Longtemps utilisée par les gramounes, la méthode des enveloppes budgétaires revient à la mode. Face à la vie chère et à l'inflation, de plus en plus de familles renouent avec cette façon simple et concrète de gérer leurs dépenses. (Photo photo Sly/www.imazpress.com)
Il y a une dizaine d'années, la méthode des enveloppes, aussi appelée cash stuffing en anglais, refait surface aux États-Unis, avant de gagner la France. D’après la dernière enquête Educfi de la Banque de France, 32 % des Français utilisaient cette méthode en 2023. Revenu à la mode, ce système de gestion budgétaire séduit de plus en plus de Réunionnais.es, preuve que les recettes de nos aînés n’ont pas pris une ride.
- Une méthode simple et visuelle -
Le principe est simple : on définit un budget mensuel, puis on le divise en plusieurs enveloppes physiques, chacune dédiée à une catégorie de dépenses : alimentation, essence, sorties, cadeaux, épargne... On y place une somme fixe en espèces, définie à l’avance selon ses priorités. Une méthode visuelle, efficace et sans surprise : quand une enveloppe est vide, on s’arrête de dépenser.
C'est ce qu'a choisi de faire Claire*, 49 ans et mère célibataire à Sainte-Marie : "Je n'arrivais pas à comprendre où partait mon argent. J'avais l'impression de n'avoir rien acheté et pourtant, je finissais chaque mois dans le rouge", elle raconte. Il y a 5 ans, elle découvre la méthode des enveloppes sur les réseaux sociaux. D'abord hésitante, elle commence petit : "Au début, j'avais deux enveloppes. Une pour la nourriture et une pour l'essence. Puis, j'en ai ajouté d'autres : loisirs, beauté et une enveloppe pour ma fille".
Peu à peu, cette organisation lui a permis de reprendre le contrôle sur son budget. "Je sais exactement où passe chaque euro. Je n'ai plus peur des fins de mois", confie la maman. Elle se réjouit d'avoir trouvé, aujourd'hui, un équilibre. "Mon but, c'est de gérer correctement".
- Un bon moyen d'épargner -
Loin d'être réservée aux ménages en difficulté, la méthode des enveloppes est aussi utilisée par ceux qui souhaitent épargner plus efficacement. Certains créent même des enveloppes pour les vacances, les cadeaux de Noël ou un futur projet.
Claire parvient désormais à se verser 100 euros par mois, une petite somme pour les imprévus, qu’elle utilise aussi pour financer un voyage tous les deux ans. Elle met également 100 euros de côté pour sa fille, depuis que celle-ci a un mois. Aujourd’hui, Claire ne reviendrait en arrière pour rien au monde. "Ce système m’a apporté de la sérénité. Même quand je dois me serrer un peu la ceinture, je sais pourquoi".
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- Une technique transmise de générations en générations -
À 11 ans, la fille de Claire participe aussi à la gestion du budget avec les enveloppes : "Elle compte avec moi, elle voit quand il ne reste plus grand-chose. Ça lui apprend que parfois, on peut dépenser, et parfois, on ne peut pas".
Pour Nathalie, 50 ans, la méthode des enveloppes est presque un héritage familial. "J’ai toujours vu ma mère le faire", se souvient-elle. Quand elles étaient petites, avec sa soeur, la portoise regardait sa mère répartir des billets dans plusieurs enveloppes sur lesquelles étaient inscrits : "courses", "linge", "électricité", "marmaille". Ses cinq frères, eux, n’étaient jamais conviés. "Maman nous disait : regardez bien les filles, vous en aurez besoin un jour. Ne comptez pas sur vos maris pour tenir l’argent de la maison".
Plus tard, devenue maman à son tour, Nathalie reprend le même système : "J’ai utilisé les mêmes intitulés que ceux de ma mère, puis j’ai ajouté "école", "téléphone", "loisirs". Avec un seul salaire à la maison, elle devait être vigilante. "Le découvert bancaire, ce n’est pas pour moi. Ça me stresse trop. Les enveloppes m’ont beaucoup aidée".
Au début des années 2000, elle ajoute une autre habitude : une tirelire où elle glisse un euro par jour. "À la fin de l’année, ça me permettait de faire de beaux cadeaux aux enfants". Aujourd’hui, même si ses deux enfants ont quitté le nid et qu’elle a abandonné les enveloppes, Nathalie perpétue l’esprit de cette méthode : "Je continue à mettre un euro par jour dans ma tirelire. Maintenant, c’est pour gâter mon petit-fils".
- Une tendance monétisée sur les réseaux sociaux -
Si la méthode des enveloppes fait son retour dans les foyers, c’est aussi grâce, ou à cause, d’un engouement massif sur les réseaux sociaux. Sur TikTok et Instagram, les vidéos de "cash stuffing" cumulent des dizaines de millions de vues en France. Certaines influenceuses, devenues de véritables références de la gestion de budget en ligne, transforment la pratique en commerce et proposent leurs propres outils : classeurs colorés, enveloppes plastifiées et kits complets vendus plusieurs dizaines d'euros euros. Une manière de capitaliser sur un phénomène devenu aussi viral que lucratif.
Selon un article du journal Le Monde, et d'après une étude de l’agence Reech, les vidéos liées à la méthode des enveloppes ont généré, entre janvier 2024 et juin 2025, plus de 28 millions de vues sur TikTok, 8 millions sur Instagram et plus d’un million sur Facebook.
- Un système décliné en numérique -
Si la technique est née à une époque où l’on payait tout en liquide, elle a su s’adapter à notre quotidien numérique. De nombreuses applications mobiles reproduisent aujourd’hui le système des enveloppes virtuelles : on y répartit son budget, on suit ses dépenses en temps réel et on reçoit des alertes lorsque la limite est atteinte. Certaines banques proposent même des "sous-comptes" dédiés, reprenant ce principe de manière automatisée.
Simple à mettre en place, cette méthode demande surtout de la rigueur et un peu d’organisation. Au fond, le système des enveloppes est bien plus qu’une technique de comptabilité personnelle. C’est un outil d’autonomie financière, qui redonne une valeur tangible à chaque euro dépensé. À l’heure où tout se dématérialise, ce retour à une gestion physique de l’argent rencontre un écho particulier : celui de la simplicité et du bon sens.
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* : prénom d'emprunt