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La Chine ravive le culte de l'Empereur jaune, son ancĂȘtre mythique

  • PubliĂ© le 18 mai 2016 Ă  10:40
Un homme salue la statue de l'Empereur jaune le 9 avril 2016 lors d'une cérémonie à Xinzheng, en Chine

Arborant des Ă©charpes brodĂ©es de dragons rouges, des officiels chinois brĂ»lent de l'encens et s'inclinent pour rendre hommage Ă  l'"Empereur jaune", cet ancĂȘtre mythique de la Chine dont le rĂ©gime communiste, en quĂȘte de lĂ©gitimitĂ©, encourage le culte aprĂšs des dĂ©cennies d'oubli.


Une cĂ©rĂ©monie a ainsi attirĂ© plusieurs milliers de personne en avril Ă  Xinzheng, dans le Henan (centre), lĂ  oĂč serait nĂ© il y a 5.000 ans cet "empereur" dont des sources antiques font le "fondateur" de la civilisation chinoise.
Des coups de canon ont ouvert l'Ă©vĂšnement, devant une foule oĂč beaucoup revĂȘtaient des rĂ©pliques de costumes d'Ă©poque.
De hauts cadres du Parti - dont le chef de la province et un ancien vice-ministre de la Culture - ont conduit une procession sur tapis rouge, avant de déposer des offrandes devant une statue monumentale représentant "l'Empereur jaune", le visage hiératique.
"Je suis ici pour lui rendre grĂące. C'est notre ancĂȘtre!", confie Ă  l'AFP Lydia Zhou, gĂ©rante de fonds d'investissement venue de Shanghai.
Des haut-parleurs égrenaient des slogans évoquant les injonctions du président Xi Jinping: "Régénérer la Chine ! Gouverner selon la loi ! Prospérité modérée pour tous !".
- 'Affirmer sa lignée' -
Les preuves historiques de l'existence de Huangdi (l'Empereur jaune) sont fort minces. Les premiÚres mentions et généalogies reconstituées sont apparues quelque deux millénaires aprÚs sa mort présumée, alors que les historiens datent la premiÚre dynastie chinoise autour de 1.600 avant JC.
Ce qui n'empĂȘche pas les manuels scolaires d?aujourd?hui d'en faire "l'ancĂȘtre de tous les Chinois", y compris des 55 minoritĂ©s ethniques officiellement reconnues.
Les célébrations de Xinzheng confirment ce retour en grùce.
AprÚs 1949, sous Mao Tsé-toung, "le culte de l'Empereur jaune était considéré comme une superstition féodale" par le Parti communiste, officiellement athée, rappelle Ren Dahuan, vice-président d'une association de recherche dédiée à Huangdi.
Mais le régime a récemment assoupli sa position, jugeant que les religions pouvaient favoriser l'"harmonie sociale".
De leur cĂŽtĂ©, en quĂȘte de nouveaux revenus, les responsables locaux de Xinzheng ont ressuscitĂ© dans les annĂ©es 1990 la tradition d'offrandes Ă  l'Empereur jaune. Des responsables politiques nationaux ont commencĂ© Ă  y assister en 2006, et la cĂ©rĂ©monie reçut en 2008 l'appui du gouvernement.
"Ces cĂ©rĂ©monies prennent de plus en plus d'ampleur, car l?État a besoin d'eux pour justifier sa lĂ©gitimitĂ©", explique Zhu Dake, expert culturel Ă  l'universitĂ© shanghaĂŻenne Tongji.
En période de sévÚre ralentissement économique, le Parti s'érige désormais en défenseur des traditions ancestrales chinoises, tout en s'efforçant d'instiller le sentiment d'une identité unique dans une population ethniquement diverse.
"L?Ă©tat a besoin d'affirmer sa +lignĂ©e+. C'est une stratĂ©gie politique", explique M. Zhu. "Car la Chine est multiethnique, le peuple chinois est un ensemble composite plutĂŽt que des descendants d'un ancĂȘtre unique".
- 'FrĂšres de sang' -
Le message d'unité vise aussi les Chinois d'Outre-mer, et surtout ceux de Taïwan: l'ßle, que Pékin considÚre comme une province, vit sa propre destinée depuis 1949 et un nombre croissant de Taïwanais ne s'identifient déjà plus comme "Chinois".
"Nous sommes des frĂšres connectĂ©s par le sang mĂȘme si nos os sont brisĂ©s", avait lancĂ© en novembre Xi Jinping lors d'une rencontre historique avec son homologue taĂŻwanais Ma Ying-jeou, battu aux Ă©lections en janvier, qui lui avait rĂ©pondu que tous Ă©taient "enfants de l'Empereur jaune".
Vendredi, la nouvelle présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, issue d'un parti pro-indépendance, prendra ses fonctions sous l??il défiant de Pékin.
Signal clair, le chef du Bureau chinois des affaires taïwanaises à Pékin est venu brûler de l'encens à Xinzheng le mois dernier. Et un ancien vice-président du Kuomintang - le parti nationaliste taïwanais favorable à un rapprochement avec Pékin, désormais dans l'opposition - visitait le tombeau supposé de "Huangdi", dans la province voisine du Shaanxi.
A sa suite, des milliers de Chinois ordinaires se sont rendus sur le site - rénové à grands frais il y a une décennie - pour se prosterner devant la statue de l'Empereur mythique.
"C'est l'ancĂȘtre de tous les groupes ethniques chinois. Et des TaĂŻwanais", assurait Shen Yuyan, un Ă©tudiant.

Par Tom HANCOCK - © 2016 AFP

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