Conflit

Irak : trois morts le jour d'une dĂ©monstration de force des partisans de Sadr

  • PubliĂ© le 27 novembre 2020 Ă  19:55
  • ActualisĂ© le 27 novembre 2020 Ă  20:57
Des partisans de Moqtada Sadr rassemblés pour la grande priÚre du vendredi sur la place Tahrir et ses environs à Bagdad le 27 novembre 2020

Trois personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es et des dizaines blessĂ©es par balles vendredi dans des affrontements entre manifestants rivaux dans le sud de l'Irak, oĂč le leader chiite Moqtada Sadr avait appelĂ© ses partisans Ă  une dĂ©monstration de force Ă  l'approche des lĂ©gislatives.

Il y a un an, en octobre 2019, manifestants anti-pouvoir et sadristes descendaient ensemble dans les rues de Bagdad et de toutes les villes du Sud pour la premiĂšre rĂ©volte spontanĂ©e du pays, Ă  l'ampleur inĂ©galĂ©e. Depuis, les deux camps se sont divisĂ©s, un nouveau gouvernement a Ă©tĂ© nommĂ© et le Premier ministre, Moustafa al-Kazimi, a promis des lĂ©gislatives anticipĂ©es en juin, attisant les appĂ©tits de tous les politiciens dans l'un des pays les plus corrompus au monde. A l'approche de ce scrutin Ă  l'issue duquel Moqtada Sadr, qui tient dĂ©jĂ  le premier bloc au Parlement, a prĂ©venu que sa formation entendait prendre les rĂȘnes du gouvernement, les tensions montent de nouveau.

- Trois morts, neuf blessés par balles -

Pour bien montrer que les temps ont changĂ©, des dizaines de milliers de sadristes ont priĂ© --cĂŽte-Ă -cĂŽte malgrĂ© la Covid-19-- place Tahrir de Bagdad, lĂ  mĂȘme oĂč il y a quelques semaines encore, les tentes des anti-pouvoir se dressaient. Elles ont depuis Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©es, et l'unique campement du mouvement de contestation est dĂ©sormais celui installĂ© sur la place Habboubi, au coeur de Nassiriya (sud), bastion historique des rĂ©voltes en Irak depuis l'Ă©poque du mandat britannique il y a un siĂšcle.

Vendredi, "des sadristes armés de fusils et de pistolets sont venus pour essayer de vider le campement, nous redoutons plus de violences", a affirmé à l'AFP Mohammed al-Khayyat, l'une des figures de la révolte à Nassiriya. "Les forces de l'ordre n'ont clairement pas fait leur travail, en laissant faire des gangs armés qui voulaient attaquer Habboubi", a de son cÎté dénoncé sur Twitter Assaad al-Nasseri, un ancien leader sadriste qui a fait défection. Ces violences ont fait, selon des sources médicales, 49 blessés, dont neuf par balles. AprÚs avoir annoncé plus tÎt un mort, les sources médicales ont fait état du décÚs de deux autres personnes, qui ont succombé à leurs blessures.

De fait, a constaté un journaliste de l'AFPTV, plusieurs tentes ont été incendiées et la cohue régnait à Habboubi. Nassiriya s'était particuliÚrement illustrée lors de la révolte lancée en octobre 2019, qui réclamait un renouvellement total de la classe politique et a maintenu des dizaines de milliers de manifestants dans les rues pendant des mois.

- Anniversaire d'un massacre -

Il y a un an, la ville avait été le théùtre le 28 novembre 2019 d'une journée sanglante avec plusieurs dizaines de manifestants tués par les forces de l'ordre.
Le gouvernement de l'Ă©poque, qui a depuis dĂ©missionnĂ©, avait mĂȘme dĂ» rappeler dans la journĂ©e un haut-gradĂ© dĂ©pĂȘchĂ© pour mettre fin aux manifestations tant le bain de sang avait suscitĂ© l'indignation dans le pays.

Le gouvernement de M. Kazimi, lui, doit faire face au scepticisme de la classe politique. Experts et responsables assurent unanimes que les législatives n'auront pas lieu en juin car le pays n'aura pas eu le temps de se préparer pour la nouvelle loi électorale, votée dans la foulée de la révolte d'octobre 2019.
Déjà grand vainqueur des législatives de mai 2018 avec 54 députés sur 329, Moqtada Sadr pourrait profiter de cette réforme.

Les nouvelles circonscriptions, plus petites, font la part belle aux notables, dignitaires tribaux et religieux et aux candidats appuyĂ©s par de riches partis dans un pays oĂč le clientĂ©lisme est roi et la fraude frĂ©quente. Sur Twitter cette semaine, Moqtada Sadr a dit s'attendre Ă  une victoire importante et donc Ă  placer un Premier ministre de son parti, une premiĂšre depuis la chute de Saddam Hussein en 2003. Vendredi, des milliers de ses partisans ont manifestĂ© Ă  Bagdad et dans d'autres villes comme Hilla et Bassora dans le Sud, en rĂ©ponse Ă  son appel Ă  des rassemblements ce jour.

Et le prĂȘcheur dĂ©pĂȘchĂ© par son mouvement Ă  Tahrir a appelĂ© dans son sermon Ă  "une majoritĂ© sadriste au Parlement". "Nous manifestons contre les corrompus (...) qui ont menĂ© l'Irak Ă  la faillite", a assurĂ© Ă  l'AFP l'un des manifestants, Talal al-Saadi. "Nous rĂ©pondons Ă  l'appel de Sadr, nous disons au monde que nous ne voulons pas des criminels et des corrompus", abonde Ahmed Rahim. "C'est nous qui dĂ©cidons".

AFP

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