Les PME réunionnaises victimes de l'attitude des grands groupes

Chantier de la nouvelle route du Littoral : la loi du plus fort

  • PubliĂ© le 13 juin 2014 Ă  09:00
route du littoral

Dans la farouche bataille politique autour de la nouvelle route du Littoral, l'un des arguments massue de la majoritĂ© rĂ©gionale est le bĂ©nĂ©fice que cet Ă©norme chantier devrait apporter aux entreprises rĂ©unionnaises. Mais aujourd'hui, il existe surtout beaucoup d'incertitudes sur le sujet. S'il est certain que les gros groupements ayant remportĂ© les appels d'offres - Vinci, Bouygues, GTOI, SBTPC - y trouveront largement leur compte, cela risque d'ĂȘtre bien moins le cas pour beaucoup de PME locales sous-traitante qui se disent "victimes d'abus de position dominante et de prix imposĂ©s".

C’est censĂ© ĂȘtre une "bouffĂ©e d’oxygĂšne" pour les entreprises du BTP, une "bouĂ©e de sauvetage" pour un secteur en crise depuis plusieurs annĂ©es. Le chantier de la nouvelle route du Littoral porte en lui de trĂšs nombreux espoirs pour beaucoup d’entrepreneurs rĂ©unionnais. Trop peut-ĂȘtre. Car Ă  l’heure actuelle, rien ne dit qu’il profitera rĂ©ellement aux PME locales, et pas seulement aux fameux "donneurs d’ordre", les Vinci, Bouygues, GTOI et autres SBTPC.

Avec les transporteurs, un pas important a Ă©tĂ© franchi ce mercredi 11 juin 2014. RĂ©unis au sein du GIE Transgroup OI, créé pour l’occasion et prĂ©sidĂ© par Jean-Bernard Caroupaye, ils sont enfin parvenus Ă  signer un accord-cadre avec le groupement GTOI/SBTPC/Vinci pour le chantier des digues et de l’échangeur de La Possession. Et ce aprĂšs cinq mois d’ñpres nĂ©gociations. "C’est un moment historique pour les transporteurs", se rĂ©jouit Jean-Bernard Caroupaye. "C’est un chantier de 11 millions de tonnes de matĂ©riaux, c’est du jamais-vu dans l’histoire de La RĂ©union !", insiste-t-il.

Caroupaye : "On a pu imposer un tarif plus juste"

VoilĂ  en effet une bonne nouvelle pour les transporteurs rĂ©unionnais, du moins ceux faisant partie de ce GIE ad hoc rĂ©unissant les trois groupements GTMR, CT-TR et GE2R. Aujourd’hui, donneurs d’ordre comme transporteurs se fĂ©licitent de cet accord. "Il y a eu des hauts et des bas, mais dans le respect de chacun, et on a pu imposer un tarif plus juste. Les transporteurs eux-mĂȘmes n’en revenaient pas d’arriver Ă  ce rĂ©sultat !", confie le prĂ©sident de la FNTR.

"Tout s’est fait dans le respect de la charte de bonne pratique imposĂ©e par la RĂ©gion et dans le respect des grilles tarifaires. C’est un contrat Ă©quilibrĂ© entre les deux parties qui va permettre aux transporteurs d’investir", embraye de son cĂŽtĂ© StĂ©phane Braban, directeur du projet du groupement GTOI/SBTPC/Vinci pour le lot digues et Ă©changeur.

Les discours Ă©taient pourtant bien diffĂ©rents il y a quelques semaines, alors que les nĂ©gociations faisaient rage pour obtenir des prix dĂ©cents, dans le respect des tarifs Ă©tablis par le ComitĂ© national routier (CNR) Ă  l’aide d’un simulateur.

"Personne ne tient compte du simulateur !", pestait alors Victor TĂ©vanĂ©, vice-prĂ©sident de la FNTR (FĂ©dĂ©ration national du transport routier). "Les grands groupes tirent les prix vers le bas, et si on n’est pas d’accord, on nous dit d’aller voir ailleurs !", dĂ©plorait-il. Au point que les discussions ne se sont pas toujours dĂ©roulĂ©es dans une ambiance des plus sereines... "Il y a eu une rĂ©union assez tendue entre Vinci et les transporteurs par rapport au respect de la grille tarifaire, un Ă©ventuel blocage ou dĂ©brayage a mĂȘme Ă©tĂ© Ă©voquĂ©", tĂ©moigne-t-on dans le milieu du transport.

