Lui dans le box, elle sur le banc des prévenus: les édiles de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Patrick et Isabelle Balkany, lourdement condamnés pour fraude fiscale en septembre, comparaissent pour leur procès en appel à partir de mercredi matin à Paris.
Lundi, la justice a refusé la dernière demande de mise en liberté du tonitruant maire de cette commune cossue de l'Ouest parisien. La cour d'appel avait fait droit à sa première demande mais lui avait imposé le paiement préalable d'une caution de 500.000 euros, une somme qu'il dénonce comme "démesurée" et qui le contraint à "rester au trou".
Patrick Balkany comparaîtra donc détenu devant une des chambres financières de la cour d'appel de Paris, jusqu'au 18 décembre, son épouse et première adjointe Isabelle devant, elle, prendre place, libre, sur le banc des prévenus.
C'est une histoire hors norme qui revient en justice: celle d'un couple qui a conquis une ville rouge de banlieue, massivement exproprié et bâti une cité moderne, s'appuyant sur de larges soutiens politiques et de solides amitiés; mais aussi celle de contribuables condamnés pour des "fraudes massives" qui ont "aggravé la déchirure du pacte républicain, et ce quand bien même nul argent public n'a formellement été détourné".
Patrick Balkany, 71 ans, dont plus de trente passés à la tête de la mairie de Levallois comme il aime à le rappeler, est incarcéré depuis sa condamnation, le 13 septembre, à quatre ans de prison pour fraude fiscale.
Dans ce même dossier, son épouse Isabelle, 72 ans, s'est vue infliger trois ans de prison, mais sans mandat de dépôt, eu égard à sa santé fragile. Un mois plus tard, les édiles étaient à nouveau condamnés, cette fois pour blanchiment aggravé, lui à cinq ans de prison avec un nouveau mandat de dépôt et elle à quatre ans d'emprisonnement.
Tous deux ont été condamnés à dix ans d'inéligibilité et d'interdiction de gérer. Ils ont aussitôt fait appel, un recours qui suspend l'exécution de la peine, mais pas l'incarcération de Patrick Balkany, confirmée par la cour d'appel.
- "Première ligne" -
Conformément à la loi, ils sont considérés comme innocents jusqu'à leur éventuelle condamnation par la cour d'appel - ils seront rejugés en février pour le volet blanchiment.
Sans attendre, Patrick Balkany a fait savoir, depuis sa cellule de la Santé, qu'il comptait mener la liste de la majorité aux municipales de mars.
Si les Balkany restent très populaires à Levallois, leur volonté de rester "en première ligne" en dépit du lourd calendrier judiciaire qui les attend interroge désormais jusque dans leur camp: une des adjointes au maire, fidèle de la première heure, a démissionné lundi en plein conseil municipal, et appelé à "préparer la succession".
Mercredi, loin de leur fief, c'est aux juges que devront répondre Patrick et Isabelle Balkany.
Ils sont poursuivis pour n'avoir pas payé l'ISF entre 2010 et 2015, malgré des actifs estimés à 16 millions d'euros annuels, mais également d'avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014.
Pour le tribunal, le couple aurait notamment dû déclarer la luxueuse villa Pamplemousse de Saint-Martin, qu'Isabelle Balkany avait tardivement reconnu posséder, mais aussi un somptueux riad à Marrakech, que le couple nie avoir acheté.
Au total, les sommes éludées sont estimées à 4 millions d'euros, un montant vigoureusement contesté par la défense. Entre colères noires et gouaille culottée, Patrick Balkany avait reconnu quelques "fautes" mais surtout vanté une "vie à servir les autres", seul face à la barre alors que son épouse Isabelle se remettait d'une tentative de suicide, non sans avoir dénoncé "l'acharnement" judiciaire et médiatique à son égard.
Le couple avait justifié son train de vie - "un océan d'argent liquide" selon l'accusation - par sa fortune familiale. Patrick Balkany avait longuement évoqué un héritage dissimulé en Suisse et des lingots d'or légués par son père revenu d'Auschwitz.
Avant sa première condamnation pour fraude fiscale, Patrick Balkany avait affirmé qu'il utiliserait jusqu'au bout tous les recours possibles en justice. Car, disait-il, "quand un homme politique s'arrête, il meurt".
AFP