă l'heure, dans le quartier oĂč je vis la maire de Paris et le maire du 11Ăšme ont inaugurĂ© la fresque du souvenir des attentats du 13 novembre en prĂ©sence de celle qui en est l'initiatrice,rescapĂ©e de la belle Ă©quipe.
â Paulette Ă bicyclette (@PChevrin) November 12, 2025
Des parents endeuillés,des rescapés,étaient aussi presents pic.twitter.com/ZLt4y3Gal1
- Emmanuel Macron se rendra à chaque commémoration -
La journĂ©e commencera par un hommage rendu Ă Manuel Dias, premiĂšre victime des jihadistes, et aux blessĂ©s de lâattaque du Stade de France, Ă Saint-Denis, Ă 11h30. Ă Paris, des cĂ©rĂ©monies dâhommage aux victimes se dĂ©rouleront successivement sur chaque lieu des attentats, et pour commencer prĂšs des terrasses endeuillĂ©es de lâest de la capitale : Ă 12h30 devant le Petit-Cambodge et le Carillon, Ă 13 heures Ă la Bonne BiĂšre, Ă 13h30 au Comptoir Voltaire, Ă 13h50 Ă La Belle Ăquipe. La halte devant Le Bataclan, la salle de spectacle oĂč 90 personnes ont Ă©tĂ© assassinĂ©es le soir du 13 novembre 2015, est prĂ©vue Ă 14h30. Les commĂ©morations seront retransmises en direct place de la RĂ©publique, oĂč la mairie de Paris a appelĂ© les Parisiens "Ă faire un geste commĂ©moratif en dĂ©posant une bougie, une fleur ou un mot" depuis le 8 novembre. Emmanuel Macron se rendra Ă chacune de ces commĂ©morations "pour un moment de recueillement aux cĂŽtĂ©s des familles et des associations de victimes", a annoncĂ© lâĂlysĂ©e.
AFP

Au Stade de France : match France - Allemagne