"C'est un rapport de force tout le temps"

Depuis, la plupart des transporteurs sont parvenus Ă  se mettre d’accord pour constituer ce GIE Trangsroup OI et pouvoir enfin peser dans la nĂ©gociation. "C’était beaucoup plus facile pour nous d’avoir un seul interlocuteur", avoue StĂ©phane Braban. Quant Ă  Jean-Bernard Caroupaye, il estime mĂȘme que "traiter un gros chantier comme celui-lĂ  individuellement aurait Ă©tĂ© catastrophique pour la profession".

JoĂ«l Mongin, transporteur lui aussi et ancien prĂ©sident de la FNTR, abonde dans ce sens. "La question des prix n’est jamais vraiment rĂ©glĂ©e. C’est un rapport de force tout le temps. Les donneurs d’ordre ne sont pas lĂ  pour nous faire des cadeaux. Tout ce qu’ils peuvent grignoter, ils vont le grignoter. Mais ils ne sont pas les seuls Ă  avoir faim, nous aussi !", s’exclame-t-il.

Dans un contexte de crise du secteur du BTP, le chantier de la nouvelle route du Littoral s’apparente Ă  un "Eldorado" dont chacun veut avoir sa part. "Les chefs d’entreprise ont trĂšs peu travaillĂ©, il y a trĂšs peu de boulot, donc tout le monde attend cette route du Littoral", souligne Jonathan Saminadin, prĂ©sident du Collectif pour la dĂ©fense des travaux public et du bĂątiment. "Mais c’est toujours le mĂȘme constat : les donneurs d’ordre mettent en concurrence les sous-traitants, ce qui est normal, mais Ă  quel prix ? Le but est quand mĂȘme que les PME puissent au moins s’en sortir, ça ne sert Ă  rien de casser les prix, ça ne sert Ă  rien d’avoir pour trois ou quatre ans de travail si Ă  la fin on ne peut pas payer les charges...", analyse-t-il.

Un climat de peur

Le problĂšme ne touche pas uniquement les transporteurs, mais l’ensemble des prestataires et sous-traitants des grands groupes, que ce soient les sociĂ©tĂ©s d’intĂ©rim ou encore celles s’occupant du mobilier de chantier. Beaucoup de petits patrons rĂ©unionnais dĂ©plorent l’attitude plĂ©nipotentiaire des donneurs d’ordre. Car tous n’ont pas forcĂ©ment les moyens de s’unir comme les transporteurs. Et lĂ , c’est la loi de la jungle.

"Avant il y avait un minimum de respect pour les fournisseurs. Mais lĂ , ce sont les donneurs d'ordres qui fixent les prix et il n’y a pas Ă  discuter", dĂ©nonce-t-on dans le milieu de l’intĂ©rim. On Ă©voque un climat "malsain, de pression, de peur" et beaucoup refusent de tĂ©moigner en dehors de l’anonymat. "On n’a aucun recours face aux abus de position dominante. On n’a pas les moyens de dire non, alors on va travailler pour perdre de l’argent, on ne pourra pas supporter les charges. Avec ces prix-lĂ , la douleur sera terrible au rĂ©veil", prĂ©dit un patron de PME. "On a toujours travaillĂ© de façon saine, les nĂ©gociations sur les prix font partie du jeu, mais pas comme ça...", ajoute-t-il.

Le crédit d'impÎt en question

D’autant qu’il n’y a pas que cette seule question des prix. La position dominante des donneurs d’ordres par rapport aux PME serait source d'autres pratiques. Il est notamment question de l'utilisation du CICE (CrĂ©dit d'impĂŽt pour la compĂ©titivitĂ© et l’emploi). Le procĂ©dĂ© n’est pas nouveau. Il avait Ă©tĂ© dĂ©noncĂ© en juillet 2013 par les ministres Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici, ce dernier menaçant mĂȘme les entreprises se livrant Ă  ce dĂ©voiement du CICE "d’amendes trĂšs importantes". NommĂ© mĂ©diateur inter-entreprises, Pierre Pelouzet avait de son cĂŽtĂ© constatĂ© des tentatives de la part de grands groupes de dĂ©lester de leur CICE les PME travaillant pour eux, sous forme de rĂ©duction illĂ©gale de prix.

MalgrĂ© ces alertes, ce dĂ©voiement du CrĂ©dit d’impĂŽt pour la compĂ©titivitĂ© serait toujours pratiquĂ© par certains donneurs d’ordres en MĂ©tropole. Ce qui plomberait encore plus des petites entreprises dĂ©jĂ  Ă©tranglĂ©es par les prix imposĂ©s. Qu'en est-il Ă  La RĂ©union ?

