Une nouvelle grĂšve Ă©tait convoquĂ©e mercredi en Colombie, au septiĂšme jour d'un mouvement social qui a inhabituellement rempli les rues de manifestants contre la gestion du prĂ©sident de droite Ivan Duque. Par ce deuxiĂšme "arrĂȘt national" en moins une semaine, les leaders de la mobilisation veulent accroĂźtre la pression sur le chef de l'Etat, au pouvoir depuis Ă peine plus de 15 mois. Plusieurs marches et blocages Ă©taient prĂ©vus dans le pays. Mais la grĂšve semblait peu suivie Ă Bogota, pourtant Ă©picentre du mouvement social le plus important en Colombie depuis les annĂ©es 1970.
Parfois sous surveillance policiÚre, commerces et transports urbains étaient réduits, mais pas paralysés. Au son des casseroles, des manifestants se rassemblaient en différents lieux, ainsi qu'à Medellin et à Cali, deuxiÚme et troisiÚme villes de Colombie. Beaucoup brandissaient des pancartes, arboraient le drapeau national jaune, bleu et rouge en guise de cape, ou s'étaient déguisés pour dénoncer les politiques de M. Duque.
- Pour la justice sociale -
"Nous sommes indignés de tant de maltraitance et de tant de corruption. Je suis déguisé en clown parce que c'est ainsi que nous considÚre le gouvernement (...) Nous voulons justice sociale, éducation, équité, que le gouvernement regarde vers le bas, pas vers le haut", a déclaré à l'AFP David Martinez, un fonctionnaire de 50 ans.
Si les manifestations sont majoritairement pacifiques, elles ont toutefois fait quatre morts, environ 500 civils, policiers et militaires blessés, outre 184 personnes détenues et 60 migrants vénézuéliens expulsés pour "actes de vandalisme" depuis jeudi dernier. Cette mobilisation contre le président, au pouvoir depuis août 2018, mais qui pùtit déjà de 69% d'opinions défavorables, intervient dans une climat de crises socio-politiques, sans dénominateur commun, qui secouent l'Amérique latine.
Contesté pour sa politique économique libérale, M. Duque fait aussi les frais d'un mécontentement accumulé au fil des années, dans ce pays parmi les plus inégalitaires d'Amérique latine, mais réduit au silence par une guerre interne de plus d'un demi-siÚcle. Les Colombiens ne semblent plus craindre de protester, à la faveur d'une baisse d'intensité du conflit dans certaines régions, dont les grandes villes, depuis la signature il y a trois ans de l'accord de paix avec les Farc, la plus ancienne guérilla de la région apparue en 1964.
"La Colombie s'est convertie en une dĂ©mocratie, oĂč une minoritĂ© d'entrepreneurs et de bureaucrates est favorisĂ©e, tandis que la grande majoritĂ© doit financer leurs privilĂšges", a dĂ©noncĂ© sur Twitter le syndicat des enseignants, Fecode, l'un des plus actifs de la mobilisation.
Depuis la premiĂšre grĂšve du 21 novembre, des milliers de personnes protestent chaque jour, en tapant sur des casseroles, des marmites ou des poĂȘles. Ces "cacerolazos", courants dĂ©filant ailleurs dans la rĂ©gion, Ă©taient jusque lĂ peu usitĂ©s dans ce pays. M. Duque a lancĂ© dimanche un "dialogue social". Mais il s'est d'abord rĂ©uni avec des Ă©lus, avant de rencontrer les leaders du mouvement, ce qui a discrĂ©ditĂ© son initiative.
- Signes d'assouplissement -
"Ce gouvernement est ouvert (...) pour aller de l'avant, mais il faut le faire avec toute la sociĂ©tĂ©", a-t-il arguĂ© mercredi sur W Radio, rĂ©itĂ©rant que nombre de revendications Ă©taient issues d'une campagne de dĂ©sinformation et de "postulats erronĂ©s". Le ComitĂ© national de grĂšve, regroupant syndicats, Ă©tudiants, professeurs et indigĂšnes, a prĂ©sentĂ© un Ă©ventail de 13 requĂȘtes, allant du retrait d'un projet de rĂ©forme fiscale au respect de l'accord de paix de 2016.
Les manifestants réclament aussi la dissolution de l'Escadron mobile anti-troubles (Esmad) responsable de la mort d'un étudiant de 18 ans, Dilan Cruz, devenu le symbole de la mobilisation. M. Duque a admis que des affrontements pouvaient avoir des "issues fatales", mais a défendu ces policiers qui, selon lui, ont évité des "choses pires" face à des "vandales et voyous".
Il a toutefois donnĂ© des signes d'assouplissement, annonçant mardi des rectificatifs Ă son projet fiscal en faveur des 20% plus pauvres du pays, via le reversement de la TVA, et des bĂ©nĂ©fices pour les entreprises embauchant des jeunes de moins de 28 ans. "La protestation doit se maintenir (...) Le prĂ©sident ne rĂ©pond pas Ă ce que le peuple lui rĂ©clame", estimait cependant Claudia Tobar, contrainte de travailler pour payer son universitĂ© aprĂšs trois refus de prĂȘt, alors que la plupart des Ă©tablissements d'enseignement sont privĂ©s et chers.
AFP


