Madagascar : réunion au palais présidentiel après sept jours de manifestations

  • Publié le 2 octobre 2025 à 08:58
Madagascar, Emeutes

Pendant que des tirs de gaz lacrymogène résonnent à Antananarivo, des rassemblements de la jeunesse malgache dans plusieurs villes du pays ont de nouveau réclamé mercredi 1er octobre 2025 le départ du président Andry Rajoelina, après déjà une semaine de manifestations et un appel désormais à la grève générale. Les étudiants appellent une nouvelle fois à une mobilisation massive pour ce jeudi.

Mercredi soir, le chef de l'Etat a organisé une réunion au palais présidentiel avec des représentants de la communauté internationale, a indiqué à l'AFP Lova Ranoromaro, une porte-parole de la présidence.

Selon elle, le mouvement est dispersé, "sans qu'un vrai leader clair n'émerge pour porter leur parole et permette un échange structuré".

"Les revendications exprimées — notamment l'accès à l'eau et à l'électricité — ont déjà été prises en compte, avec en l'occurrence le soutien de nos partenaires internationaux. Mais (...) une instabilité politique conduirait à la suspension de ces appuis", a-t-elle ajouté, en évoquant "des financements importants".

- Tirs de lacrymogène et appels à la grève générale -

Dans la grande ville d’Antsiranana, une foule de plusieurs milliers de personnes a défilé en appelant au départ du président, a confirmé à l’AFP une source locale dans le nord de Madagascar.

Des rassemblements ont aussi eu lieu dans plusieurs villes du pays.



Dans l’après-midi, le centre d’Antananarivo était bouclé par les forces de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des groupes épars, a constaté une équipe de l’AFP. Mais la vie suivait son cours normal dans le reste de la capitale.

Des images d’un jeune garçon blessé au visage mercredi ont fait le tour des réseaux sociaux et médias malgaches. "Le gouvernement a pris en charge gratuitement le traitement du garçon blessé", a indiqué le principal hôpital de la capitale dans un message sur les réseaux sociaux montrant l’enfant, tête bandé, passant des imageries médicales.

Une déclaration fustigée par de nombreux internautes. "Tu tires et tu fais semblant de traiter après", lance un homme. "Mais quelle bonté Monsieur Le Président ! Pendant que vous y êtes, un peu d’eau et d’électricité pour le peuple ? Aussi, pouvez-vous dire aux militaires de ne plus tirer sur les Malagasy ?", commente un autre. 



La répression, ayant fait au moins 22 morts et des centaines de blessés d’après un bilan de l’ONU lundi, a durci le mouvement dont le mot d’ordre est désormais "Rajoelina, dégage" ("Miala Rajoelina").

Le gouvernement malgache conteste fermement ces chiffres. Par la voix du ministère des Affaires étrangères, il parle de "rumeurs" et de "désinformation", rappelant que "aucun chiffre officiel ne corrobore ce bilan".

Les autorités insistent sur le fait que les forces de l’ordre agissent "pour rétablir la sécurité et protéger les biens et les personnes", tout en rappelant que "les libertés fondamentales doivent s’exercer dans le respect de l’ordre public".

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- L’Eglise appelée à la rescousse -

L’opposition, d’abord timide, s’est joint mercredi à la dynamique via une rare prise de position de la plateforme Firaisankina.

Le principal opposant malgache Siteny Randrianasoloniaiko, notamment, et l’ancien président Marc Ravalomanana, parti après la contestation populaire de 2009, font partie des signataires.

Cinq des principales organisations de la société civile ont appelé "l’Eglise" à "conduire le processus de concertation" dans un communiqué commun, publié après un message du pape Léon XIV mercredi.

Le souverain pontife s’est dit "attristé par les nouvelles de Madagascar", île pauvre de l’océan Indien, et a appelé à la "promotion de la justice et du bien commun".

Ancien maire d’Antananarivo et magnat des médias, Andry Rajoelina, 51 ans, a été installé une première fois au pouvoir de 2009 à 2014 par les militaires après un soulèvement populaire. Il s’est mis en retrait quatre ans sous la pression internationale puis s’est fait élire en 2018 et réélire en 2023 lors d’un scrutin contesté.

Le renvoi lundi de son gouvernement ne "suffit pas", balayait mardi auprès de l’AFPTV un porte-parole du mouvement à l’université d’Antananarivo préférant conserver l’anonymat par peur de représailles. "Nous demandons la démission du président", a-t-il clamé, visage dissimulé par un masque chirurgical.

