L'électrochoc de la victoire de Donald Trump est un cruel camouflet pour Barack Obama, élu il y a huit ans à la Maison Blanche sur message d'espoir et la promesse d'un pays réconcilié.
Politiquement, la défaite d'Hillary Clinton est bien sûr un revers pour le président démocrate tant il était monté en premiÚre ligne pour son ancienne secrétaire d'Etat, sillonnant l'Amérique, mettant son charisme au service d'une candidate qui en manquait cruellement.
Mais au-delà de l'affrontement classique entre les deux grands partis américains, le succÚs du milliardaire populiste de 70 ans est douloureux pour Barack Obama.
Comme si ce président intellectuel, calme et raisonné, qui revendiquait sans détour une forme d'optimisme et appelait à ne jamais céder aux sirÚnes du cynisme, avait mal lu une partie de l'Amérique, ses réflexes, ses peurs, ses angoisses.
Comme s'il n'avait pas su prendre la température de cette "autre Amérique", celle notamment des blancs laissés sur le bord de la route, effrayés par le tourbillon de la mondialisation et d'une société qui évolue trop vite pour eux.
A court terme, le président démocrate, qui achÚve sa présidence avec un popularité au zénith, peut légitimement s'interroger sur ce qui restera de son bilan aprÚs un mandat Trump.
Ce dernier a promis haut et fort de supprimer ou détricoter la plupart de ses réformes ou avancées emblématiques: la réforme de l'assurance santé (Obamacare), la lutte contre le changement climatique (Trump a promis d'"annuler" l'accord de Paris conclu fin 2015), l'accord de libre-échange Asie-Pacifique...
Le 44e président des Etats-Unis l'avait dit sur tous les tons, avec une virulence qu'on ne lui connaissait pas: le magnat de l'immobilier était à ses yeux un danger pour la démocratie.
"Nous ne pouvons nous permettre d'élire ce type ! Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas possible !": son cri du coeur à Las Vegas, quelques jours avant le scrutin, résumait ses sentiments.
"Le sort de la république est entre vos mains", ajoutait-il quelques jours plus tard, dans un registre plus solennel.
- 'Ce n'est pas possible!' -
Politiquement, humainement, difficile d'imaginer deux personnages publics plus dissemblables que Barack Obama et Donald Trump.
La vision du monde bien sûr. Mais aussi la relation aux femmes, à la famille, à l'argent, aux institutions. Le style, le mode d'élocution, le choix des mots.
Obama, né d'un pÚre kényan et d'une mÚre américaine, a tracé son chemin jusqu'aux prestigieuses universités de Havard et Yale. Trump a hérité des millions de son pÚre, a développé un empire basé sur les hÎtels, les casinos, et l'optimisation fiscale.
Obama l'universitaire aime les longs raisonnements structurés, parfois jusqu'à l'excÚs, les discours ciselés. Trump l'homme d'affaires est impulsif, spécialiste des formules courtes, souvent agressives, parfois vulgaires.
"C'est la dĂ©mocratie mĂȘme qui est en jeu", rĂ©pĂ©tait Obama ces derniĂšres semaines en campagne, dĂ©roulant un rĂ©quisitoire cinglant contre la candidat rĂ©publicain.
"Le savoir-vivre est en jeu dans cette Ă©lection. La tolĂ©rance est en jeu. La courtoisie est en jeu. L'honnĂȘtetĂ© est en jeu. L'Ă©galitĂ© est en jeu. La bienveillance est en jeu", ajoutait-il sur une tonalitĂ© diffĂ©rente.
Car Barack Obama avait aussi des raisons plus personnelles de stopper net les ambitions politiques du fantasque homme d'affaires.
En 2011, Trump n'était pas encore candidat à la Maison Blanche mais avait déjà goût prononcé pour la lumiÚre, les polémiques, et les théories du complot.
Pendant des mois, l'homme d'affaires avait alimenté une campagne visant à mettre en doute le fait que le premier président noir des Etats-Unis était né sur le territoire américain.
ExaspĂ©rĂ© - "Nous n'avons pas de temps pour ce genre de bĂȘtises" -, Obama avait fini par organiser une confĂ©rence de presse pour publier son acte de naissance complet.
Quelques jours plus tard, il profitait de la présence de l'extravagant milliardaire lors du dßner de l'Association des correspondants de la Maison Blanche pour dire, avec une jubilation évidente, ce qu'il pensait du personnage.
"Le Donald", s'amusait-t-il, "peut maintenant enfin s'intéresser aux vrais problÚmes: Avons-nous fait semblant d'envoyer un homme sur la Lune ? Que s'est-il passé à Roswell ?".
Un peu plus de cinq ans plus tard, Barack Obama s'apprĂȘte Ă cĂ©der sa place dans le Bureau ovale, "une fonction sĂ©rieuse", n'a-t-il eu de cesse de rappeler, Ă un ex-animateur de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© qui a alimentĂ©, pendant des annĂ©es, une campagne de rumeurs Ă connotation raciste Ă son encontre.
Par Jalal AL MAKHFI - © 2016 AFP
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