Irak

Les politiques négocient sous la pression persistante de la rue

  • PubliĂ© le 2 dĂ©cembre 2019 Ă  14:41
  • ActualisĂ© le 2 dĂ©cembre 2019 Ă  16:51
Des manifestants irakiens lors de heurts avec les forces de sécurité, le 28 novembre 2019 à Bagdad

Les politiciens nĂ©gocient la formation d'un nouveau gouvernement en Irak, oĂč les manifestations contre le pouvoir et son parrain iranien se poursuivent pour rĂ©clamer la mise Ă  bas de l'ensemble du systĂšme actuel.

Avant mĂȘme que le Parlement n'accepte formellement dimanche la dĂ©mission du Premier ministre Adel Abdel Mahdi et de son cabinet, les partis politiques avaient commencĂ© Ă  se rĂ©unir. Et ces "rencontres se poursuivent", a assurĂ© lundi Ă  l'AFP un haut cadre politique. Avec le Parlement le plus hĂ©tĂ©roclite de l'histoire rĂ©cente de l'Irak, la formation d'un cabinet sera, comme il y a 13 mois Ă  la prise de fonctions de M. Abdel Mahdi, un dĂ©licat exercice d'Ă©quilibriste.

Mais, cette fois-ci, il faudra mĂȘme convaincre encore davantage de parties: l'Iran, tout d'abord, grand voisin dont l'influence n'a cessĂ© de croĂźtre dans le pays et "qui ne cĂšdera pas facilement", selon Harith Hasan, spĂ©cialiste de l'Irak. Le grand ayatollah Ali Sistani, aussi, une figure tutĂ©laire qui a prĂ©cipitĂ© la chute de M. Abdel Mahdi. La communautĂ© internationale, en outre, qui dĂ©nonce la rĂ©pression et l'absence de rĂ©forme face Ă  des manifestations dĂ©jĂ  endeuillĂ©es par plus de 420 morts. La rue, enfin --voire surtout--, intransigeante jusqu'ici.

- La rue plus forte -

Au bout de deux mois de ce mouvement social spontané et inédit, "les manifestations l'emportent sur les interférences étrangÚres", convient le haut cadre politique sous couvert d'anonymat. Les exigences de la rue, à la détermination intacte, n'ont cessé de grandir au fil des semaines. Les protestataires, qui occupent toujours les places de Bagdad et du sud, réclament aujourd'hui rien de moins qu'une refonte complÚte du systÚme politique installé par les Etats-Unis aprÚs la chute de Saddam Hussein en 2003.

Ils veulent le renouvellement complet d'une classe politique qui a déjà fait s'envoler dans les vapeurs de la corruption l'équivalent de deux fois le PIB de l'un des pays les plus riches en pétrole au monde. Ils disent déjà refuser les listes de noms de ministres ayant fuité des cercles politiques. Face à eux, l'opposition --emmenée, séparément, par le turbulent leader chiite Moqtada Sadr et l'ancien Premier ministre Haider al-Abadi-- a dit refuser de prendre part aux négociations.

"Ils savent que la barre est trÚs haute et qu'il leur est trÚs difficile de contenter la rue", décrypte pour l'AFP M. Hasan. "Ils ne veulent pas se retrouver face à plus de colÚre et de rejet", alors que la classe politique inchangée depuis 16 ans "ne sait pas sortir de ses schémas traditionnels de pensée", poursuit-il.

- Transition courte -

"Le meilleur scĂ©nario serait un gouvernement de transition instaurant un nouveau cadre lĂ©gislatif pour les prochaines Ă©lections", affirme-t-il Ă  l'AFP. L'homme Ă  sa tĂȘte "n'aura pas besoin d'ĂȘtre un vĂ©tĂ©ran de la politique mais quelqu'un qui peut mener cette tĂąche et sĂ»rement promettre de ne pas se prĂ©senter Ă  ce scrutin". Un haut responsable va dans le mĂȘme sens. "La transition ne doit pas durer plus de six mois", assure-t-il Ă  l'AFP, lĂ  aussi sous le couvert de l'anonymat. Et celui qui la mĂšnera "sera un second ou un troisiĂšme couteau de la politique", car les grands noms sont tous rejetĂ©s, "mais pas un novice", prĂ©vient-il.

Dans la rue, les manifestants sont toujours lĂ , Ă  Bagdad, Diwaniya, al-Hilla, Kout ou Najaf, ville sainte chiite en proie aux violences depuis l'incendie de son consulat iranien mercredi soir. A quelques centaines de mĂštres du campement des manifestants, les affrontements se sont poursuivis dimanche jusque tard dans la nuit aux abords du mausolĂ©e d'une figure tutĂ©laire d'un parti chiite, d'oĂč des hommes en civil ont tirĂ© sur les manifestants qui avaient incendiĂ© une partie du bĂątiment.

Les chefs tribaux ont tentĂ© d'intercĂ©der pendant le calme prĂ©caire de la matinĂ©e. Ils se sont rĂ©unis mais ne sont pas parvenus Ă  s'entendre sur une sortie de crise. A Nassiriya, ville d'origine de M. Abdel Mahdi, les violences dĂ©chaĂźnĂ©es par une rĂ©pression lancĂ©e par un militaire dĂ©pĂȘchĂ© par Bagdad avant d'ĂȘtre limogĂ© au milieu du chaos ont cessĂ©. Mais les manifestants tiennent toujours leur campement en centre-ville en rĂ©clamant "la chute du rĂ©gime", accusĂ©, en plus de son incapacitĂ© Ă  se rĂ©former, d'avoir choisi la voie de la violence dans une ville parmi les plus lĂ©sĂ©es du pays en termes d'infrastructures.

AFP

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