"Il est au pouvoir depuis 16 ans, mais rien n’a changé, les conditions de vie des Malgaches se dégradent et empirent de jour en jour. Notre avenir s’assombrit", critiquait mardi un autre manifestant, coupe de cheveux et chemise soignées mais lui aussi masqué.

- Annonces présidentielles et volonté de dialogue  -

Le gouvernement a promis de nouvelles mesures en faveur des entreprises touchées par les pillages et incendies du 25 septembre : crédits à taux zéro, subventions ciblées et allègements fiscaux, incluant exonérations et réductions d’impôts.

Le chef de l’État a également réaffirmé son intention de consulter largement, "des parents aux étudiants, en passant par les entrepreneurs et les religieux" pour établir un espace de concertation nationale. L'objectif : définir les priorités de développement du pays de façon participative. "Je commande le patriotisme, pas l’amour du pouvoir et de l’honneur", a-t-il déclaré, affirmant vouloir mener à bien les projets liés à l’électricité, à l’eau et à l’agriculture avant la fin de son mandat.

Sur sa page Facebook, le gouvernement a publié une annonce adressée à "toute personne qui a la capacité de répondre aux aspirations des départements ministériels concernés et qui a le sentiment de pouvoir faire une différence dans le pays".

Lire aussi - Madagascar : le président Andry Rajoelina limoge le Premier ministre et son gouvernement

- De nouvelles revendications -

Les revendications se sont encore étendues : la Gen Z demande dans un message sur les réseaux sociaux la dissolution du Sénat, de la Haute cour constitutionnelle et de la commission électorale ainsi qu’un procès contre l’homme d’affaires Mamy Ravatomanga, principal soutien financier d’Andry Rajoelina.

Reprenant le drapeau pirate tiré du manga "One Piece" vu lors des contestations en Indonésie ou au Népal et baptisé en référence à la génération née avec l’an 2000, le mouvement Gen Z est très organisé sur les réseaux sociaux et a embrasé le pays au-delà de la capitale.

Le mouvement appelle la fonction publique à "se joindre à la grève générale". Le principal syndicat des inspecteurs du travail ainsi que de la société nationale de distribution d’eau et d’électricité (Jirama) ont annoncé se mettre en grève.

Les coupures incessantes d’eau et d’électricité, causées selon les manifestants par une mauvaise gestion du pouvoir, sont à l’origine du ras-le-bol et de la première manifestation le jeudi 25 septembre, quand des pillages généralisés ont été menés ensuite par "des gangs sans lien avec les manifestants", selon l’ONU.

Malgré ses immenses ressources naturelles, cette ancienne colonie française devenue indépendante en 1960 figure encore parmi les pays les plus démunis au monde. En 2022, près de 75% de sa population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale. Par ailleurs, l’organisation Transparency International le place au 140e rang sur 180 dans son indice de perception de la corruption.

www.imazpress.com / redac@ipreunion.com avec l'AFP

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2 Commentaires
Basile
Basile
1 jour

Remarquons que lorsque les exploités se révoltent contre le sort inhumain qui leur fait par leurs exploiteurs, ces derniers accompagnés de toute une cohorte de "bien pensants" sortent du bois pour prêcher "la fin de la violence" comme si la violence venait des classes populaires et non des classes dominantes et exploiteuses et de leurs forces de répression.

75 % de la population malgache maintenus par la violence des riches en-dessous du seuil de pauvreté, la majorité des masses pauvres privées d'eau potable et d'électricité, du droit à la santé et à l'éducation, à la libre expression, les provinces du sud chaque année frappées par la famine pour cause de récoltes réduites à néant faute d'eau... alors qu'il suffirait de l'amener par canalisation depuis les provinces mieux dotées, etc.

De quelle "violence" parle le pape, de celle de Rajoelina et des profiteurs malgaches et étrangers qui étranglent le peuple malgache ? Bien sûr que non ! Il vise les pauvres qui selon lui n'ont rien de mieux à faire que de prier, de se courber devant les puissants et d'espérer quelques aides des organisations caritatives.

Ainsi le système pourra se perpétuer et les exploiteurs avoir la "paix" pour continuer à mener leurs affaires et trafics en tous genres pendant que le "petit peuple" continuera à suer leurs profits !

C'est toujours la sainte alliance du "capital, du sabre et du goupillon" !

runglob9863
runglob9863
2 jours

Les interprétations internationales valent ce qu'elles valent, elles sont trop souvent faites HORS tout contexte, politisées , Madagascar et l'Afrique en général ne peuvent pas suivre le modèle occidental, d'abord par leurs us et coutumes et ensuite par leur niveau de vie! Ayant vécu et étant actif dans le milieu économique en finançant l'emploi de plusieurs malagasy je sais de quoi je parle