"Les grands groupes ont un poids énorme"

"Le problĂšme c’est que ceux qui ne veulent pas de cette route font toute sorte de suppositions", rĂ©pond le prĂ©sident de la CCIR Ibrahim Patel, qui assure n’avoir "jamais eu Ă©cho de ce genre de pratiques". "Mais nous sommes d’accord pour accompagner les entreprises et faire le lien avec les donneurs d’ordre si besoin", ajoute-t-il.

Toutefois, tout ne semble pas si clair. MĂȘme au sein de la Chambre de commerce et d’industrie, on avoue qu’il est "assez classique d’entendre ce genre de choses..." "Ça a Ă©tĂ© dit pour la dĂ©fiscalisation, mais on n’a jamais vu de documents pour l’attester. Le fait est que nous sommes dans une problĂ©matique de nĂ©gociation entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants", souligne un membre de la chambre. "Les grands groupes ont un poids Ă©norme, c’est Ă©vident. Si vous travaillez Ă  95 % avec un donneur d’ordre unique, vous ĂȘtes forcĂ©ment dans une position de faiblesse. C’est pourquoi nous insistons pour que les entreprises diversifient leur portefeuille clients", ajoute-t-il.

Bref, si les transporteurs sont parvenus Ă  obtenir un accord satisfaisant, c’est loin d’ĂȘtre le cas des autres petites entreprises locales qui, pour nombre d’entre elles, semblent bel et bien condamnĂ©es Ă  subir la loi du plus fort. Reste Ă  savoir si le mirifique chantier de la NRL pourra malgrĂ© tout leur profiter un peu.

www.ipreunion.com

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5 Commentaires
JORI @ Adrii Du Nord
JORI @ Adrii Du Nord
11 ans

Votre analyse n'est pas complÚtement fausse, toutefois je vous invite à vous rapprocher de la Région et vous verrez que ce que vous dites est déjà en court de réalisation.

Le Président de Région au début de son mandat a débloqué une enveloppe de 300 millions d'euro (Plan de relance régional) qui a permis aux petites entreprises locales de travailler, tout récemment il y a eut l'inauguration d'un complexe sportif à st-Leu (la commune de Thierry Robert qui ne cesse d'insulter Didier Robert), la participation de la région de 2 millions d'euro.

La Région a mis en place au début de sa mandature les cases à lire.

En ce moment sur la commune de St-Paul la Région est en pourparler pour racheter le "Cimendef", ainsi utiliser ce nouveau lieu pour des commerces, des bureaux de région et un complexe culturel. En rachetant ce tas de béton le maire envisage avec l'argent de cet achat de faire plusieurs petites bibliothÚques dans les différents quartier de la commune.

Didier ROBERT et son équipe travaillent pour la population sur tous les plans!!! Il est bon de reconnaßtre l'implication de notre région sur tout le territoire!!

Je comprends qu'il est parfois difficile de croire encore en la politique, personnellement j'ai choisi de regarder ce qui ce fait au lieu d'écouter des détracteurs qui ne cessent de démolir les projets et dossiers de ceux qui sont en place.

Adrii Du Nord
Adrii Du Nord
11 ans

Moi je dit Qu'il y a plus Important a faire que de Construire une route qui est Hors Budget et qui va endetter la RĂ©union. Ce qui serait bien pour la population RĂ©unionnaise sa serait la rĂ©novation, le nĂ©ttoyage des routes, de nos Villes et mĂȘmes de petits Quartiers, L'amĂ©nagement de structures d'annimation pour les Jeunes, Sa pourait etre des terrains de foot ou de sport, des case jeune ammĂ©nager avec tĂ©lĂ© consol suivi scolaire et professionnelle au lieu de leur tourner le dos et de dire kil sont des bon a rien et des dĂ©linquants... Comme le dit Ca finira Jamais: Les Politiques actuells sont des incompĂ©tents et magouilleur. Breff C 'est la rĂ©action dun jeune qui n'a rien a faire et qui ne Croi pa au Blabla des Politiques Bonne SoirĂ©e

La rédactrice
La rédactrice
11 ans

Bonjour,

Du travail, le développement des formations au métier du BTP, de la logistique en perspective !

ca finira jamais
ca finira jamais
11 ans

Mais comment vaincre la crise avec des magouilles aussi énorme ,les politiques actuel sont des incompétents magouilleurs ,mais quand les réunionnais vont finir par comprendre cela , mais quand les réunionnais dont je fais partie vont se réveiller ? nous devrions prendre exemple sur les corses car eux ils ont des c.......

JORI
JORI
11 ans

Nonobstant des aléas, il y a du travail qui s'annonce à l'horizon!!!
Merci à la Région et à Didier ROBERT.