Après plusieurs mois d'attente et de tergiversations, les différents partenaires du projet CapRequins étaient réunis ce vendredi 6 décembre 2013 au Port, dans les locaux du comité régional des pêches, pour annoncer le lancement d'une opération qui démarrera la semaine prochaine et durera six mois. Il s'agit de la pose de palangres de fond et de drumlines en baie de Saint-Paul, permettant de procéder à des marquages et des prélèvements de squales dans le but de réduire le risque requins. En cas de résultats probants, le dispositif est destiné, à terme, à s'étendre aux sites de Boucan-Canot et des Roches Noires.
Prévu à l’origine pour débuter au mois d’octobre, le projet CapRequins avait vu l’IRD se désengager et son lancement retardé, suscitant de nombreuses interrogations sur sa viabilité. Ces doutes ne sont aujourd’hui plus de mise, puisque l’ensemble des partenaires réunis ce vendredi autour du comité régional des pêches et des espèces maritimes (CRPEM) – la ligue de surf, les associations PRR et Squal’idées, la sous-préfète Chantal Ambroise et la vice-présidente du conseil régional Fabienne Couapel-Sauret – ont procédé au lancement officiel de l’opération, tout en présentant son fonctionnement et ses objectifs. À savoir parvenir à la réduction du risque requins grâce à une pêche "de protection", mise en place grâce à des palangres de fond et un dispositif innovant de drumlines.
Une première phase d’expérimentation débutera la semaine prochaine avec la pose des premières palangres en baie de Saint-Paul, avant l’installation de drumlines la semaine suivante. Suivra ensuite une phase intermédiaire en milieu récifal, à Boucan-Canot ou aux Roches Noires, avant de passer réellement à la phase opérationnelle en cas de résultats probants. Le tout devant se dérouler sur une période de six mois, sous l’égide d’un comité scientifique dont il reste à définir la composition, et en collaboration avec les experts sud-africains du KwaZulu-Natal Sharks Board.
Tous les participants au projet ont surtout tenu à mettre l’accent sur "l’unité" et "le consensus" les guidant dans cette opération. "Surfeurs, pêcheurs, plongeurs : il s’agit d’un partenariat représentatif de la mer et de ceux qui la connaissent", a estimé Jean-René Enilorac, président du CRPEM, s’avouant "convaincu que nous allons avancer vers une solution pérenne pour diminuer le risque requins".
La sous-préfète Chantal Ambroise a de son côté évoqué "un moment important" pour décrire le lancement de ce qu’elle juge "une réponse collective et concertée" au problème requins, tandis que la représentante de la Région Fabienne Couapel-Sauret a parlé d’un "juste équilibre entre protection de l’environnement et développement touristique".
Des bouées "intelligentes" pour des informations en temps réel
Mais ce projet CapRequins – dont les résultats seront scrutés scrupuleusement de toutes parts -, c’est encore David Guyomard, chargé de mission au comité des pêches, qui en parle le mieux. "L’objectif est de cibler uniquement les requins présents durablement dans les zones côtières", explique-t-il, précisant que cela représente "un nombre très limité d’individus", se basant sur les données du programme CHARC. "La moitié des requins pêchés seront marqués, l’autre moitié sera prélevée dans le cadre du programme ciguatera 2", ajoute-t-il.
Deux techniques de pêche seront donc utilisées, les palangres de fond et les "smart" drumlines, le tout entouré de stations d’écoute et équipé de caméras vidéo. Concernant les palangres, il s’agit d’une "technique largement éprouvée par le programme CHARC, efficace sur les requins bouledogues en particulier et ultra sélective puisqu’on n’a jamais constaté de mortalité sur d’autres espèces", souligne David Guyomard, devançant les éventuelles critiques d’associations protectrices de l’environnement.
C’est également ce principe qui a guidé les équipes de CapRequins dans le choix de la mise en place des "smart" drumlines, un dispositif dont La Réunion se fait la pionnière. De gros appâts, accrochés à de gros hameçons, seront reliés à une bouée "intelligente" permettant d’envoyer des informations en temps réel et donc d’intervenir rapidement en cas de capture d’un animal "non-désiré". "Le coeur du projet est d’étudier la faisabilité de cette technique et son efficacité sur les tigres et les bouledogues tout en préservant les autres espèces", poursuit le membre du CRPEM. La première phase pilote en baie de Saint-Paul, loin de toute activité nautique, servira notamment à mesurer l’attractivité de ces drumlines sur les requins.
Les choses sont donc enfin en place pour procéder à la concrétisation d’un projet dont on attend beaucoup. Le dispositif n’entre toutefois que dans une phase expérimentale, que tous espèrent concluante sous peine de se retrouver une nouvelle fois les pieds dans l’eau face au risque requins.
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